Les personnes âgées étant les principales victimes du covid-19, le service de gériatrie était donc en première ligne sur le front de cette épidémie. Et si le département a été peu touché, Florent Séïté, chef du pôle de gériatrie du CHU, précise que le service reste mobilisé et vigilant notamment auprès des établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées.
Comment s’est organisé le service de gériatrie pour faire face à l’épidémie ?
Au début de l’épidémie, nous avons mis en place assez rapidement, une unité de médecine gériatrique dédiée aux patients de plus de 75 ans atteints de covid. Cette unité est située au 9e étage du CHU. La filière est assurée par des médecins gériatres qui ont l’habitude de prendre en charge des patients âgés fragiles. Au moment du pic de l’épidémie, nous avons accueilli jusqu’à 18 patients dans l’unité.
Nous avons également une ligne téléphonique dédiée gériatrie pour pouvoir répondre aux questions des EHPAD avant tout mais aussi éventuellement à celles des médecins traitants.
Comment se passe la prise en charge des patients covid au sein du H9 ?
Il n’y a pas de grande différence avec la prise en charge de patients hospitalisés pour des décompensations respiratoires. La principale difficulté réside dans le temps de 5 à 10 minutes pour l’habillage de protection avant que nous puissions intervenir dans les chambres. De plus, ce sont souvent des patients qui sont en perte d’autonomie ce qui nécessite une surveillance et une présence accrues. A la perte d’autonomie s’ajoute pour un certain nombre d’entre eux, une confusion assez notable. Donc ces temps-là compliquent un peu la prise en charge.
Comment va la situation dans notre région ?
Globalement, la région a été assez peu impactée par rapport à d’autres régions. Nous n’avons pas eu de pic épidémique important. Nous avons pris en charge une cinquantaine de patients au sein de l’unité depuis son ouverture. En revanche le taux de mortalité est assez élevé de l’ordre de 30% dans cette population.
Quel était le lien des patients avec leur famille ?
L’équipe soignante téléphonait régulièrement aux familles pour leur donner des nouvelles. Nous avons essayé de maintenir un lien direct. Une tablette a aussi été mise à la disposition des patients, pour qu’ils puissent échanger par visio-conférence avec leurs proches lorsque cela était possible. Dans les situations de fin de vie, quelques visites ont été autorisées avec respect des mesures barrières.
Des médecins gériatres font partie de l’équipe mobile du centre de risques épidémiques et biologiques du CHU. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Nous accompagnons l’équipe mobile du centre de risques épidémiques et biologiques (REB) qui se déplace dans les établissements médico-sociaux touchés par l’épidémie, lorsqu’il s’agit de structures accueillant les personnes âgées. Nous ne nous sommes pas déplacés sur les 77 établissements de la Vienne mais nous les avons tous contactés et nous restons à leur disposition.
Le rôle de l’équipe REB est avant tout d’évaluer les résidents qui ont potentiellement des signes d’infection et de les dépister. Il est, en effet, essentiel de savoir si la personne est infectée ou non pour que des mesures de précautions soient prises au sein des établissements pour éviter que l’épidémie ne s’installe. Ces mesures à mettre en place pour enrayer la propagation ne sont pas simples surtout dans un secteur déjà en situation difficile avant la crise. Heureusement, seuls six établissements ont été touchés sur les 77 que compte le département. Nous assurons un lien important avec les EHPAD et nous restons très vigilants.
Comment vos équipes vivent-elles cette situation ?
Je voudrais tout d’abord remercier ici l’ensemble des équipes qui ont pris en charge des patients gériatriques pour leur grande mobilisation et leur professionnalisme.
Ces équipes n’étaient pas toutes issues de la gériatrie et elles ont rapidement appris à travailler ensemble.
Il y a eu c’est vrai des craintes par moment qui ont pu être levées grâce à la disponibilité de l’Equipe Opérationnelle d’Hygiène.
Nous avons aussi beaucoup été aidés par l’équipe de soins palliatifs notamment dans la prise en charge des patients au 9e étage. Cette aide a été très appréciée par les équipes.
Quel était le principal enjeu du service de gériatrie dans cette crise ?
Il s’agissait pour nous de répondre présent, de pouvoir apporter notre expertise aux patients covid comme nous le faisons avec nos patients habituels. Nous voulions pouvoir être au front, être en première ligne. Il nous semblait important que ces patients puissent bénéficier de l’expertise gériatrique et de notre savoir-faire le plus tôt possible dans leur prise en charge.
Les conséquences fonctionnelles et neuropsychologiques dans une situation stressante avec des soignants masqués sont plus importantes chez les personnes vulnérables.
Qu’est-ce qui a bien fonctionné et qu’est-ce qui a bien moins fonctionné ?
Globalement, ce que le service de gériatrie a proposé, a bien fonctionné. Ce qui était un peu compliqué, indépendamment de notre activité, c’est le changement régulier de procédures. Nous devions être attentifs et réactifs de façon à nous adapter rapidement au fur et à mesure de l’arrivée de nouvelles consignes des agences régionales de la santé ou de nouvelles connaissances sur le virus. Au niveau de l’organisation, de la réflexion et de l’adaptabilité, cela nécessite pas mal d’énergie.
Craignez-vous le déconfinement ?
Je ne le crains pas. Je ne sais pas ce que cela va donner. Nous allons peut-être bénéficier du fait qu’il n’y a pas beaucoup de cas sur le territoire et qu’il n’y ait pas de tant de reprises de circulation du virus malgré le déconfinement. Il faut malgré tout rester optimiste !