On ne le sait pas encore suffisamment mais le lait maternel peut sauver la vie des bébés. Aliment primordial pour assurer la croissance et le développement d’un nourrisson, il se révèle vital pour les bébés nés avant 34 semaines et pesant moins de 1,8 kg. Au CHU de Poitiers, le lactarium collecte, traite, conserve et assure la distribution du lait maternel aux enfants prématurés hospitalisés dans l’établissement mais pas seulement. Présentation d’un service encore trop méconnu.
Le lactarium du CHU de Poitiers
Les lactariums ont pour missions de collecter, analyser, traiter, conserver et distribuer le lait maternel. Il en existe deux sortes. Les premiers sont dits à usage interne, le lait étant collecté d’une mère pour son propre enfant hospitalisé dans l’établissement. Dans les seconds, dits à usage interne et externe, le lait collecté est destiné aux enfants prématurés hospitalisés dans l’établissement mais également aux enfants hospitalisés dans d’autres hôpitaux. Leurs missions sont plus larges parce qu’ils doivent gérer le surplus de lait maternel collecté à l’hôpital ainsi que le lait de donneuses anonymes à domicile. Le lactarium du CHU de Poitiers est à usage interne et externe. Il collecte, traite, conserve et assure la distribution du lait au sein même de l’hôpital ainsi que vers d’autres établissements qui n’en ont pas suffisamment ou bien qui n’ont pas de lactarium tels que celui de Niort, de Saintes ou de Marmande. Cela représente environ 140 donneuses par an, 600 litres de lait traités par an mais plus de 1000 litres collectés. Et, contrairement à d’autres lactariums, celui du CHU de Poitiers ne connait pas de pénurie de dons de lait maternel. « Nous sommes un petit lactarium. Nous distribuons du lait à environ 200 bébés par an. Mais nous récoltons tellement de lait que cela nous permet de le donner à d’autres lactariums pour les enfants hospitalisés. C’est une denrée tellement rare, un médicament, qu’il ne faut pas qu’il y ait de perte » se réjouit le Dr Charlotte Lucas, médecin pédiatre coordinateur du lactarium. « Rien que depuis le début de l’année 2022, nous avons déjà envoyé 130 litres de lait au lactarium de Marmande », rajoute Magali Mergault, infirmière coordinatrice au lactarium du CHU de Poitiers.
Le lactarium : un cadre très réglementé
A l’instar des établissements de don de sang, le don de lait tout comme les lactariums sont soumis à un cadre législatif très strict avec un cahier des charges précis de règles de bonnes pratiques de fonctionnement. Avant les dons, les mamans, anonymes ou non, suivent un entretien médical et font un test sérologique pour vérifier qu’il n’y ait aucune contre-indication ou risque de transmission de virus à l’enfant. Le lait est collecté dans des flacons transférés ensuite au lactarium. En ce qui concerne les dons anonymes, les donneuses doivent indiquer sur une étiquette la date et l’heure du tirage de lait avant de placer le flacon dans le congélateur pour leur conservation. Lorsque les flacons arrivent au lactarium, ils sont désinfectés pour éviter toute contagion environnementale. Puis, ils sont placés dans des congélateurs qui permettent de les maintenir à température stable.
« Le lait est une matière vivante qui présente le risque de contamination bactérienne. C’est pourquoi il est important de respecter la chaîne du froid avec une conservation du lait à température constante », explique le Dr Lucas. Lorsqu’il y en a une quantité suffisante, le lait maternel est pasteurisé c’est-à-dire qu’il est chauffé pour éliminer différents types de micro-organismes. Des analyses bactériologiques sont effectuées avant et après la pasteurisation afin d’avoir des résultats conformes aux règles législatives et ainsi assurer une sécurité optimale du produit. Le lait est ensuite délivré aux enfants tout comme peuvent l’être d’autres traitements médicamenteux. « Ce cadre très réglementaire est essentiel dans le don du lait maternel. Nous devons être absolument certains que le lait ne représente aucun risque pour les bébés surtout pour les plus fragiles », précise le Dr Lucas.
Faciliter les dons de lait maternel
Le CHU de Poitiers a mis en place toute une organisation logistique pour faciliter les dons de laits maternels. Une maman à domicile, qui décide de faire un don de lait anonyme, contacte le lactarium du CHU de Poitiers qui réalise un entretien téléphonique afin de savoir si elle est éligible au don puis lui fait parvenir des prescriptions pour un entretien médical auprès de son médecin général ou sa sage-femme ainsi que pour un test sérologique. Si elle ne présente aucune contre-indication pour donner son lait, le personnel du lactarium lui fait parvenir par courrier le matériel nécessaire pour la collecte et la conservation du lait : une prescription pour la location d’un tire-lait si elle n’en a pas (totalement pris en charge par la sécurité sociale) et des flacons avec des étiquettes pour collecter le lait. Lorsque la donneuse dispose d’un stock de lait conservé en congélateur, un chauffeur du CHU de Poitiers se rend à son domicile pour le récupérer et l’acheminer jusqu’au lactarium. « C’est évidemment une grande charge d’activité et d’organisation logistique. Mais il ne faut pas que ce soit trop compliqué parce qu’en général les mamans qui donnent leur lait ont déjà leur enfant à prendre en charge. Il faut vraiment leur faciliter la vie et éviter qu’elles n’aient à se déplacer à l’hôpital » souligne le Dr Lucas. L’équipe du lactarium est composée de deux médecins pédiatres en alternance, les Dr Charlotte Lucas et Dr Lorraine Piguel, de deux infirmières puéricultrices en alternance également, Magali Mergault et Patricia Renault, de trois auxiliaires de puériculture, Valérie Baillon, Eve Dumasy, Elodie Lamarche, et d’une cadre supérieure de santé, Agnès Charrier. Toutes travaillent au quotidien pour promouvoir l’allaitement maternel, soutenir les parents dans leur démarche et pour garantir un lait maternel ne présentant aucun risque pour les bébés prématurés. Parce que le lait maternel est le seul aliment qui peut être donné aux enfants prématurés ; parce qu’il est vital pour les plus bébés nés avant 34 semaines et pesant moins de 1,8 kg, n’hésitez pas à donner.