Coordination ville-hôpital : pour des parcours fluides

Le personnel du service gériatrie

De par la polypathologie, les troubles cognitifs ou la perte d’autonomie, la prise en charge des patients très âgés (75 ans et plus) implique souvent des allers-retours entre domicile et hôpital. Pour fluidifier leur parcours de santé, l’équipe du pôle de gériatrie du CHU de Poitiers soigne ses relations avec les acteurs de santé extrahospitaliers.

“Réactivité” et “disponibilité” : les maîtres-mots d’une coordination réussie entre l’hôpital, la médecine de ville et le secteur médico-social. Ce sont en tout cas ceux choisis par le Pr Marc Paccalin pour décrire la démarche du pôle de gériatrie du CHU de Poitiers – dont il est responsable – au profit des acteurs extrahospitaliers de la filière… et des patients.

“Il s’agit d’apporter la réponse la plus adaptée aux problèmes de santé des personnes très âgées et vulnérables pour, dans l’idéal, leur éviter des hospitalisations inutiles, explique-t-il. En interne, c’est le travail de toute une équipe, en particulier celui des deux infirmières de liaison. ” Via un numéro unique, elles reçoivent les appels des professionnels de santé qui se trouvent confrontés à une situation préoccupante. Elles peuvent organiser une admission en gériatrie ou aux urgences, programmer une consultation (gériatrique, “mémoire”, “plaie chronique”, “chute”, oncogériatrique) ou transférer directement l’appel aux médecins pour obtenir un conseil thérapeutique, aider à résoudre un cas trop complexe. Ces deux coordinatrices, Céline Barritault et Lise Alonso-Godu, sont sollicitées quotidiennement par les médecins libéraux et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la Vienne et des départements limitrophes. “Instauré en 2009, ce fonctionnement a permis de réduire les hospitalisations, en particulier pour la prise en charge des plaies chroniques et des troubles du comportement”, note le Dr Christine Pradère, gériatre.

La cité gériatrique du CHU de Poitiers, sur le site de la Milétrie.
La cité gériatrique du CHU de Poitiers, sur le site de la Milétrie.

Développer une culture commune
Les relations entre le CHU et les Ehpad font plus globalement l’objet d’une convention, signée avec 52 d’entre eux. Elle prévoit notamment des sessions de formation sur le site de la Milétrie, qui portent sur les soins palliatifs, les troubles du sommeil, le diabète… “Elles sont conduites par un gériatre et un spécialiste du domaine étudié. Quatre à dix rendez-vous de deux heures sont programmés chaque année”, signale Lise Alonso-Godu. “Cela contribue à rendre la filière gériatrique toujours plus lisible et à développer une culture commune aux professionnels qui la font vivre”, reprend le Dr Christine Pradère. Des objectifs également poursuivis par les ateliers de prévention “Bien vieillir”, proposés au grand public par le CHU, quatre fois par an : “Soit autant d’occasions pour les acteurs de santé territoriaux de se rencontrer, souligne Ariane Becker, en charge de l’espace information seniors. Sur des thématiques telles que les escroqueries aux seniors ou “garder le moral en vieillissant”, nous faisons intervenir les médecins du CHU, les réseaux gérontologiques, les associations d’aide à domicile…”

Préparer la sortie des patients
Les liens se tissent aussi grâce aux assistantes de service social du CHU, qui organisent la sortie des patients présentant des difficultés, sociales et familiales notamment. Elles peuvent accompagner leur admission en Ehpad, par ailleurs facilitée par l’utilisation du logiciel national Viatrajectoire. Déployé depuis 2010 dans l’ex-région Poitou-Charentes, il permet de réaliser en ligne des demandes d’inscription auprès de différentes structures. “Si la personne retourne chez elle, nous coordonnons l’intervention des services à domicile, expose Catherine Lavalette, l’une des assistantes de service social du CHU. Dans le cas où la pertinence du maintien à domicile est mise en cause, nous organisons des réunions de concertation pluridisciplinaire pour réfléchir avec l’ensemble des partenaires : famille, réseau gérontologique, aides-soignants…”

A l’avenir, le pôle de gériatrie compte sur le groupement hospitalier de territoire (GHT) de la Vienne, qui associe le CHU, le Groupe hospitalier Nord-Vienne et quatre Ehpad publics (Les Capucines, Les Châtaigniers, Théodore- Arnault, La Brunetterie) pour renforcer encore les coopérations. La réalisation de certains projets pourrait s’en trouver accélérée. Les professionnels envisagent ainsi de mettre en place des actes de télémédecine pour que les gériatres officient à distance auprès des résidents d’Ehpad et de leurs soignants, pour la prise en charge de plaies chroniques. L’équipe mobile gériatrique, qui oeuvre aujourd’hui au sein de l’hôpital en se déplaçant de service en service pour donner un avis spécialisé, souhaiterait aussi apporter son expertise à l’extérieur, en se rendant dans les Ehpad. “Il s’agit une fois de plus de se montrer disponibles, conclut le Pr Marc Paccalin. Soutenir les médecins traitants ou coordonnateurs et permettre l’échange des compétences entre CHU et les acteurs extra-hospitaliers.”

L’apport des réseaux gérontologiques

Pour mettre de l’huile dans les rouages de la filière gériatrique, structures médico-sociales, professionnels libéraux et hôpital s’appuient sur les réseaux gérontologiques qui couvrent le département : “Lien de vie” au nord, ceux de la “Vallée du Clain”, du “Val de Vonne” et du “Pays Montmorillonnais et Sud-Vienne”. Pour le territoire de Poitiers et ses alentours, le réseau porté par le groupement de coopération sanitaire (GCS) Itinéraire santé. Ses professionnels sociaux et paramédicaux proposent un accompagnement global aux personnes âgées de plus de 60 ans connaissant des situations médicales et sociales complexes, pour prévenir les ruptures dans leur parcours de soins. “En amont et en aval de l’hospitalisation, nous intervenons à domicile pour évaluer certains cas, avec l’aide éventuelle de gériatres du CHU, et nous veillons sur les personnes les plus fragiles après leur sortie de l’hôpital, explique Jean-Luc Pefferkorn, directeur du GCS. Nous vérifions sur place que tout se passe bien, que l’aidant arrive à faire face…” Un protocole a ainsi été établi pour les patients de la filière oncogériatrie afin d’optimiser leur suivi.