Du 16 au 22 octobre 2023 se déroule la semaine mondiale de l’allaitement maternel. Cette année la thématique est : concilier allaitement et travail : agir en faveur des parents. Au niveau national, des articles du code du travail régissent les conditions particulières à l’allaitement au sein de l’entreprise, comme le fait d’autoriser une salariée à s’absenter une heure de son travail pour allaiter, répartie en trente minutes le matin et trente minutes l’après-midi. Aujourd’hui, qu’en est-il au CHU de Poitiers ? Nous avons rencontré Hélène, Emilie et Morgane, trois professionnelles ayant concilié travail et allaitement. Témoignage.
Pouvez-vous vous présenter ?
Hélène : je suis sage-femme et travaille au sein du CHU de Poitiers depuis 2009. Mon temps de travail est réparti à la fois sur les salles d’accouchement, les suites de couches ou le suivi de grossesse pathologique. J’ai une petite fille d’un an, c’est mon troisième enfant, tous ont été allaités.
Emilie : je suis médecin pédiatre, responsable de l’unité de réanimation néonatale et pédiatrique du CHU de Poitiers depuis quatre ans. J’ai une petite fille de dix mois, c’est mon premier enfant.
Morgane : je suis webmaster dans le service de communication du CHU depuis 2019. J’ai une fille de cinq mois, c’est mon deuxième enfant.
Quand avez-vous repris le travail ?
Hélène : j’ai repris le travail quand mon bébé avait cinq mois. J’ai souhaité reprendre à 80 % pour conserver du temps avec ma fille.
Emilie : mon bébé avait trois mois et demi quand j’ai repris le travail. J’ai pu poser quatre semaines de congés à la suite de mon congés maternité et je remercie mes collègues de m’avoir laissé la possibilité de le faire.
Morgane : j’ai repris le travail à 80 % quand ma fille avait trois mois et demi. Tout comme Emilie, j’ai eu la possibilité de poser mes congés à la suite de mon congé maternité pour le rallonger de quelques semaines.
Est-ce que continuer d’allaiter après avoir repris le travail était un choix dès le départ ?
Hélène : j’ai continué d’allaiter mes deux premiers enfants tout en ayant repris le travail. C’était donc une évidence pour moi. J’en ai parlé rapidement à mes collègues et mon encadrement et ce choix a été très bien accepté.
Emilie : mon souhait dès le départ était celui d’allaiter le plus longtemps possible. Cependant, comme c’est mon premier enfant, je ne savais pas si allaiter ma fille serait difficile, ni même si elle serait encore allaitée à ma reprise du travail. J’ai toujours essayé de ne pas m’angoisser ou me culpabiliser en ce qui concerne l’allaitement.
Morgane : je savais que je voulais essayer d’allaiter, mais pour mon premier allaitement, cela s’était terminé au bout de quelques mois seulement car je n’avais plus assez de lait. Je n’avais donc pas d’objectif en tête pour ma fille, si ce n’est d’allaiter aussi longtemps que je le pourrais.
Comment ce choix a été perçu au sein de votre service ?
Hélène : comme précisé avant, ce choix a tout de suite été bien accepté par mon encadrement et mes collègues. J’ai sans doute la chance d’exercer dans un service ou l’accompagnement des femmes dans leur allaitement fait partie de notre quotidien !
Emilie : j’ai parlé rapidement de mon souhait à mes collègues qui ont très bien accepté ce choix. Et puis, je savais que c’était possible au sein de mon service. Il n’y a eu aucune stigmatisation, au contraire !
Morgane : il n’y a eu aucun problème au sein de mon service. Mes collègues m’ont même aménagé un coin pour tirer mon lait avant mon retour, ils sont adorables !
Comment vous êtes-vous organisée pour continuer l’allaitement ?
Hélène : aujourd’hui je tire mon lait juste avant de partir travailler, une fois dans la journée et une fois en débauchant. Ma fille a un an, elle est donc complètement diversifiée. C’est plus facile car elle n’a plus autant de besoin en lait maternel qu’un bébé de quelques mois. Par contre, je ne bénéficie pas d’aménagement de planning ou de pause dédiée pour tirer mon lait. C’est en fonction des possibilités de service. Ainsi, sur certaines journées il était impossible pour moi de faire une pause pour me consacrer à ça.
Emilie : lorsque j’ai repris le travail, ma fille était nourrie exclusivement avec mon lait. Je devais donc essayer de tirer mon lait six à sept fois par jour pour obtenir autant que les besoins de ma fille. En réalité, cela s’est avéré pratiquement impossible ! Je n’avais donc pas d’organisation précise et je m’isolais dès que possible, en fonction de l’activité du service. L’avantage, c’est qu’au sein du service de néonatologie, il y a un espace dédié et accessible pour les mamans des bébés pris en charge, pour lesquels le lait maternel est indispensable. J’ai donc pu en profiter. C’est une véritable chance puisque je n’avais pas à m’occuper de l’aspect logistique, l’endroit disposant déjà du matériel nécessaire, ainsi que d’un réfrigérateur répondant aux normes règlementaires de conservation du lait maternel.
Morgane : j’allaite ma fille juste avant de partir travailler, et je tire ensuite mon lait deux fois dans la journée, avec des horaires qui varie en fonction des tâches et réunion. Il a toutefois fallu compléter assez rapidement le lait que je tirais avec du lait artificiel pour répondre pleinement aux besoins de ma fille.
