Pour améliorer la prise en charge globale au long cours des patients en situation complexe et renforcer les liens ville-hôpital, deux infirmières « pivots » exercent désormais au pôle régional de cancérologie du CHU de Poitiers. Elles accompagnent de près les patients et font le lien entre les différents services et établissements impliqués dans leur traitement.
Au cours d’un voyage d’études organisé en septembre 2015 au Québec, des professionnels du pôle régional de cancérologie (PRC) du CHU de Poitiers ont découvert le concept d’infirmière pivot. Outre-Atlantique, ces soignantes accompagnent individuellement des malades atteints du cancer, tout au long de leur parcours de soin. Depuis mi-mars, elles comptent deux homologues à Poitiers : Véronique Debare et Nathalie Caron, qui suivent un nombre croissant de patients. “Notre organisation n’était pas adaptée aux situations les plus complexes, relate Catherine Pétonnet, cadre supérieure de santé du pôle régional de cancérologie. Cette nouvelle prise en charge transversale permet un suivi ininterrompu et des transmissions efficaces d’informations entre différents services voire établissements hospitaliers. Elle vise également à optimiser les délais entre plusieurs types de traitement (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, radiologie interventionnelle…). L’infirmière pivot est le lien fort entre le patient, la famille, l’hôpital, le médecin et les soignants libéraux.”
Patients et parcours complexes
Elle accompagne les personnes particulièrement fragiles présentant des comorbidités (dénutrition notamment), un contexte social difficile, une mauvaise observance des soins… Elle cible également les parcours dits “complexes” : quand plusieurs types de procédés thérapeutiques ou chirurgicaux sont mobilisés, impliquant différentes structures. C’est le cas par exemple quand la prise en charge est majoritairement assurée par un autre centre de santé de la région avec un recours au CHU pour certains actes. “L’objectif est de mieux faire circuler les informations entre les services, les établissements… et les patients”, résume Véronique Debare. Pour l’instant, elle n’intervient avec sa collègue que pour des problématiques d’oncologie digestive (cancers du pancréas, de l’estomac, de l’œsophage…). “Pour commencer, nous souhaitions nous limiter à une seule spécialité, or le traitement des cancers digestifs est souvent multimodal et exige de nombreux échanges entre médecine de ville et hôpital”, justifie le Dr Aurélie Ferru, oncologue. C’est généralement en réunion de concertation pluridisciplinaire que les malades sont orientés vers l’infirmière «pivot» ou sur la sollicitation de médecins du pôle régional de cancérologie. L’entrée dans la file active est toujours validée par l’un des oncologues qui fixe les principales modalités du suivi puis les ajuste si nécessaire.
Coordonner, évaluer, accompagner
Une partie de la mission consiste à coordonner les soins : organisation des rendez-vous, des examens complémentaires, des hospitalisations… “Nous évaluons la douleur de la personne ainsi que sa situation sociale, psychologique, nutritionnelle et son évolution, ajoute Nathalie Caron. Nous pouvons alors proposer et mettre en place des soins de support : aide psychologique ou sociale, suivi nutritionnel à domicile, activité physique adaptée…” Les deux professionnelles jouent ainsi le rôle de relais, mais aussi de ressource pour le patient et sa famille, qui peuvent leur faire part de leurs interrogations et de leurs inquiétudes. Présente idéalement dès l’annonce de la maladie, l’infirmière pivot explique les étapes du parcours de soins, les traitements prescrits ainsi que leurs modalités d’administration et leurs effets secondaires. “Afin d’être crédibles et pertinentes dans nos explications, nous continuons à nous former, en allant observer certains actes en particulier”, souligne Véronique Debare. Selon les cas, le contact avec les patients est plus ou moins fréquent : points téléphoniques hebdomadaires, rencontres avec la famille, visites lors d’hospitalisation…
Se faire connaître
Le poste est encore jeune et ses contours pourront être peaufinés dans les semaines à venir. “Mais le principal défi va consister à faire connaitre nos missions, estime Véronique Debare. Prouver que nous apportons un réel bénéfice.” Pour Aurélie Ferru, il ne fait déjà pas de doute : “Jusqu’à présent, c’était aux oncologues de multiplier les appels téléphoniques pour organiser la prise en charge des cas complexes, avec plus ou moins de succès. La création de ce poste nous a fait gagner en temps et en efficacité. Elle devrait faciliter la tâche des centres hospitaliers voisins (en limitant le nombre de leurs interlocuteurs au CHU) et ainsi contribuer à développer le recours en oncologie digestive au CHU de Poitiers.” Un premier bilan du dispositif est prévu à l’automne 2017 et permettra d’envisager les conditions de sa pérennisation. Son extension à d’autres spécialités pourrait être envisagée à terme.
Deux professionnelles expérimentées aux manettes
Les deux professionnelles en charge du poste d’infirmière pivot exercent depuis de nombreuses années au service d’oncologie du CHU de Poitiers, où elles ont occupé diverses fonctions. “Cela nous permet d’avoir une vision assez globale du parcours des personnes prises en charge, de répondre au mieux à leurs interrogations”, explique Véronique Debare, entrée en 2000. “En consultations d’annonce, les patients me demandaient souvent : “Est-ce vous qui allez me suivre ?” et je leur répondais malheureusement par la négative, se souvient pour sa part Nathalie Caron, la seconde infirmière pivot. Grâce à ce nouveau fonctionnement, nous pouvons être ce référent unique, développer une relation privilégiée avec la personne.” |