Projet prioritaire du CHU de Poitiers, le projet de construction des chemins cliniques a été initié en septembre 2021, au CHU de Poitiers. Coordonné par la direction des soins, il était inscrit dans le projet d’établissement 2019-2023 du CHU de Poitiers et se poursuit dans le suivant. Après les explications d’Alexandra Lahanque, cadre supérieure de santé qui suit le projet, viennent les témoignages de services y participant.
Importance des chemins cliniques
Initié depuis plus de deux ans, le projet de construction de chemins cliniques est bien avancé au CHU de Poitiers puisque l’on compte aujourd’hui dix chemins cliniques écrits, trois en cours d’élaboration et sept informatisés. Parmi les chemins cliniques déjà mis en œuvre, il y a notamment celui du service de pneumologie du Pr Jean-Claude Meurice qui a été présenté lors du congrès de médecine interne à La Rochelle en juillet 2023, celui du service de cardiologie du Pr Luc-Philippe Christiaens et celui du service de médecine gériatrique du Dr Anne-Sophie Delelis-Fanien. Mais il reste encore beaucoup de chemin à faire puisque la Haute autorité de Santé préconise la mise en place de deux à trois chemins cliniques au minimum par service. La construction d’un chemin clinique est un travail long qui se doit d’être le plus précis et méticuleux possible.
Le chemin clinique est une méthode d’amélioration de la qualité des soins, un guide pluridisciplinaire, un outil de planification, de rationalisation et de standardisation de la prise en charge d’une pathologie donnée afin que celle-ci soit la plus optimale et efficiente possible. La production d’un chemin clinique se fait en deux temps, la première étape étant sa construction. Celle-ci est réalisée par des professionnels paramédicaux et médicaux du service concerné qui suivent pour cela une formation intitulée « Construction des chemins cliniques à partir des plans de soins types »[1]. Depuis septembre 2021, près de 300 infirmiers, aides-soignants et médecins ont été formés. Le service détermine, en équipe pluriprofessionnelle, la pathologie pour laquelle il veut construire un chemin clinique. Il distingue, ensuite, les différentes étapes de la prise en charge du patient en se basant sur les recommandations nationales des sociétés savantes. La symptomatologie, les risques et les complications de la pathologie ainsi que les effets secondaires des thérapeutiques sont également pris en compte dans la construction. Chaque élément de la prise en charge est décrit et standardisé. « Le chemin clinique permet aux soignants de mieux comprendre la pathologie. Il permet de bien définir le rôle de chacun dans la prise en charge des patients et par conséquent de mieux coordonner les actions, de mieux travailler ensemble. C’est une reconnaissance et une valorisation du travail de chacun. C’est un excellent outil de coordination des soins, une feuille de route qui permet de diminuer la charge mentale des soignants qui s’appuient sur cette description détaillée des bonnes pratiques. Les nouveaux arrivants peuvent ainsi être aussitôt opérationnels. Le chemin clinique permet d’optimiser la gestion des risques. Il y a vraiment une plus-value pour les soignants mais aussi et surtout pour les patients ». La dernière étape est l’informatisation du chemin clinique pour l’instant sur Hôpital Manager, à partir du référentiel qualité appelé plan de soin type, étape réalisée par les infirmières référentes informatiques. Les réactions humaines, physiques et psychologiques du patient durant son parcours seront également ajoutées afin de personnaliser les soins. « Ces chemins cliniques permettent aux professionnels d’avoir une vision positive du patient, sa situation en termes de capacités. En effet, dans cette logique de parcours, il s’agit également de développer aussi la notion du patient acteur de sa prise en charge, notion essentielle pour la personnalisation du projet de soins. Cela passe de façon incontournable par la qualité de la relation soignant patient. Une relation de confiance doit s’installer pour que le patient puisse livrer un certain nombre d’informations. C’est dans ce sens que nous allons pouvoir personnaliser le projet de soins ». Lorsque le projet de construction des chemins cliniques sera plus avancé, des patients partenaires seront associés à l’écriture.
Les services ayant fait le choix du chemin clinique ont reçu l’adhésion forte de leurs professionnels. « La réussite d’un tel projet repose également sur l’implication de l’encadrement. Plus de quatre-vingt cadres ont suivi une formation intitulée « Management par la clinique » pour accompagner la mise en place du chemin clinique et son utilisation au quotidien ».
Un chemin clinique en marche
Parmi les chemins cliniques déjà mis en œuvre, il y a celui construit en médecine gériatrique, dans l’aile C du pavillon Camille Claudel. Son intitulé exact est « la prise en charge d’un patient de plus de 75 ans, au décours d’une fracture du col du fémur, en postopératoire, suite à la pause d’un clou gamma de J0 à J14 ». Il s’agit de l’une des prises en charges emblématiques de l’unité. C’est Damien Proust, cadre de santé de l’unité, qui a souhaité impliquer son équipe dans la construction d’un chemin clinique. En effet, lors de sa formation à l’école des cadres de santé, il a effectué un stage au centre hospitalier de Saintes où il a expérimenté l’un de ces parcours en chirurgie. Il a compris l’intérêt d’un tel outil pour la qualité des soins et s’est positionné lorsque Véronique Duszkiewicz, cadre supérieure de santé du pôle de gériatrie, l’a présenté en réunion de cadres. « Dans son envie d’améliorer la qualité des prises en charge, Véronique Duszkiewicz nous a proposé de déployer les chemins cliniques dans nos services. Sans son appui organisationnel et managérial, les projets menés ou en cours n’auraient pas la même dynamique ».
