L’équipe de microbiologie moléculaire et séquençage, qui appartient au département des agents infectieux (service regroupant la bactériologie-hygiène, la parasitologie-mycologie et la virologie-mycobactériologie), fait partie des services du CHU de Poitiers qui se trouvent en première ligne contre l’épidémie liée au covid-19. Professeur de virologie, Nicolas Lévèque revient sur la mobilisation du laboratoire pour faire face à l’augmentation très importante de l’activité liée au dépistage du covid-19.
Au début de l’épidémie, les analyses des prélèvements n’étaient pas effectués dans le laboratoire du CHU de Poitiers. Pourquoi ?
Nous n’étions pas dépositaires de la technique de RT-PCR qui permettait le dépistage du covid-19. Suite à l’émergence du virus en Chine et à sa diffusion sur le continent européen, c’est l’Institut Pasteur de Paris qui, au niveau national, a développé la technique de dépistage. Ils l’ont ensuite diffusée aux laboratoires de virologie des CHU français afin que nous puissions la mettre en place localement. Depuis fin février, toutes les analyses des centres hospitaliers de Poitou-Charentes sont effectuées au CHU de Poitiers.
Comment les techniques d’analyses ont-elles évoluées depuis le début de la crise ?
Initialement, nous disposions, comme seule et unique technique d’analyse, de la méthode fournie par l’institut Pasteur. Depuis, de nombreux fabricants ont développé leurs propres trousses. Celles-ci nous permettent de disposer de techniques plus automatisées notamment sur les étapes d’extraction et d’amplification des acides nucléiques. L’automatisation de certaines étapes du processus permet de gagner du temps pour pouvoir prendre en charge un plus grand nombre de prélèvements.
Votre service est en contact direct avec le virus ? Quelles sont les précautions prises ?
La première précaution a été prise au niveau du kit de prélèvement. Au début de la crise, nous utilisions un milieu de transport de prélèvement classique dans lequel le virus restait infectieux. A l’heure actuelle, nous utilisons un milieu de transport à bouchon bleu qui permet d’inactiver en quelques minutes le pouvoir infectieux du virus. Nous garantissons ainsi l’innocuité du prélèvement au cours du transport pour les services de soin et lors son analyse biologique pour les techniciens du laboratoire.
Au sein de nos locaux, une pièce est entièrement dédiée à la manipulation des échantillons Covid-19 provenant des patients suspects et avérés. Les techniciennes sont équipées de tenues de protection ; elles portent une charlotte, un masque chirurgical, une sur-blouse et des gants pour évoluer dans la pièce. Les échantillons sont manipulés sous des postes de sécurité microbiologique pour éviter tout risque d’aérosol dans la pièce technique.
Quelle est la situation actuelle au sein de votre service ?
Nous avons connu la semaine dernière des pics à plus de 400 prélèvements par jour. La situation épidémiologique reste néanmoins relativement calme avec entre 10 et 20% d’échantillons positifs.
Le laboratoire a dû s’adapter pour répondre au nombre croissant de prélèvements à analyser. Il est actuellement ouvert de 6h du matin jusqu’à la livraison des derniers résultats, entre 22h et 23h. Nous rendons des résultats tout au long de la journée. A partir du moment où le prélèvement est physiquement entre nos mains, il faut de 5 à 6 heures pour pouvoir rendre le résultat.
Comment vos équipes vivent-elles cette situation de crise ?
Elles la vivent bien mais elles ont dû fournir un gros effort puisque le laboratoire fonctionne 7/7 jours, sur des plages horaires de 12 à 14 heures par jour. De sept personnes formées en biologie moléculaire, nous sommes passés à neuf dans un premier temps. Nous venons de « recruter » pour la filière COVID des personnels qui viennent d’autres unités du pôle, d’autres secteurs du laboratoire mais également du personnel qui vient des unités des recherches. Nous aurons ainsi, dans les jours qui viennent, une équipe de 16 personnes.
Quelles leçons tirez-vous déjà de cette crise exceptionnelle ?
Le premier enseignement que j’en tire est l’existence d’une très forte solidarité. Nous avons reçu énormément de propositions d’aide que ce soit du personnel du pôle biologie-pharmacie mais également des personnels de recherche et même de personnels de recherche extérieur à notre établissement tels que des personnes de la faculté des sciences de l’université de Poitiers. Elles nous ont proposé spontanément leur aide.
Utiliserez-vous les données recueillies dans le cadre de travaux de recherches ?
Il y a un certain nombre de travaux de recherche clinique qui se mettent progressivement en place sur le coronavirus. Il est possible que ces prélèvements servent par la suite à ces différents projets. Il est encore un peu tôt pour le dire mais il est certain que nous allons revenir sur certains prélèvements réalisés chez les personnes infectées de façon à mettre, par exemple, en regard, certains biomarqueurs avec la sévérité de la maladie. Nous souhaitons également mettre en place rapidement une bio-collection de prélèvements de sérum de patients infectés de façon à pouvoir évaluer des trousses de diagnostics sérologiques. Nous savons que la sérologie, la détection des anticorps produits en réponse à l’infection, sera nécessaire à la sortie du confinement. Elle permettra de déterminer quelles sont les personnes immunisées vis-à-vis du covid-19.