En cette période de crise sanitaire, le personnel de la pharmacie est présent auprès des équipes soignantes pour la préparation des traitements nécessaires à la prise en charge des patients atteints par le covid-19. Son responsable, Mathieu Bay, pharmacien, parle de la mobilisation de ses équipes pour assurer l’approvisionnement des médicaments.
Certains hôpitaux des villes les plus touchées par le covid-19 commencent à manquer de médicaments pour la prise en charge des patients atteints par le virus. De quels médicaments s‘agit-il ?
Nous rencontrons des problèmes d’approvisionnement pour deux types de médicaments. Les premiers sont les anesthésiques et les curares nécessaires aux services de réanimation. Les seconds sont les médicaments anti-infectieux qui peuvent être utilisés chez tous les patients touchés par le covid-19. S’il est difficile pour nous de trouver les anti-infectieux, la situation est bien plus tendue encore pour les médicaments indispensables à la réanimation.
Quelle est la situation au CHU de Poitiers ?
La semaine dernière, certains hôpitaux, parmi les plus touchés, ne disposaient que de faibles stocks qui ne couvraient que quelques jours de consommation. Nous sommes dans une situation intermédiaire. En temps normal, la pharmacie possède un stock de 35 jours pour chaque médicament. A cela, s’ajoutent les stocks d’environ 15 jours dont disposent les pharmacies propres à chaque service. Soit un stock de médicaments total de 50 jours environ. Mais, à l’heure actuelle, sur les produits les plus difficiles à obtenir, nous ne disposons plus que de deux semaines de stock. La consommation de certains médicaments a explosé notamment celle des curares. Pour les autres médicaments utilisés en réanimation, nous possédons des réserves plus élevées.
Nous sommes, pour l’heure, tributaires des livraisons. Nous devons commander plusieurs fois par semaine auprès de plusieurs laboratoires pharmaceutique pour couvrir nos besoins. Nous avons du mal à obtenir certains médicaments. Cela est d’autant plus difficile que la demande est mondiale.
Quelles adaptations avez-vous du faire au niveau de la pharmacie pour faire face à la crise sanitaire ?
Nous avons décidé de maintenir notre présence au niveau des services de soin notamment dans la dispensation des médicaments aux services. Nous ne souhaitons pas occasionner un surcroît de travail aux équipes infirmières.
Nous avons accompagné la réorganisation de l’hôpital pour faire face à l’épidémie. Nous avons ainsi créé les pharmacies de service lors des ouvertures des nouveaux services covid-19 ce qui nous a donné beaucoup de travail.
Face à la pénurie de solutions hydroalcooliques (SHA) qui devenait vraiment problématique pour le personnel soignant, nous nous sommes lancés dans leur production. Il s’agissait au départ de couvrir nos besoins. Nous en fabriquons 400 litres par jour ce qui va nous permettre d’en fournir également à des structures extérieures à l’hôpital. Des étudiants en pharmacie se sont portés volontaires pour nous aider.
Par ailleurs, nous avons dû renforcer l’équipe des préparateurs chargés des commandes auprès des laboratoires pour faire face à la pénurie de médicaments et les dispositifs médicaux. Ils travaillent de façon à maintenir les stocks à un niveau correct pour les services. Habituellement, nous passons une commande à un fournisseur par mois. Nous sommes livrés dans les 48 ou 72h. Nos fournisseurs habituels ne sont pas, à l’heure actuelle, en mesure de nous fournir les quantités dont nous avons besoin. Nous nous tournons donc vers tous les fournisseurs possibles. Nous prenons toutes les quantités qu’ils peuvent nous fournir, sachant qu’elles varient d’un jour à l’autre. En ce moment, pour un même médicament, il nous arrive de passer quatre à cinq commandes par semaine auprès de quatre ou cinq fournisseurs. Les préparateurs passent leurs journées à contacter des fournisseurs parmi lesquels beaucoup de nouveaux. L’équipe « Achat » des services administratifs a également fait un énorme travail pour nous permettre d’être réactifs et de commander rapidement de nouveaux produits.
Comment vos équipes vivent-elles cette situation ?
Comme pour beaucoup d’autres personnels présents à l’hôpital, les membres de mon équipe vivent une situation stressante parce qu’ils ne sont pas confinés. Et sur certains secteurs qui sont beaucoup sollicités, notamment celui des commandes, s’ajoute le fait qu’ils travaillent dans des conditions où ils sont sous tension.
Quelles leçons tirez-vous déjà de cette situation de crise ?
Nous devrons avoir une grande réflexion sur nos modalités d’achats. L’un des objectifs de nos politiques d’achats est celui d’achats nationaux groupés chez des fournisseurs qui sont en mesure de nous fournir les produits dont nous avons besoin au meilleur prix. C’est ce qui a, sans aucun doute, mené les industriels à ne plus fabriquer en France pour que l’on ait des produits moins chers. Nous avons également de moins en moins de fournisseurs. Nous voyons parfaitement qu’en période de crise, ce modèle fonctionne mal. Lorsque le fournisseur, qui est le même pour tout le monde et se trouve à l’étranger, ne peut plus fournir, cela nous met en grande difficultés. Je ne sais pas si nous aurions pu faire différemment, notamment en diversifiant nos sources d’approvisionnement. Mais, dans tous les cas, il faudra absolument que nous repensions différemment ces filières.
Que pensez-vous de la chloroquine dans le traitement du covid-19 ?
Le CHU de Poitiers a pu se rattacher à un essai clinique national. Donc, l’utiliser dans ce cadre me semble intéressant parce que les données qui en sortiront feront avancer la prise en charge des patients covid-19