Le CHU se donne pour ambition de développer dès aujourd’hui et dans les deux prochaines années son activité de chirurgie ambulatoire, afin de répondre à la demande des pouvoirs publics, mais aussi d’améliorer son offre de soins et de conforter les attentes de ses patients. C’est dans cette perspective que l’hôpital a réuni, lundi 28 octobre, ses chirurgiens, anesthésistes et cadres de santé autour d’une soirée de conférence et d’échanges, animée par des experts et chirurgiens de pointe en matière d’ambulatoire au niveau national. Une initiative du directeur général, Jean-Pierre Dewitte, et du président de la commission médicale d’établissement, le Pr Bertrand Debaene.
Le Dr Gilles Bontemps, directeur associé de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), a commencé par mettre en lumière des chiffres significatifs sur la chirurgie ambulatoire, issus de la base de données Hospi-Diag. Par exemple, le CHU de Poitiers est passé d’un taux de global de chirurgie ambulatoire de 26,38% en 2013 à 28% en 2014. S’il se place ainsi dans les 20% des établissements ayant le meilleur taux, pour une taille comparable au niveau national, il arrive dans les 20% des établissements ayant le taux le plus bas, tous les établissements confondus, au niveau régional.
Le CHU est ainsi le 5e centre en termes d’activité de chirurgie ambulatoire dans la région Poitou-Charentes, et ce sont les cliniques qui arrivent en tête dans sa zone de proximité immédiate, avec une part de marché deux fois plus importante. Les conditions médicales et psycho-socio-environnementales définies par la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) montrent que 90% des patients sont éligibles à la chirurgie ambulatoire, et ce quel quoi soit le type d’établissement. La marge de progression du CHU en chirurgie ambulatoire classique est évaluée à 1 400 actes supplémentaires par an.
Encourager le dialogue pluridisciplinaire et l’éducation patient
Le deuxième invité de la soirée, le Dr Gilles Cuvelier, est urologue au Centre hospitalier de Cornouaille, à Quimper (Finistère), et travaille activement au développement de la chirurgie ambulatoire au niveau national. « Avec la dissociation des soins et de l’hébergement, c’est une révolution qui est en cours. Les soins sont aujourd’hui des actes de haute technologie qui, comme l’industrie, nécessitent la mise en place de processus complexes », a-t-il affirmé. Pour lui, la réussite du déploiement de la chirurgie ambulatoire doit s’appuyer sur l’identification et la réduction des gaspillages (sources de pertes de temps), la définition de cartes de valeurs, le contrôle systématique de chaque étape et une excellente communication entre les unités, les blocs opératoires et la salle de soins post-interventionnelle.
« Il est indispensable que tous ces acteurs se réunissent autour d’une table pour écrire le chemin clinique de chaque patient. La « culture de la RCP », la réunion de concertation pluridisciplinaire, favorise en plus l’esprit de groupe, de challenge et la satisfaction professionnelle. » En passant de la notion de séjour à celle de parcours, le patient devient acteur de sa prise en charge. Informé et éduqué sur les risques postopératoires, tout doit être fait pour faciliter le contact avec un interlocuteur unique et réduire les délais d’attente. « C’est contre culturel, mais nous préconisons de ne pas prémédiquer et d’hydrater le patient pour limiter les effets de l’anesthésie, et de favoriser les circuits courts, permettant notamment au patient de se rendre à pied en salle d’opération. » Le Dr Gilles Cuvelier a ensuite livré son analyse suite à sa visite dans l’unité de chirurgie ambulatoire du CHU de Poitiers, en saluant la motivation de l’infirmière coordinatrice et la taille des locaux, mais en regrettant le manque de chemin clinique, d’espace d’échange et de continuité des soins. Concernant le service d’urologie, il a souligné dans les points positifs l’arrivée de la vaporisation laser de la prostate, une technique qui permettra de développer l’ambulatoire.
