Le service de radiologie est en première ligne dans la prise en charge des patients atteints du covid-19. Médecin radiologue, Guillaume Herpe supervise l’unité d’imagerie des urgences au CHU de Poitiers. Dans le cadre de la crise sanitaire qui touche si durement la France, il a participé à la préparation du service de radiologie de l’établissement à l’arrivée de la « vague épidémique » au CHU de Poitiers. Il témoigne de la mobilisation et de la solidarité du personnel soignant et du monde médical face au virus.
Quelles réorganisations avez-vous mises en place au sein de l’unité d’imagerie des urgences pour la prise en charge des cas de covid-19 ?
Grâce au retour d’expérience des autres établissements hospitaliers de France tel que le CHU de Strasbourg, qui ont été les premiers sur le « front », nous avons défini trois seuils de montée en charge indexés sur le nombre de patients nécessitant un scanner thoracique[1], examen le plus utilisé dans la prise en charge des patients atteints du covid-19.
En-dessous de dix scanners demandés dans un contexte de covid-19 – surveillance ou suivi, nous fonctionnons de la même façon qu’en temps normal. Nous maintenons une permanence des soins 24h/24 sur le scanner des urgences.
Le deuxième seuil correspond à une activité de dix à quinze scanners liés au covid-19 par jour. Dans ce cas précis, l’effectif des manipulateurs de jour est doublé et un de nos trois scanners est entièrement réservé 7j/7 aux patients covid-19. Pendant la nuit, ce scanner assure aussi la permanence des soins pour les patients non covid-19 grâce à la présence de deux manipulateurs quand, en temps normal, il n’y en a qu’un. Le scanner du centre cardiovasculaire (CCV), habituellement partagé avec la cardiologie, assure, en niveau 2, la permanence des soins non covid-19 la journée 7j/7.
La déprogrammation concertée avec la cardiologie, l’anesthésie et nous-mêmes a permis de diminuer les examens programmés de sorte que la permanence des soins non covid-19 soit effectuée quasiment et exclusivement en journée sur cette machine.
Le troisième seuil est atteint lorsque plus de 15 scanners thoraciques sont réalisés en 24h.
Lorsque nous serons à ce troisième seuil, le scanner des urgences sera dédié à l’imagerie covid-19, 7j/7, 24h/24, avec un doublement des effectifs de manipulateurs la nuit. Le scanner du centre cardio-vasculaire sera entièrement réservé à l’activité des urgences non COVID, 7j/7 , 24h/24.
En ce qui concerne la partie radiographie de notre unité, qui aide également au diagnostic mais surtout au suivi des patients covid-19, nous avons d’ores et déjà doublé les lignes de radiographie au lit du patient depuis le début de la crise sanitaire[2]. Nous avons mobilisé des manipulateurs et un appareil est entièrement dédié au virus, 24h/24, pour essayer de séparer le flux de patients atteints de covid-19 et de ceux non atteints.
Avez-vous mis d’autres mesures en place dans cette lutte contre le virus ?
Nous avons essayé de préparer le service mais aussi de communiquer avec les autres services et notre région sanitaire en créant une cellule « covid imagerie ».
Au sein de cette cellule composée des docteurs Coralie Madico, Cédric Fauché, Ayoub Guerrab et moi-même, nous assurons le rôle de coordination, de communication avec les autres services et les hôpitaux de la région sanitaire, mais aussi de veille scientifique et de formation des équipes. A ce titre, nous avons réalisé plusieurs actions concrètes.
Nous avons créé un numéro d’avis radiologique sur le covid-19 pour échanger sur les cas discordants et sur des questions concernant la prise en charge en imagerie du covid-19. Ce numéro est disponible pour les médecins du CHU (14 004) et les médecins radiologues extérieurs au CHU (05 16 60 40 04). Il est accessible de 9h à 17h toute la semaine.
