Une équipe mobile du centre REB (risque épidémique et biologique) a été créée pour prendre en charge les patients suspects de covid dont l’état ne permet pas un déplacement à l’hôpital. Au-delà des dépistages, cette équipe pluridisciplinaire assure un rôle important d’aide et d’accompagnement auprès des établissements accueillant les personnes les plus à risques, c’est-à-dire les personnes âgées. Le Dr Mélanie Catroux, spécialiste des maladies infectieuses, en présente les missions et le soutien apporté aux EHPAD notamment.
Le CHU a constitué une équipe mobile REB. Quel en était l’enjeu ?
Nous avons mis en place à la mi-mars, une équipe mobile REB qui intervient dans les établissements médico-sociaux lorsque le patient ne peut pas se déplacer compte-tenu de son état général. Cela concerne principalement les personnes âgées. Nous nous déplaçons également dans les institutions lorsqu’il y a plusieurs cas suspects pour effectuer des dépistages de masse. Nous avons ainsi, en une seule fois, effectué des prélèvements sur 90 résidents et 70 personnel de santé au sein d’une même institution.
Au début, nous nous sommes rendus essentiellement dans les EHPAD mais nous avons également été amenés à nous rendre dans d’autres types de collectivités puisque la vie en communauté, les regroupements sont sources de risques. Nous avons pu visiter différents types de communautés comme un foyer de jeunes handicapés et un foyer de migrants. Les foyers de migrants sont des foyers au sein desquels existe une grande précarité.
Mais votre mission ne se résume pas qu’au dépistage ?
Les missions de l’équipe mobile sont multiples en effet. Certes, il s’agit, en premier lieu, de dépister. Une infirmière seule peut être dépêchée puisque les médecins coordonnateurs des établissements ou les médecins traitants gardent leur rôle auprès des patients. Lorsqu’il y a plusieurs cas suspects, l’équipe est plus nombreuse de façon à faire tous les prélèvements au même moment. Le déplacement de l’équipe mobile REB demande une grande organisation surtout lorsqu’il y a des dépistages de masse à faire. Cela nécessite du matériel, plusieurs personnes formées aux prélèvements, une organisation sur place.
Les visites nous permettent également de faire un point sur les précautions mises en place au sein de la structure. Nous avons un rôle dans l’information et de prévention face au virus. Nous présentons les gestes barrières à l’ensemble du personnel : direction, médecins, infirmiers, aides-soignants, agents de service, cuisiniers, aux lingères. Nous fournissons des informations sur les mesures à mettre en place si des cas sont confirmés. L’application de ces mesures est importante non seulement pour que l’épidémie ne se propage pas plus dans la structure mais aussi tout simplement pour que le personnel ne se mette pas en danger. Les hygiénistes nous ont accompagnés parfois lors de ces déplacements mais ils restent à la disposition des établissements médico-sociaux pour répondre à leurs questions.
Nous avons dû aussi rassurer le personnel de ces établissements qui se posent beaucoup de questions. Des questions professionnelles sur comment acheminer le linge, le repas, comment s’habiller, se déshabiller. Mais, il y a beaucoup de questions d’ordre plus personnel, sources d’angoisse liées à la crainte de contaminer les proches. Il est important de pouvoir répondre à ces questions parce que ce ne sont pas forcément des questions pour lesquelles nous trouvons des réponses claires surtout avec tout ce qui circule dans les médias. Ces échanges sont aussi enrichissants humainement et professionnellement pour eux comme pour nous. Nous sentons que nous apportons une expertise à des établissements qui n’ont pas l’habitude de gérer des crises sanitaires de cette ampleur-là. Ils ont déjà fait face à des épidémies de grippe ou de gastro-entérite mais celles-ci n’ont pas cette ampleur sanitaire et médiatique. Informer et rassurer fait partie de notre travail.
Qu’en est-il de la situation des EHPAD et autres établissements en charge des personnes âgées dans le département ?
Sur le plan épidémique, nous n’avons pas de situation de l’ampleur du Grand-Est et d’l’Ile-de-France. Quelques établissements ont, toutefois, payé un lourd tribut. Nous y avons rencontré une énorme souffrance. Il y existe un lien particulier entre le personnel et les résidents, différent de celui que nous pouvons avoir avec nos patients à l’hôpital. Les résidents sont dans les EHPAD depuis plusieurs années, donc l’implication et le ressenti sont bien plus fort. Certaines équipes ont été psychologiquement en difficultés. L’équipe de soins palliatifs du Dr Laurent Montaz s’est mobilisée pour les accompagner.
