La chambre mortuaire, un lieu de travail pas comme les autres

Travailler à la chambre mortuaire est un exercice difficile. Et pourtant, Julie Belluteau et Chantal Vansteen ne changeraient de service pour rien au monde. La première est ouvrière professionnelle qualifiée et la seconde, aide-soignante. Ici, rien n’est comparable à un service de soin traditionnel, et même si les patients sont décédés, les vivants ne sont pas mis à l’écart pour autant. « Nous accueillons les familles, nous les aidons quand elles demandent et nous les écoutons quand elles en ont besoin », insistent Julie et Chantal.

Rendre la mort visible

Leur mission principale reste la restauration tégumentaire, autrement dit rendre la mort « visible » : « Ce n’est pas du maquillage. On essaye de donner le meilleur aspect à la personne décédée. Nous recousons, reconstituons des membres, des visages. » Et ce, dans la mesure du possible, car à la chambre mortuaire arrivent tous les patients décédés au CHU de Poitiers, incluant les morts foetales, mais aussi ceux de l’institut médico-légal. Ils assistent ainsi les médecins légistes lors des autopsies. « Cela signifie que, parfois, nous sommes dans des situations où il est difficile de redonner une apparence visible par les familles pour de multiples raisons comme un état du corps trop détérioré. » Un exemple marquant: l’accident de bus à Rochefort en 2016. Chantal et Julie étaient présentes à l’arrivée des jeunes victimes à l’institut médico-légal. Pour Chantal, ce souvenir restera gravé à jamais : « C’étaient des adolescents. C’était difficile car je suis une maman aussi, alors, cela me fait toujours quelque chose quand je m’occupe de petits patients. »

Le rire pour tenir

Mais pas question de se laisser submerger par les émotions. « Quand nous arrivons dans la salle de soin, notre patient est prêt pour la restauration tégumentaire. Notre travail commence et nous prenons du recul », ajoute Julie. Une prise de hauteur naturelle pour cette dernière et ses collègues : « Nous plaisantons beaucoup entre nous et nous sommes très soudés. » Pour Nadine Bernardeau, cadre supérieur de santé du pôle urgences, SAMU, SMUR, anesthésie et réanimations auquel est rattachée la chambre mortuaire, c’est aussi une façon pour eux de tenir au  quotidien : « Ce n’est pas un service comme les autres. La mort reste omniprésente et ils arrivent à s’en détacher en parlant entre eux. » Mais le quotidien de Julie et Chantal ne se limite pas à la restauration des corps : « Nous avons énormément de travail administratif. Nous passons autant de temps à gérer des papiers que dans une salle de soin ! » Julie, Chantal et leurs collègues maîtrisent les lois funéraires et assurent le suivi administratif du défunt dès son départ du service où le décès a été médicalement déclaré. Le dossier du patient est alors passé au peigne fin par l’équipe : certificat de décès signé, détention de pacemaker, volontés de la famille, etc. « Nous donnons une liste de pompes funèbres aux familles sans les influencer dans leur choix car cela nous est interdit. Nous les aidons juste dans les papiers. Une fois le choix de l’entreprise fait, nous n’intervenons plus, ce sont eux qui viennent récupérer le défunt. » A la chambre mortuaire, Chantal et Julie ont connu presque toutes les situations possibles : « Les gens réagissent tous différemment à la mort. » Chantal est à la chambre mortuaire depuis 2005 : « Si on m’avait dit que presque quinze ans plus tard j’y serais encore... Mais voyez, je ne me suis jamais arrêtée ! Vous savez, la chambre mortuaire, ça passe ou ça casse. » Et toujours avec le sourire.