La dénutrition, qui concerne près de 2 millions de personnes en France, touche avant tout les personnes âgées, les patients atteints de pathologies graves et les enfants. Elle est fréquente en milieu hospitalier où elle augmente les risques de complications voire de mortalité, ainsi que les coûts d’hospitalisation. Chaque service, chaque soignant, peut donc être concerné et la prendre en charge. L'unité transversale de nutrition et le CLAN, équipes pluridisciplinaires composées notamment de médecins, d’infirmiers, d’aides-soignants et de diététiciens, ont entre autres pour mission d’optimiser la prise en charge des patients dénutris au sein du CHU. Ce sont justement ces derniers que nous avons interrogés pour connaitre leur rôle dans la prise en charge de la dénutrition au CHU de Poitiers.
Dénutrition : le rôle essentiel des diététiciens
La dénutrition est donc fréquente chez les personnes hospitalisées : un patient sur deux souffrirait de dénutrition, ce qui peut retarder la guérison et augmenter le risque d’infection en même temps que les coûts d’hospitalisation. Certains secteurs sont plus à risques comme la gériatrie ou la cancérologie. En gériatrie, où les personnes âgées perdent peu à peu l’appétit avec l’âge, le poids fait l’objet d’une grande attention et des actions sont mises en place pour rendre les repas agréables, rehausser les goûts ou enrichir l’alimentation. L’enrichissement calorique et/ou protéique, qui consiste à incorporer divers éléments aux plats, sert à améliorer leur valeur nutritionnelle sans en augmenter le volume. Il est préconisé en cas de perte de poids, de maladie, de convalescence, de modification de texture, etc. La variété des produits alimentaires pouvant servir à l’enrichissement permet de proposer des plats adaptés aux goûts de chacun. Véronique Brunard, diététicienne depuis plus de 17 ans, exerce dans le pôle gériatrique du CHU de Poitiers. Elle explique que la prise en charge de la dénutrition chez les personnes âgées repose sur un travail d’équipe avec les aides-soignants et les infirmières qui, parce qu’elles passent beaucoup de temps avec les patients, les connaissent bien, ainsi qu’avec les médecins. « Lorsque des patients sont dénutris, nous prônons en premier lieu, l’enrichissement de plat. Il est important que les patients conservent le plaisir de manger. Et nous faisons attention à ne pas changer leurs habitudes alimentaires ». Lorsque la dénutrition est due à des troubles comportementaux, Valérie Brunard observe le patient afin de trouver comment l’amener à manger. Ainsi, pour cette patiente qui ne tenait pas en place pendant le repas, le plateau repas sur lequel est posé l’ensemble les plats a été remplacé par un repas dans l’assiette, plat par plat. Et, ça fonctionne. En pédiatrie, les médecins interpellent les diététiciens dès qu’un enfant semble souffrir de dénutrition. Pascale Hermouet, diététicienne dans le service de pédiatrie, rencontre alors les familles pour comprendre l’origine du problème alimentaire. Elle évalue les apports alimentaires de l’enfant et s’assure qu’il ne vient pas d’une pathologie sous-jacente. Il s’agira ensuite d’enrichir l’alimentation en l’adaptant aux carences de l’enfant. Romain Lecomte, diététicien en endocrinologie, en gastro-entérologie et dans l’unité transversale de nutrition souligne que dans ces services, le traitement de la dénutrition commence toujours par une évaluation :
« nous évaluons d’abord la capacité du tube digestif du patient à recevoir des aliments. Nous lui posons des questions sur son appétit. Nous vérifions qu’il n’y n’ai pas de troubles de la mastication, de la déglutition, ou de troubles digestifs. Cela nous permet de prédire leurs capacités actuelles à couvrir leurs besoins alimentaires en mangeant normalement par la bouche. Pour ceux pour lesquels c’est possible, nous allons leur conseiller plusieurs stratégies, parmi lesquelles, les deux plus importantes : le fractionnement, qui consiste à manger plus souvent, et l’enrichissement. Ces deux stratégies peuvent être complémentaires ». Dans les cas de dénutrition sévère ou dans certains services comme celui de chirurgie viscérale, les spécialistes peuvent avoir recours à la mise en place d’une nutrition artificielle par voie entérale ou parentérale. La première consiste à administrer une solution nutritive dans le tube digestif par l’intermédiaire d’une sonde ; le second permet d’alimenter le patient par le sang ,dans l’idéal par voie centrale. Le rôle de la diététicienne Margaux Nesme, qui travaille dans le service de chirurgie viscérale est de surveiller et de conseiller sur les quantités et le type de solution nutritive à administrer aux patients. Elle est également présente lors de la reprise d’une alimentation normale
Lutte contre la dénutrition au CHU de Poitiers
Au sein du CHU de Poitiers, le CLAN a pour mission d’améliorer le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels chez les patients hospitalisés. Cette structure pluridisciplinaire, transversale et consultative associe des médecins, du personnel paramédical, des professionnels de la restauration et la direction générale. Le Dr Mathilde Merckx Fraty et le Dr Amélie Jamet, respectivement présidente et membre du CLAN, soulignent l’importance de sensibiliser le personnel soignant à la dénutrition, pathologie encore insuffisamment prise en charge. « La dénutrition est un sujet vaste et difficile. Et il est vrai que dans les services, l’attention est portée davantage à la prise en charge de la pathologie aiguë, la dénutrition n’étant pas toujours prise en considération comme soin à part entière ». Tout au long de l’année, le CLAN mène des actions pour que l’état nutritionnel des patients soit bien évalué. Dans le cadre de la semaine nationale de la dénutrition qui aura lieu cette année du 18 au 25 novembre, le CLAN organise un quiz et présente des vidéos sur le thème de la dénutrition prochainement sur intranet et sur le site internet du CHU de Poitiers. Un stand d’information sera installé dans différents halls du CHU toute la semaine, stand sur lequel interviendront des diététiciens du CHU de Poitiers le 24 novembre de 15 à 16h. Des manifestations similaires sont prévues sur les autres sites du CHU de Poitiers.