Les équipes médicales et paramédicales ont accepté, non sans quelques craintes mais avec beaucoup de motivation. Un groupe pluridisciplinaire a été constitué pour travailler à la construction du chemin clinique. Il est constitué, en plus de Damien Proust, d’Alexandra Blain et d’Elodie Godet, aides-soignantes, de Marjorie Pierrefiche et Cécile Caille, infirmières, de Nathalie Marchand kinésithérapeute, et du Dr Anne-Sophie Delelis, médecin gériatre. « La détermination du groupe projet est un élément clé. Ses membres ont une vision et un regard clinique forts. Ils ont, de plus, cette envie d’implication sur le plan institutionnel. Nous avons fait la formation pour comprendre les enjeux auprès du patient, au niveau de la qualité des soins, de l’institution et même au-delà. J’ai un groupe qui a été très rapidement convaincu du bénéfice d’un tel outil ». Damien Proust a fait en sorte que plus de 90 % de son équipe bénéficie de la formation concernant les transmissions. Le chemin clinique est mis en œuvre depuis décembre 2023, l’appropriation par l’ensemble des équipes s’est faite rapidement et aujourd’hui, c’est devenu un automatisme. Près d’une quinzaine de patients ont été intégrés dans ce protocole. « Nous avons fait en sorte que ce soit les infirmières qui mettent en œuvre le chemin clinique à l’entrée du patient. Et le chemin clinique permet de mettre en lumière le rôle infirmier réalisé au quotidien par les aides-soignantes qui s’efface un peu par rapport aux actes médicaux et actes infirmiers ». Damien Proust précise que les aides-soignantes, qui sont le plus aux côtés du patient, auront un rôle important de recueil de l’expérience patient. « Je suis extrêmement satisfait et les retours ont été très positifs immédiatement, notamment sur la qualité des transmissions ciblées et sur le questionnement. Le chemin est un vrai outil de réflexion sur l’individualisation des soins, mais il va aussi permettre, ce que je juge très utile, un rappel sur les apprentissages initiaux. Nos professionnels vont se requestionner sur leurs missions. Cela va redonner du sens au soin ». Chaque année, le chemin clinique, « document vivant » sera actualisé en regard des dernières recommandations.
Un chemin clinique en construction
Le service en soins médicaux et de réadaptation (SMR) travaille à la construction d’un chemin clinique sur la prise en charge en SMR polyvalente d’un patient avec une prescription chirurgicale sans appui complet d’un membre inférieur, non compatible avec un retour à domicile, sur une durée de 45 jours. Comme pour la plupart des services intégrés dans des projets de chemins cliniques, la prise en charge a été choisie parce qu’elle est fréquente au sein du SMR. Sandra Rodier, cadre de santé du service depuis mars 2021 coordonne le projet. « C’est un projet que j’ai abordé avec mon équipe lors des entretiens annuels d’évaluation de l’année 2023. Des agents se sont aussitôt portés volontaires. J’ai du faire un choix pour constituer le groupe de construction parce qu’ils étaient trop nombreux. Quoiqu’il en soit tous les membres de l’équipe sont informés et ils ont accès au compte-rendu du groupe de travail ». Le groupe pluriprofessionnel est composé de Laurie-Anne Lelay rt de David Pierre, infirmiers, d’Audrey Toupy, de Nathalie Merlière, aides-soignantes, de Dorothée Touchard, ergothérapeute, de Florence Gauthier, kinésithérapeute, et du Dr Isabelle Gaboriau, chef du service SMR. Tous ont suivi la formation. Le projet de construction est bien avancé, l’objectif étant qu’il soit finalisé en septembre 2024. Mais c’est un projet extrêmement chronophage. Il a pu compter sur la motivation du groupe, certains des membres revenant même sur leurs jours de repos pour avancer. « Un tel projet ne peut pas aboutir si les équipes ne sont pas volontaires et engagées » souligne Sandra Rodier. C’est un projet complexe et chronophage mais les professionnels en ont compris les intérêts. « Ils ont bien pris conscience que ce chemin clinique est en lien avec la qualité. C’est un excellent outil d’évaluation des pratiques professionnelles en lien avec la qualité et la gestion des risques. Ils sont sensibilisés à la culture de la qualité et de la gestion des risques. Nous faisons régulièrement des points qualité ». Le Dr Isabelle Gaboriau s’est également impliquée dans la construction du chemin clinique. « C’est l’équipe paramédicale qui a tout fait. Elle était très volontaire et a impulsé la dynamique au projet. Mon rôle a été surtout un rôle de lecture et d’orientation des soignants sur des domaines médicaux plus aigus plus pointus». Si le projet permet de standardiser la prise en charge d’une pathologie donnée, il permet, selon le Dr Gaboriau, à chaque professionnel de s’exprimer dans son domaine de compétence. « Le travail a permis une réflexion en équipe sans barrière et sans jugement. Chacun s’est exprimé et a affirmé son rôle ».
[1] La formation est dispensée par l’organisme expert qui accompagne le CHU de Poitiers dans le développement du projet. Depuis septembre 2021, plus de 400 professionnels médicaux et paramédicaux, ont ainsi été formés. A terme des professionnels deviendront référents raisonnement clinique pour former les professionnels volontaires.