Nous avons aussi procédé à une rationalisation des plannings médicaux et à un doublement de tous les postes sensibles médicaux. Grâce à l’action de la cellule planning – Dr Coralie Madico et Dr Nicolas Raynaud, nous sommes capables en moins d’une heure de remplacer tout collègue nécessitant une éviction sans perturber la continuité des soins nécessaires dans ce contexte particulier.
Nous nous sommes aussi engagés, grâce à l’adhésion et à la solidarité de tous les radiologues, à fournir un compte rendu validé séniorisé en moins de 6h, et ce 24h/24 afin de permettre à nos collègues cliniciens d’optimiser leur flux de patients. Dans ce cadre, l’ensemble des trois lignes d’astreinte de week-end, radiologie diagnostique comme radiologie interventionnelle, participeront aux relectures de scanners covid-19.
Par ailleurs, en accord avec les services cliniques et afin de protéger au mieux nos patients mais aussi nos effectifs paramédicaux, nous avons édité de nouveaux bons de radiologie spécifiques dans ce contexte.
Enfin, avec le Pr Michel Carretier, responsable de la cellule stratégique de radiologie, nous avons rencontré tous les cliniciens qui font partie de la filière de prise en charge du covid-19 : la gériatrie, les urgences, la médecine infectieuse et la réanimation. Il s’agissait pour nous d’anticiper avec eux d’éventuelles discussions sur les indications d’examens.
Alors que les hôpitaux ont du mal à recruter des médecins radiologues et que les manipulateurs expriment leurs mécontentements, qu’en est-il des ressources humaines ?
Nous sommes agréablement surpris par la mobilisation, la participation et l’implication de l’ensemble de l’équipe du service de radiologie du CHU de Poitiers. Nous avons reçu de nombreuses candidatures d’anciens personnels ayant déjà travaillé dans le service pour venir en soutien. Ils savent déjà faire fonctionner nos équipements. Nous avons également eu beaucoup de propositions d’aide de manipulateurs retraités et d’étudiants de 3e année d’électroradiologie. Ce sont plus d’une dizaine de personnes disponibles en cas de montée en charge rapide d’activité.
Vous avez intégré le covid-19 dans vos activités de recherche en intelligence artificielle au sein de l’équipe DACTIM-Mis (CNRS-CHU). Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Je coordonne une cellule de veille sanitaire en imagerie sur la France, la Belgique, la Suisse, le Liban et l’Algérie. Cela représente 304 centres, publics et libéraux, et près de 5 000 radiologues. L’idée est de modéliser l’arrivée des flux de patients et d’anticiper les problématiques associées au sein des structures de toutes tailles. Cette recherche est coordonnée par DACTIM-Mis (CNRS-CHU) et le CHU de Poitiers. Il s’agit de la plus grande étude européenne de veille sanitaire en imagerie qui existe sur le covid-19.
Nous souhaitons par ailleurs mettre à disposition de l’ensemble des hôpitaux tous nos processus, tous nos contrats radio-cliniques, tous les documents validés par la cellule stratégique et par la cellule imagerie covid-19. Cette mise à disposition sous forme d’open data collaborative sera ouverte à tous les CHU qui pourront déposer leurs référentiels locaux. Nous sommes dans une période de crise durant laquelle nous devons être solidaires. Toutes ces données seront hébergées sur le site du CHU et accessibles à l’ensemble de la communauté médicale francophone, afin d’aider les centres de plus petite taille à avoir des consensus clairs et établis par des spécialistes de chaque domaine.
Pour en savoir plus sur le réseau Covid Imagerie SFR
Facebook : @reseaucovidimagerieSFR
Instagram : @reseaucovidimageriesfr
Contact :projetcovid19.herpe@gmail.com
[1] Le scanner thoracique permet de diagnostiquer et d’observer l’évolution du Covid-19. En effet, le virus provoque des lésions sur les poumons qui sont parfaitement observables sur les acquisitions de l’équipement. En cas d’infection, le poumon présente des zones blanches quand en temps normal l’air présent apparait en noir sur les clichés.
[2] Appareil d’imagerie mobile qui permet de réaliser l’examen sans que le patient ait à se déplacer du lit.