Extraction de rein par voie vaginale : une opération oncologique exceptionnelle

Une opération extrêmement rare a été réalisée au CHU de Poitiers par le Dr Simon Bernardeau : une extraction d’un rein par voie vaginale, dans un contexte oncologique. Il s’agit de la première opération de ce type au CHU, en oncologie.

La patiente présentait une tumeur rénale très volumineuse, de 15 cm, du côté droit. Une laparoscopie conventionnelle aurait pu être pratiquée, mais aurait occasionné une grande cicatrice pour permettre de sortir le rein. L’éventualité de procéder par extraction vaginale s’est alors présentée.

Comment se déroule l’opération ?

Au sein du CHU de Poitiers, ce type d’opération en urologie est habituellement pratiqué en chirurgie pelvienne (cancers de la vessie notamment), sur des organes de taille normale. D’autres CHU français réalisent également cette opération dans le cadre du don de reins vivants apparentés.

L’opération a été réalisée à l’aide du robot chirurgical DaVinci Xi. Ce robot permet une chirurgie multi-cadrans, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire de modifier l’installation entre les temps opératoires rénal et pelvien.

Cinq mini-incisions de 8 mm (trocarts) ont été réalisées sur l’abdomen de la patiente afin d’accéder au rein d’une part, et au vagin d’autre part. L’ablation du rein (néphrectomie) réalisée, celui-ci a été placé dans un sac étanche, puis extrait au travers d’une incision réalisée dans la paroi vaginale.

Quels sont les avantages ?

L’utilisation d’une part du robot et d’autre part du protocole d’extraction vaginale présentent beaucoup d’avantages.

Le fait de pratiquer des mini-incisions au lieu d’une opération ouverte classique réduit l’importance des saignements, la douleur, la durée d’hospitalisation, et l’impact esthétique. En effet, une opération classique implique davantage de sections musculaires que l’extraction par voie vaginale. Cela permet de limiter la consommation de morphiniques, et la récupération post-opératoire est beaucoup plus rapide. Le risque de complications est également réduit.

Il existe toutefois un risque rare de douleurs lors des rapports sexuels ultérieurs. En réalité, plusieurs études, françaises notamment, ont relevé l’absence de conséquences sur la vie sexuelle des patientes à la suite d’une extraction vaginale, dans le cadre du don d’organes. Mais, bien que la zone d’incision soit la zone la moins innervée du vagin, il s’agit tout de même d’une paroi cicatricielle, qui peut donc engendrer des douleurs lors des rapports. C’est ce que l’on appelle les dyspareunies.

Pourquoi ce type d’opération est-il si rare ?

Le contexte oncologique de l’opération du Dr Bernardeau la rendait particulièrement risquée. En effet, malgré le fait que le rein ait été placé dans un sac étanche avant d’être extrait, il existe un risque de dissémination tumorale si le sac se rompt. Ce risque, ainsi que celui de séquelles sur la vie sexuelle, ont été présentés à la patiente, qui a donné son accord, condition sine qua non pour réaliser l’opération.

Si cette opération était une première au CHU, le Dr Bernardeau réalise de manière régulière des extractions de vessie par voie vaginale. Cette fois-ci, il a échangé en amont avec ses confrères gynécologues sur l’emplacement de l’incision et sur la particularité de l’opération : la taille du rein à extraire, bien supérieure à celle des organes sains.

L’opération s’est très bien déroulée, et la patiente s’est remise rapidement. Elle a quitté l’hôpital en 2 jours et repris le travail 5 jours après l’opération.

Après ce succès, allons-nous assister à une généralisation de ce type d’opération ? Dans le cadre oncologique, cela reste une opération assez marginale et risquée, excepté pour les opérations pelviennes. Il existe pourtant peu de contre-indications : « On pourrait penser que la taille de la tumeur et la localisation de l’organe malade pourraient être des facteurs limitants à cette technique, mais les évolutions technologiques en chirurgie, et notamment la robotique, permettent de repousser sans cesse nos limites, intellectuelles et techniques, toujours dans l’intérêt du patient » précise le Dr Bernardeau.

Le Dr Simon Bernardeau est chirurgien urologue au CHU de Poitiers. Il y a effectué son internat, puis y a été chef de clinique pendant 3 ans. Il est aujourd’hui praticien hospitalier dans le service de chirurgie urologique et transplantation rénale.