Figure de proue de la chirurgie ambulatoire, c’est ensuite le Pr Corinne Vons, chirurgien digestif à l’AP-HP, qui est intervenue, également en sa qualité de présidente de l’association française de chirurgie ambulatoire (AFCA) et de membre du comité exécutif de l’association internationale de chirurgie ambulatoire (IAAS). Elle a rappelé la progression de la chirurgie ambulatoire en France ces 15 dernières années, passée de 18 gestes marqueurs de 1999 à 2009 à 43 gestes aujourd’hui, dont des actes chirurgicaux de plus en plus lourds, grâce à la progression du savoir-faire (endoscopie, anesthésie), des modes d’organisation et de la gestion des risques postopératoires. « Seules deux études randomisées ont jusque-là été menées sur la prise en charge en chirurgie ambulatoire, sur la cataracte et la vésicule biliaire. Aucune différence en termes de mortalité ou de morbidité n’a été révélée », a appuyé le Pr Vons, avant de mettre en avant trois domaines d’expertises essentiels, ensuite illustrés par des cas concrets d’interventions en chirurgie digestive. Le premier point concerne la gestion des risques liés pendant la chirurgie, l’anesthésie et en postopératoire : « Nous devons mettre en place des barrières de sécurité à chaque étape et mettre l’accent sur l’éducation du patient, à qui nous devons tout expliquer et répéter en multipliant les supports de communication. » Le deuxième est la rapidité de la réhabilitation postopératoire du patient, idéalement inférieure à six heures. Le troisième et dernier point est lié à la capacité à planifier la prise en charge médicale avant et après l’intervention, pour garantir au patient qualité et sécurité à travers la définition d’un chemin clinique. « Longtemps restreint aux cures de hernies, le champ d’intervention en ambulatoire, en chirurgie digestive comme en chirurgie classique, n’a cessé de s’élargir et semble vouloir progresser encore », a-t-elle terminé.
« Nous allons vers la nuitée sur ordonnance »
C’est enfin le Dr Guy Raimbeau, chirurgien orthopédiste, responsable du centre de la main d’Angers, qui a conclu cette soirée d’échanges en rappelant l’importance de la mise en place d’un chemin clinique : « Les consultations préopératoires avec le chirurgien et l’anesthésiste, la prescription d’antalgiques en amont, les consultations et la définition du circuit postopératoires… sont autant d’étapes qui demandent d’y consacrer du temps, de se concerter, mais qui sont indispensables à la réussite de la prise en charge en ambulatoire. »
Il a continué en soulignant les spécificités de la chirurgie de la main : un patient qui marche, mais qui a besoin d’être aidé et écouté, avec une prise en charge en ambulatoire adaptée qui devient un atout en termes d’attractivité. « Notre centre est indépendant, nous n’avons plus de brancardiers, pas de lits, et nous avons une convention de repli avec d’autres établissements. Nous travaillons beaucoup en amont sur la sélection et l’éligibilité des patients, ainsi que sur le calibrage des temps opératoires. Le patient n’est plus seulement acteur, il est au cœur du scénario ! » a insisté le Dr Raimbeau. Selon lui, il faut maintenant se demander à quoi sert la nuitée, inutile dès lors qu’elle n’est pas justifiée par une activité technique (soins intensifs par exemple), une instabilité du patient ou une gestion nécessaire de la douleur. « Nous allons demain vers la nuitée sur ordonnance, bien qu’il reste quelques barrières à dépasser, comme le fait que des mutuelles exigent encore une nuitée pour certaines prises en charge », projette-t-il. La question de chirurgie prothétique en ambulatoire a ensuite fait l’objet d’échanges animés dans l’assemblée.
Jean-Pierre Dewitte, directeur général du CHU, a finalement rappelé la volonté de l’hôpital d’accompagner ses équipes médicales et soignantes vers une progression de la chirurgie ambulatoire. « Notre unité de chirurgie ambulatoire progresse mais elle ne tourne pas encore à plein. J’ai pour projet d’étendre ses horaires de fonctionnement, a-t-il annoncé. La demande de l’agence régionale de santé et de nos patients est forte, avec un risque de fuite si nous ne changeons pas. Nous avons pour obligation de réfléchir ensemble à l’ambulatoire, en profitant des expériences réussies des autres centres en France, pour éviter de stagner et dépasser les résistances culturelles, même si nous sommes déjà bons ! » a conclu le directeur général.