Depuis septembre, des consultations pluridisciplinaires sont proposées aux patients présentant des symptômes persistants de la covid des mois après avoir été touchés. Le service des maladies infectieuses accueille certains de ces patients. Le Dr Guillaume Béraud nous explique en quoi consistent ces consultations.
Pourquoi et comment des consultations pluridisciplinaires covid longs ont-elles été mises en place ?
Le besoin avait déjà été exprimé par de nombreux acteurs de santé. Aussi, lors d’échanges entre le Pr France Cazenave-Roblot et l’agence régionale de santé, il a été mis en avant que les patients covid long avaient besoin d’avoir une prise en charge spécifique. La mise en place de ces consultations reposait sur plusieurs enjeux, le premier étant le manque de connaissance sur le covid long. La pathologie étant multiforme, avec des symptômes différents, elle ne requiert pas forcément les mêmes compétences pour chaque patient. Par exemple, pour un patient qui exprime des douleurs articulaires, il semble assez logique qu’il soit tout d’abord évalué par un rhumatologue. Il a donc été décidé que le patient serait adressé au spécialiste en fonction de son symptôme d’appel. Parmi les spécialistes, les pneumologues, les cardiologues, les neurologues, les rhumatologues, les internistes, les infectiologues ainsi que les spécialistes de médecine physique. S’il y a plusieurs symptômes et qu’ils ne sont pas clairement identifiés, ils sont pris en charge par les infectiologues et les internistes. Le deuxième enjeu était de ne pas retrouver dans les consultations covid long les mêmes patients que l’on voit déjà en consultation. Cela n’a pas d’intérêt puisque cela créé un embouteillage et retarde la prise en charge des gens qui en ont vraiment besoin, notre objectif étant qu’ils aient accès à une consultation dans le mois. Nous sommes aidés par la plateforme d’appui territorial qui collecte les demandes des médecins traitants et procède à un interrogatoire pour bien identifier les patients nécessitant une prise en charge covid long.
Comment se passe une consultation en infectiologie ?
Le patient arrive avec le courrier du médecin traitant dans lequel celui cible le problème. Nous refaisons ensemble l’interrogatoire ce qui permet de démêler la chronologie des évènements, de faire le tri dans les symptômes. En interrogeant plus finement, nous pouvons établir une temporalité des symptômes qui peut être très aidante pour la compréhension du problème. Cette consultation permet de dire aux patients voilà ce qui est lié au covid et ce qui ne l’est pas. Lors de ses consultations, j’aime faire le parallèle avec le syndrome post-traumatique bien connu des militaires : suite à une agression, l’organisme se met en mode survie. Se mettre en mode survie c’est bien quand on est en danger. Quand vous êtes malade et que vous avez du mal à respirer, il faut que toutes les ressources de votre corps soient mobilisées sur un objectif : maintenir une pression en oxygène correct dans le sang, maintenir le fonctionnement du corps pour survivre. Mais alors qu’il n’y a plus de danger, l’organisme n’a pas compris qu’il doit sortir de ce mode. Et cela peut devenir problématique avec des douleurs articulaires, de la fatigue, des troubles de l’humeur. Faire le parallèle avec le syndrome post-traumatique permet de faire comprendre aux patients qu’on ne méprise pas leurs symptômes. Ce ne sont pas des simulateurs. Ils souffrent réellement. C’est le corps qui exprime ses souffrances. Ils doivent faire comprendre à l’organisme qu’il n’a plus besoin de réagir de cette façon.
Après deux mois de fonctionnement, y-a-t’il des points qui ressortent ?
Des choses se dégagent notamment que de nombreux symptômes sont liés à ce que les pneumologues appellent le syndrome respiratoire d’hyperventilation. Il y a également des réactions auto-immunes qui entraînent un dysfonctionnement de l’organisme comme c’est le cas de bon nombre de maladies virales. Mais nous constatons que la covid a entrainé énormément de stress sur l’ensemble de la population. En plus de la peur d’être infecté, nous avons tout de même connu des moments de société un peu traumatisant. Je peux donc concevoir que ce stress génère ensuite un dysfonctionnement de l’organisme. Ce n’est pas dramatique mais les patients sont fatigués et ils ont des douleurs. Ces consultations nous permettent de mieux nous former, de mieux comprendre la covid. Nous sommes en train d’identifier s’il existe de réels syndromes mais cela reste encore un peu flou. Il est encore tôt pour dire. Nous échangeons beaucoup entre collègues des différentes spécialités et nous partageons nos expériences.