Avez-vous rencontré des difficultés ?
Hélène : la plus grosse difficulté que j’ai rencontré au départ, c’est que ma fille refusait de prendre le biberon. Je n’avais jamais connu cette situation avec mes deux premiers. Ça a été un facteur de stress supplémentaire. Heureusement, quand j’ai repris le travail, ma fille avait déjà entamé la diversification alimentaire. Ainsi, j’ai concocté des flans de lait maternel. D’autre part, au-delà des difficultés d’organisation, il y avait la problématique de l’endroit pour le faire ! Sans salle dédiée et pour pouvoir être en intimité, il fallait parfois faire preuve d’inventivité.
Emilie : les périodes de garde ! Le plus compliqué à gérer c’est la charge du service et l’impossibilité de prendre des pauses pour tirer son lait. En effet, il est difficile de dire à mes petits patients qui ont besoin de soins de patienter car je dois tirer mon lait. J’ai dû mettre en place, dès ma reprise du travail, un allaitement mixte et arrêter à six mois mon allaitement maternel, malgré les facilités logistiques à ma disposition dans le service. La fatigue, l’activité de nuit et les grosses amplitudes d’horaires de travail ont diminué ma lactation assez rapidement.
Morgane : tout comme Hélène, ma fille refusait au départ de prendre le biberon, ce qui a été très stressant, et m’a amené à précipiter un peu le début de la diversification alimentaire. Finalement, la patience des employées de la crèche a payé, et elle a accepté le biberon ! En dehors de cela, je ne rencontre pas de difficultés majeures, contrairement aux soignants qui ont des contraintes bien plus importantes. La seule gêne que je rencontre est le temps que je passe à tirer mon lait, qui m’empêche d’être aussi efficace que d’habitude. C’est une organisation à trouver, et je cherche encore mes marques !
Que pourriez-vous dire aux femmes qui se posent des questions sur la conciliation allaitement/travail ?
Hélène : ce que je peux dire aux mamans qui hésitent, ou qui se posent la question, c’est que c’est possible mais qu’il faut de la motivation et de la détermination ! En effet, allaiter en reprenant le travail ce n’est plus seulement donner le sein à son enfant. Il faut prendre le temps de préparer les ustensiles nécessaires pour tirer son lait, se trouver un coin, nettoyer le matériel, mettre en poche son lait pour le congeler, etc. Mais c’est faisable ! L’important est d’être soutenu dans sa démarche, à la fois par son entourage proche et par ses collègues.
Emilie : l’allaitement et la reprise du travail c’est possible, mais il faut bien en parler à son environnement professionnel et surtout ne pas se mettre la pression. Les études montrent que la charge de travail et le stress sont des facteurs importants de l’arrêt de l’allaitement. Surtout, il ne faut pas se culpabiliser, tout ce qu’on peut donner à son bébé est bon à prendre, peu importe le temps que cela dure ! Et bien sûr, parler de son souhait à son entourage et être dans un environnement de soutien et de bienveillance.
Morgane : si vous avez envie de continuer à allaiter, alors il faut essayer, sans se mettre trop de pression. Quand on laisse son bébé pour retourner travailler, on est déjà confrontées à beaucoup de culpabilité, c’est bien de pouvoir se dire qu’on prend ce temps pour le bien de son bébé. Mais il faut s’accrocher, car c’est de la fatigue et de la logistique supplémentaires.
Une anecdote pour terminer ?
Hélène : en tant que sage-femme, lorsqu’on travaille au sein de la maternité, il arrive régulièrement que nous gardions avec nous les bébés venant de naitre pour soulager la maman et qu’elles puissent se reposer. Mais avec moi les bébés ne se calmaient pas du tout car ils sentaient mon lait !
Emilie : je n’ai pas d’anecdote particulière mais plutôt une idée à mettre en place au sein du CHU de Poitiers. De la même manière qu’il existe une pièce dédiée aux mamans en néonatalogie, nous pourrions imaginer aménager une pièce spécifique, au plus près du lactarium, accessible à l’ensemble des professionnelles du CHU souhaitant continuer d’allaiter, et ainsi leur laisser la possibilité de conserver leur lait au lactarium, dans des frigos règlementaires… A bon entendeur !
Morgane : une petite frayeur en sortant de la salle où je tire mon lait, et où je suis tombée nez à nez avec l’équipe de sécurité incendie qui était en train de vérifier les extincteurs du couloir. A quelques minutes près, ils seraient tombés sur un spectacle auquel ils ne s’attendaient certainement pas, ouf !
Les bébés prématurés ont besoin de vous ! Le lactarium du CHU de Poitiers à toujours besoin de lait. Si vous allaitez, ou si vous connaissez des personnes qui allaitent, n’hésitez pas à entrer en contact avec le lactarium pour donner le surplus de lait au 05 49 44 47 34 ou lactarium@chu-poitiers.fr Comment ça marche ? Après un entretien avec les professionnels du lactarium, il vous suffira de tirer votre lait à domicile, en respectant les règles d’hygiène et de conservation qui vous seront précisées. Puis, un agent du CHU collectera le lait à votre domicile. |