Questions à Camille Desforges, médecin en soins palliatifs

Camille Desforges, médecin en soins palliatifs

Poitevin d’origine, Camille Desforges a suivi son cursus universitaire à Poitiers. Il intègre le service de soins palliatifs du CHU d’abord comme assistant, puis en tant que praticien hospitalier depuis un an. Formé en médecine générale, il s’est spécialisé en passant un diplôme d'étude spécialisée complémentaire en soins palliatifs et médecine de la douleur, complété par un diplôme interuniversitaire en soins oncologiques de support (Paris Descartes) et une capacité douleur, qu’il termine cette année.

Vous définissez les soins palliatifs comme une médecine avant tout humaniste et éthique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Pendant mon internat, j’ai longtemps hésité entre la médecine palliative et la médecine carcérale. Deux disciplines bien différentes mais qui présentent un point de convergence essentiel : celui d’appréhender la maladie à travers le prisme du malade – et non le malade à travers le prisme de la maladie – en s’intéressant autant à la personne, son histoire de vie, son environnement, qu’à ses symptômes… lorsque les spécialités d’organe s’intéressent, de façon complémentaire, à la technicité et à la performance, qui sont par ailleurs nécessaires. Et puis, à force de repousser les limites de la médecine, nous avons créé des situations de plus en plus complexes, qui soulèvent de nouveaux questionnements éthiques et impliquent une réflexion collégiale et posée. L’équipe mobile de soins palliatifs est de plus en plus sollicitée par les autres services de l’hôpital (ORL neurologie, gériatrie, etc.) pour une aide à la décision éthique. Cela demande de prendre du temps avec le patient, sa famille et les soignants, un temps que les équipes n’ont pas forcément.

La médecine palliative est donc une médecine sur la durée, qui nécessite une réflexion à la croisée des spécialités. Parvenez-vous à répondre à toutes les demandes ?
Si les soins palliatifs s’adressent à tout patient souffrant d’une maladie grave et incurable, l’unité de soins palliatifs s’adresse à ceux d’entre eux qui se trouvent dans une situation dite « complexe » du fait de symptômes réfractaires, de problèmes familiaux, de souffrance morale et/ou de dilemmes éthiques. C’est la multiplicité de ces critères qui fondent la complexité, critère d’admission principal. Il n’y a que dix lits de ce type pour le département de la Vienne et même au-delà. Avec l’équipe mobile, nous intervenons également dans les autres services de l’hôpital, mais il reste une forte demande du domicile et des Ehpad que sous aimerions pouvoir combler. La réouverture à la rentrée du DIU accompagnement et soins palliatifs, dont j’ai rejoint de comité pédagogique, va permettre de répondre pour partie à cette demande en formant des médecins et des soignants qui interviendront hors de l’hôpital. Nous travaillons aussi sur les alternatives à l’hospitalisation, qui concernent surtout des patients qui se retrouvent dans une impasse sociale. Il pourrait s’agir d’accueil familial pour personnes isolées ou d’appartements de coordination thérapeutique, nous sommes en attente de terrains d’expérimentation.

Quels liens entretenez-vous avec l’espace régional de réflexion éthique ?
Je fais partie du groupe de soutien et à ce titre je participe à l’organisation des manifestations (cafés, journées éthiques), ainsi qu’à la consultation d’éthique. Je souhaite poursuivre ma contribution aux travaux de recherche, comme c’est le cas actuellement sur les directives anticipées par exemple.

Regrettez-vous que le projet de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie n’ait pas pu aboutir en juin dernier suite à son rejet par le Sénat ?
Je reste convaincu que cette loi verra le jour, bien que je trouve la loi actuelle suffisante au vu des pratiques existantes en soins palliatifs. Selon moi, on ne peut traiter toutes les situations particulières dans une loi, et à vouloir imposer un cadre trop précis, on risque de se priver d’une réflexion collégiale toujours subtile, s’intéressant à la singularité de chaque situation, qui fait toute la richesse des soins palliatifs. Cette proposition de loi répond surtout à une demande forte de la société de replacer le malade au coeur de la décision, souvent par méconnaissance des textes existants. Je souhaite que les décisions de limitation de traitement et/ou de sédation profonde ne soient pas seulement la réponse à une procédure légale, et que l’expertise des équipes mobiles de soins palliatifs continue d’être sollicitée pour de vraies délibérations collégiales et constructives.