Notre présence ainsi que le fait que nous soyons joignables 24h/24, 7 jours/7, les a apaisés. C’est rassurant pour ces établissements d’avoir un contact direct avec nous. Ils se sentent épaulés dans cette gestion difficile.
Des tests de dépistages massifs sont préconisés dans ces établissements. Qu’en pensez-vous ?
C’est un vrai sujet de discussion. En fait, des dépistages massifs peuvent être réalisés dans certaines situations par exemple lorsque plusieurs soignants d’une maison de retraite sont suspects covid. Nous dépistons l’ensemble du personnel soignant pour éviter que les porteurs ne contaminent les résidents. De la même façon, si plusieurs résidents sont malades du covid, nous pourrons être amenés à dépister l’ensemble des résidents pour mettre en place, au sein de la structure, une sectorisation pour isoler les patients covid des autres résidents. Nous avons donc été amenés à le faire et nous le referons sans doute. Cela ne fait pas partie des recommandations officielles. Nous parvenons à cibler les urgences.
Nous entendons parler de pénurie de test. Qu’en est-il vraiment ?
Les dépistages que nous réalisons, sont les tests PCR qui consistent en un écouvillonnage avec un prélèvement naso-pharyngée soit un prélèvement dans la gorge et dans le nez. C’est un prélèvement assez invasif qui est fait par des infirmières formées et qui nécessite des précautions d’hygiène strictes pour acheminer correctement après le prélèvement au laboratoire. Les dépistages conditionnent trois choses : le kit de prélèvement, les réactifs nécessaires à l’analyse et la chaine des tests. Le CHU De Poitiers avait une capacité quotidienne de 600 à 800 tests par jour, actuellement la capacité est d’environ deux mille tests. Nous ne sommes pas limités actuellement pour faire du dépistage mais il faut s’assurer que les fabricants puissent fournir les kits et les réactifs qui, à certains moments de la crise, ont été sous tension.
Craignez-vous les reprises des visites dans les établissements accueillants des personnes âgées tels que les EHPAD ?
Il était nécessaire d’autoriser à nouveau les visites auprès de nos séniors qui souffrent déjà énormément d’isolement. Mais, je pense qu’il va falloir faire plus attention. Les visites devront être extrêmement surveillées, très protocolisées pour éviter que des personnes extérieures à l’établissement n’introduisent le virus auprès des résidents. Est-ce que je les redoute? Pas particulièrement. Les choses sont bien organisées.
En ce qui concerne les établissements dépendants du CHU de Poitiers et du groupe hospitalier Nord-Vienne, la reprise des visites a été discutée en cellule de crise (voir notre communiqué de presse). Il faut maintenir une rigueur et une surveillance accrue ce qui n’est peut-être pas très agréable.
Comment vos équipes vivent-elles cette situation ?
Les équipes ont été formées dès le début de l’épidémie notamment à la technique de prélèvement. Je n’ai pas eu le sentiment qu’il ait eu la moindre appréhension face à un éventuel risque quel qu’il soit. Elles se sont pleinement investies.
Quelles leçons tirez-vous déjà de cette crise exceptionnelle ?
Je pense que nous avons été très réactifs. Nous nous sommes rapidement mis en ordre de marche. Nous avons travaillé conjointement avec la direction générale. Les relations se sont toujours bien passées dans cette gestion de crise avec l’écoute de l’expertise médicale, de l’expertise scientifique, de la gestion des protocoles communs.
Et puis, nous avons été amené à travailler avec des gens avec lesquels on ne travaille pas d’habitude aussi fréquemment et régulièrement. Il est vrai que le CHU de Poitiers est un établissement à taille humaine. Nous nous connaissons globalement tous. C’est essentiel pour créer le lien et se faire confiance.
Finalement, si je ne devais retenir qu’une seule chose, c’est qu’une telle crise demande beaucoup d’engagement et de temps. Nous avons du mal à nous extraire du covid. Mais elle rapproche ; elle soude les équipes. Je crois que cet élan de solidarité dont font preuve la plupart des français se matérialise au quotidien au sein de l’hôpital. Il y a eu une belle solidarité de tout l’établissement.
Ce qui est certain avec cette crise sanitaire, c’est que cette épidémie comme toutes les épidémies, montre l’importance de respecter des mesures barrières. Il va falloir apprendre et continuer à vivre en sachant qu’il faut appliquer des gestes barrières que l’on soit professionnel de santé ou pas. Il existe un minimum de règles d’hygiène à respecter quand lorsque l’on est porteur d’une infection virale. Je pense que les gens en ont pris conscience. Ils vont, je l’espère, en tirer des leçons.