L’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH) constitue un maillon essentiel dans la chaine de la prise en charge des patients atteints de covid 19. Anne Bousseau et Sarah Thévenot reviennent sur le rôle de l’EOH auprès de l’ensemble des services du CHU de Poitiers.
En tant qu’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH), quel est votre rôle dans la gestion de cette crise sanitaire ?
De façon générale notre mission est la prévention du risque infectieux associé aux soins. Ceci comprend aussi bien la protection des patients, de leurs accompagnants et visiteurs que celle des soignants.
La première mission que nous avons eue dans la gestion de cette crise a été bien évidemment la mise en œuvre des recommandations nationales visant à prévenir la diffusion intra-hospitalière du virus. Nous avons dû rapidement élaborer des protocoles sur les précautions à prendre lors de la prise en charge des patients suspects ou atteints de covid 19 (organisation des soins, désinfection du matériel et des surfaces, traitement de l’air…). La tenue de protection des soignants a dû être adaptée au type de soins et au secteur d’activité. Notre équipe a élaboré des supports de communication pratiques et illustrés de façon à rendre très visuel le processus de mise en place et surtout de retrait de la tenue de protection afin de prévenir toute contamination. Nous avons également réalisé des films accessibles à l’ensemble du personnel sur intranet et formé sur le terrain les professionnels des secteurs prenant en charge les patients atteints.
La notion de transversalité est importante dans le rôle que nous avons dans la gestion de cette crise. Notre équipe a notamment beaucoup travaillé avec la direction de la construction et du patrimoine mais également avec la direction des achats, le magasin, la pharmacie et le biomédical pour faire face aux difficultés d’approvisionnement de certains équipements de protection ou encore de certains dispositifs médicaux. Ensemble, nous avons trouvé des solutions alternatives notamment via d’autres fournisseurs ou bien en utilisant, après évaluation, le matériel issu des dons qui ont été très nombreux. Ainsi, nous avons toujours disposé de tenues de protection et de masques pour protéger les professionnels et les patients.
L’EOH est une petite équipe. Nous avons dû demander du renfort (mi-temps infirmier, interne réquisitionné, cadre de santé missionné sur les dotations en usage unique, secrétaire) pour parvenir à mener toutes nos missions car la crise du covid 19 s’est ajoutée à une charge de travail déjà importante.
Quels ont été les principaux enjeux dans la gestion de cette crise ?
Il s’agissait de bien faire passer les informations de façon à ce que chaque professionnel ait un niveau de connaissance suffisant pour ne pas s’exposer à un risque de contamination et que les précautions adaptées soient mises en œuvre. Cela nous a demandé d’être présents au quotidien auprès des équipes pour réajuster les pratiques si besoin, répondre aux interrogations et parfois aux inquiétudes.
Qu’est-ce qui a bien et moins bien fonctionné dans la gestion de cette crise ?
Il est encore un peu tôt pour répondre à cette question. Nous manquons de recul. Ce qui est un peu déroutant pour nous, ce sont les réajustements réguliers que nous devons faire soit en raison de nouvelles recommandations soit en raison de la tension d’approvisionnement pour certains matériels. Cela nous oblige à nous réadapter constamment et à recommuniquer. Ces changements peuvent être déroutants pour les professionnels mais dès le début de la crise nous les avons informés que ce que nous disions un jour pouvait changer le lendemain. Au final, les équipes ont su très bien s’adapter à ces changements.
Nous sommes aidés dans nos missions par une organisation institutionnelle : la cellule de crise à laquelle nous sommes intégrés se réunit plusieurs fois par semaine et prend les décisions. Tout se passe dans la cohérence et dans la communication. Ceci permet une mise en application efficace ensuite sur le terrain.
Comment vivez-vous la situation ?
Nous avons dû être présents dès le début de l’alerte épidémique, avant l’apparition des premiers cas pour que tout soit prêt. Il y a eu ensuite une autre phase, celle de l’accompagnement des équipes lorsque les patients atteints sont arrivés au CHU. Maintenant, il y a un autre enjeu, celui de la reprise de l’activité des soins dans un contexte où le virus circule toujours sur le territoire.
Notre équipe est beaucoup sollicitée de par ses missions de prévention du risque infectieux.
Quelles leçons tirez-vous déjà de cette crise exceptionnelle ?
Nous ne savons pas si c’est une leçon mais, dans tous les cas, c’est un constat : nous nous rendons compte qu’il y a de nombreuses équipes soignantes qui, grâce à cette crise, se posent beaucoup de questions sur leur façon de travailler au quotidien. Cela est plutôt intéressant, parce qu’indépendamment de tout ce qui se passe aujourd’hui, le personnel hospitalier repositionne les précautions dites « standard » dans sa pratique quotidienne. C’est un premier point positif. Certainement qu’il y aura un « après covid » dans la prise en charge des patients et dans notre vie intra-hospitalière.