Essais cliniques : excellence et sécurité en ligne de mire

Essais cliniques : excellence et sécurité en ligne de mire

Au CHU de Poitiers, la mise en œuvre d’essais cliniques est soumise à des règles et des méthodes bien établies. L’activité de recherche, essentielle pour les CHU, s’exerce en grande partie sous l’égide du centre d’investigation clinique, en liaison avec les autorités de tutelle.

La recherche médicale, c’est le droit à l’espoir pour de nombreux malades, l’assurance de porter au meilleur niveau la qualité des soins et un impératif pour un CHU qui tient à conserver son rang. Au sein du centre d’investigation clinique de Poitiers ces objectifs sont constants : “Nous rassemblons nos équipes autour de plusieurs axes de recherche, note le professeur François Guilhot-Gaudefroy, médecin hématologiste, directeur de recherche Inserm et coordonnateur du centre. Ces thèmes sont l’aboutissement d’une évolution de plusieurs années et ils ont émergé par la conjonction de divers facteurs”, parmi lesquels les attentes de la société envers des maladies difficilement soignées, le cancer en premier lieu. “Nous travaillons dans un cadre réglementaire bien défini”, la recherche n’est pas une activité qui part dans tous les sens au gré des fantaisies des chercheurs. Coûteuse et impliquant parfois des molécules nouvelles, elle nécessite des échanges humains et des méthodes de mise en oeuvre qui n’obéissent à aucun hasard. Ces recherches, conduites à Poitiers comme ailleurs selon des protocoles stricts, soulèvent des questions d’éthique et de sécurité. Le décès récemment survenu à Rennes d’un volontaire qui participait à des essais cliniques pose évidemment la question de la méthodologie et de l’encadrement de ces recherches.

pillulesInformation du volontaire
Le centre a été labellisé par l’Inserm en 2008. Il dispose d’équipes pluridisciplinaires comprenant des médecins chercheurs, des scientifiques, des personnels techniques et administratifs. Une cinquantaine de personnes qui collaborent au sein de locaux sécurisés. Le centre dispose de six lits d’essai clinique, de caissons d’azote pour conserver les échantillons à très basse température, de centrifugeuses… La clinique des médicaments, la recherche translationnelle – comment passer de la recherche fondamentale à l’application thérapeutique ? – et l’étude des parcours de soins nécessitent de procéder à des essais sur les malades volontaires, et informés des moindres détails de l’essai auquel ils participent. La recherche, c’est un travail de labo, mais aussi, arrivé à un certain stade des travaux, la confrontation au réel. Alors, “nous avons aussi recours à des essais sur des patients, mais très rarement sur des personnes saines, note François Guilhot-Gaudefroy. Dans ce cas – nous sommes médecins avant tout – les mesures de précaution sont redoublées dans le cadre d’un travail d’équipe qui assure la multiplicité des avis.” Ces mesures passent par la validation préalable de la méthodologie, des molécules employées, des doses et des moyens mis en oeuvre. Les autorités de tutelles examinent ces facteurs dans un dialogue avec les chercheurs. Enfin, l’information du patient volontaire est capitale. Au CHU de Poitiers, ces volontaires sont généralement atteints de leucémies, myélomes, diabètes, pathologies neurologiques ou troubles du sommeil.

Savoirs nouveaux pour le malade
“Le centre n’a pas vocation à chercher sur tout, observe le Pr Guilhot-Gaudefroy. Son socle et le but visé sont l’excellence scientifique dans un monde de la recherche très concurrentiel où se côtoient des équipes de taille bien différentes.” Si, à Poitiers, une cinquantaine de personnes sont mobilisées, les CHU de Rennes, Bordeaux ou Nantes peuvent compter sur des équipes bien plus étoffées. Dès lors, le soin mis à choisir les axes de travail est capital, “nous nous appuyons sur deux critères : la publication d’articles dans des revues scientifiques de haut niveau et la validation de nos intuitions en répondant à des appels à projets qui valident, ou pas, notre volonté d’avancer”. C’est ainsi que la recherche fait progresser la thérapeutique au sein d’une infrastructure qui lui est consacrée par le CHU. Les résultats enregistrés depuis plusieurs années sont plus qu’encourageants et participent à la publication de nouveaux savoirs médicaux. Savoirs qui profitent directement au malade.

Six axes de travail

La leucémie est le plus ancien axe de recherche à Poitiers et les travaux du Pr Guilhot-Gaudefroy ont conduit à des résultats positifs en termes de durée de vie pour la leucémie myéloïde chronique. Dès 1999, l’équipe mettait en oeuvre l’interféron avec des résultats encourageants et reconnus. Ces travaux perdurent et sont aussi menés dans d’autres CHU, en liaison avec Poitiers.

Les équipes poitevines du CHU et de l’université travaillent aussi sur les questions de nutrition (facteurs foetaux et post-natal). Les neurosciences cliniques sont au premier rang avec les travaux sur la maladie d’Alzheimer, de Gilles de la Tourette et de Parkinson. L’épidémiologie clinique se développe autour de l’utilisation de data, des travaux statistiques productifs en matière d’observation des pathologies, de leur propagation ou des populations plus particulièrement touchées.

L’étude ALIVE (acute lung injury and ventilation) porte sur l’oxygénation et la ventilation pendant le sommeil (ou sa privation). Enfin SEPEX (santé environnementale, perturbateurs endocriniens, exposome) se penche sur les perturbateurs endocriniens.

 

Chercher c’est dépréjuger

Pour le Pr François Guilhot-Gaudefroy, en matière de recherche, “il faut savoir avancer de manière volontaire sans pour autant aller dans des impasses ou faire preuve de certitude de soi”. Les essais sont séquencés suivant plusieurs phases. L’essai sur le malade n’est jamais premier mais vient à la suite d’une série de travaux en laboratoire (éprouvette, animaux).

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la commission d’éthique (comité de protection des personnes) sont systématiquement saisis des projets d’essais cliniques. Ces essais sont impératifs à une certaine phase, car seule l’administration au malade permet de mesurer les effets cliniques, de se comparer avec l’éventuel médicament de référence existant – le meilleur du marché –, de constater les effets sur une cohorte. A chaque phase, l’évaluation permet de décider de continuer ou d’arrêter l’essai en cours. “On pèse les avantages et les inconvénients. On mesure le rapport coût-bénéfice sur le plan thérapeutique et c’est dans ces phases d’évaluation qu’il faut savoir décider.” Le centre est bien géré mais n’obéit pas à une logique financière. Dans toute décision, le facteur temps est capital tout comme la prise de distance avec ses propres préjugés. Car le chercheur est un “dépréjugeur”, selon l’expression de Restif de la Bretonne et du jésuite Juan Pablo Viscardo.