La direction de la qualité, pertinence et usagers, du CHU de Poitiers est sur le pied de guerre depuis l’arrivée du covid-19 sur le territoire français fin février. Sa directrice, Céline Biche, revient sur le rôle de sa direction dans la gestion de cette crise sanitaire.
En tant que responsable de la gestion des risques, quel est votre rôle dans cette crise sanitaire ?
Notre rôle, dans la gestion de cette crise sanitaire, est d’anticiper toute l’organisation de l’hôpital[1] que ce soit au niveau des parcours patients ou des impacts matériels et logistiques. Nous suivons l’évolution des données épidémiologiques et d’activité pour adapter notre stratégie. En fonction de l’évolution de la situation nationale et locale, des retours des professionnels médicaux, nous ajustons nos organisations pour essayer d’avoir toujours « un coup d’avance ». Prévoir, anticiper, organiser, ajuster et toujours informer.
Quels sont les points qui ont présenté le plus d’enjeu dans cette crise ?
L’enjeu majeur de cette crise est sous nul doute l’inconnu. Nous avons déjà vécu des situations de crise : plans blancs, épidémies du SRAS[2], MERS-CoV[3]… pour lesquelles nous avions des réponses éprouvées. Mais là, où est l’ennemi ? Qui est il ? Quand arrivera-t-il ? Comment le reconnaitre ? Comment le combattre ? Autant de questions sans réponses certaines. Immédiatement le CHU a cherché à protéger son personnel, séparer les circuits des patients suspects d’être atteint par le virus, réduire son activité habituelle tout en gardant l’accueil et le traitement des autres malades urgents de notre ville et de la région. L’accroissement de la capacité d’accueil tout spécialement en réanimation a été une priorité.
Le CHU a fait preuve très rapidement d’adaptabilité, d’agilité et de réactivité. Merci à tous les hospitaliers.
Jusqu’ici, qu’est-ce qui a bien fonctionné et, au contraire, qu’est-ce qui reste encore une difficulté ?
La principale source de satisfaction c’est l’implication, l’engagement, la force de tous les hospitaliers qui, une fois encore, démontrent leur sens de la responsabilité et du service. L’implication des équipes médicales, soignantes, administratives techniques et logistiques est un gage de succès. Une cellule de crise associant la direction et les médecins les plus impliqués, urgentistes, réanimateurs, infectiologues, hygiènistes, biologistes… se réunit tous les matins. Nous prenons ensemble les décisions nécessaires pour adapter en permanence l’organisation et le fonctionnement du CHU pour les patients covid-19, mais aussi pour la population locale. Ce travail en commun est une réussite.
En revanche, le vécu et le ressenti des professionnels présents sur le terrain sont des sujets délicats. L’attente est anxiogène : quand les masques seront-ils là ? Avons-nous suffisamment d’équipements ? Et surtout pour quand la vague ? Le pic ? A cela s’ajoute l’impact psychologique du confinement vécu par leurs proches. La vie professionnelle et la vie personnelle sont directement impactées et engendrent une fatigue physique et psychologique.
Comment vos équipes vivent-elles la situation ?
La plupart de mes collaborateurs sont en télétravail. J’avais ressenti que, comme pour beaucoup de salariés, ils avaient besoin de se sentir protégés. Dans la mesure où notre activité au sein de la direction de la qualité permet le télétravail, les membres de mes équipes travaillent depuis leur domicile. Ils sont à l’abri de cette tourmente que nous vivons avec les professionnels sur le terrain.
Deux de mes collaborateurs viennent à tour de rôle pour nous épauler dans la gestion de la crise. Mais la situation est, pour l’heure, plutôt calme et sereine. Le plus gros du travail a été fait. Nous sommes prêts. Mais nous restons très attentifs, sur le qui-vive.
Quelles leçons tirez-vous déjà de cette crise exceptionnelle ?
Nous tirerons les enseignements de cette crise lorsque le virus sera vaincu. Mais d’ores et déjà, nous pouvons pressentir quelques évolutions fortes : la solidarité public-privé-acteurs libéraux, le renfort du lien sanitaire et médico-social, l’irruption du télétravail, des téléconsultations. Enfin, la gestion de l’information est très complexe, face à un flot incessant de messages, d’ordres souvent contradictoires, de nouvelles imprécises. Comment expliquer, rassurer ? Notre société ne peut se passer des hôpitaux et de leur haute technologie. Notre société ne peut se passer de ses soignants qui accueillent, accompagnent, soulagent comme ils l’ont toujours réalisés dans notre histoire hospitalière.
Dans ce contexte doivent primer la lucidité, l’humilité et une dose quotidienne d’espoir pour chaque jour progresser ensemble vers la victoire.
[1] Le CHU de Poitiers communique régulièrement sur l’organisation de l’établissement pour faire face au covid-19. Consultez les communiqués de presse et les actualités sur le site Internet du CHU.
[2] Le SRAS est apparu en Chine fin 2002 et s’est diffusé dans 30 pays en 2003. L’Organisation mondiale de la santé a recensé un total de 8 096 cas parmi lesquels 744 décès.
[3] Virus, dont les premiers cas sont apparus en 2012 en Arabie Saoudite. La transmission de ce virus se poursuit à faible ampleur : on dénombre 1 589 cas et 576 décès depuis l’année de son apparition (chiffres de l’INSERM).