Ecmo, une technique de sauvetage de dernier recours

Ecmo

Les techniques d’assistance extracorporelle  ou extracorporeal membrane oxygenation (ECMO)  sont réalisées en sauvetage pour améliorer l’oxygénation dans les formes les plus sévères du syndrome de détresse respiratoire aigüe […]

Les techniques d’assistance extracorporelle  ou extracorporeal membrane oxygenation (ECMO)  sont réalisées en sauvetage pour améliorer l’oxygénation dans les formes les plus sévères du syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA). Cette assistance, permettant l’oxygénation non plus à travers le poumon physiologique mais à travers une membrane extracorporelle, s’est développée ces dernières années, notamment depuis l’épidémie de grippe A. Au CHU, elle est utilisée dans le service de réanimation médicale et chirurgicale et au sein de l’unité fonctionnelle de réanimation cardio-thoracique.

Une pneumonie bactérienne ou virale, mais aussi certaines pathologies extra respiratoires, comme une péritonite ou une pancréatite, peuvent parfois entraîner un syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA). Il ne s’agit pas d’une maladie mais bien d’un syndrome, caractérisé par une insuffisance respiratoire aigüe, avec une inflammation diffuse à l’ensemble des deux poumons.

Le patient nécessite alors d’être intubé, endormi (sédaté) et placé sous assistance respiratoire, c’est-à-dire connecté à un ventilateur artificiel. « Malgré cette ventilation artificielle pouvant délivrer de l’oxygène pur, certains patients sont très hypoxémiques avec des valeurs de PaO2 (pression partielle en oxygène) en dessous du seuil vital», relate le Dr Arnaud Thille, maître de conférences-praticien hospitalier dans le service de réanimation médicale du CHU. Deux traitements symptomatiques peuvent alors être mis en oeuvre pour améliorer l’oxygénation. Une pression expiratoire positive (PEP) élevée peut être réglée sur le ventilateur afin de permettre la réouverture des alvéoles pulmonaires. « Mais les pressions positives insufflées par le ventilateur sont anti-physiologiques et peuvent aggraver les lésions pulmonaires », précise le Dr Thille. Le patient peut également être placé en décubitus ventral (sur le ventre), une technique qui permet d’améliorer la survie des patients les plus sévères, comme l’a montré une récente étude scientifique menée par une équipe lyonnaise.

C’est une fois toutes ces techniques utilisées et alors que le patient reste en danger vital (avec une saturation sanguine en oxygène inférieure à 90 %) que le recours à l’Ecmo (extra corporal membrane oxygenation) peut être indiqué. Depuis janvier dernier, deux Ecmo ont été posées dans le service de réanimation médicale du CHU ; trois au sein de l’unité fonctionnelle de réanimation cardio-thoracique où «les grandes défaillances respiratoires apparaissent dans un contexte post-opératoire de chirurgie cardiaque », souligne le Dr Myriam Untersteller, responsable de l’unité. Il s’agit d’une technique d’assistance circulatoire veino-veineuse permettant les échanges gazeux à travers une membrane extracorporelle d’oxygénation. La mise en place, qui dure moins d’une heure, est conduite par un chirurgien cardiaque. Deux cathéters de gros calibre sont placés le plus souvent dans une veine jugulaire, et dans une veine fémorale. Le sang est extrait d’un cathéter, oxygéné en permanence par la membrane artificielle, et réinjecté enrichi en oxygène via l’autre cathéter au contact de l’oreillette droite. La durée de la technique dépend de la gravité de la maladie, mais la durée minimale est généralement d’au moins une semaine. « L’Ecmo permet ainsi de reposer le poumon : on pourra délivrer de faibles pressions pour maintenir les alvéoles pulmonaires ouvertes tout en évitant les pressions élevées et le risque toxique de la ventilation », précise de Dr Thille.

Surveillance lourde
La technique, relativement ancienne et déjà utilisée il y a plus de vingt ans, avait été abandon- née. Mais le recours à l’Ecmo s’est multiplié ces cinq dernières années, avec de meilleurs résultats. D’abord, le matériel a été nettement amélioré, en termes de fiabilité, de surveillance, d’utilisation& Ensuite, il y a eu un véritable regain d’activité pour l’Ecmo au moment de l’épidémie de grippe A de 2009, une maladie qui donne des tableaux de SRDA avec des atteintes extrêmement sévères, souvent chez les sujets jeunes.

Cette technique de sauvetage lourde est réservée aux patients les plus graves mais présentant néanmoins un bon état de santé général, sans facteurs de comorbidités graves sous-jacentes, et dans le cadre de maladies complètement réversibles. Car des risques de complications importantes existent, en termes hémorragiques et infectieux. L’Ecmo nécessite donc une surveillance lourde, avec des durées d’hospitalisations de plusieurs semaines. Trois infirmiers d’assistance respiratoire sont chargés de l’installation, de la mise en route et du protocole de surveillance du circuit. « Ces infirmiers perfusionnistes ont reçu une formation d’un an, validée par un diplôme universitaire, à la technique de circuit extracorporel. Ils sont d’astreinte, jour et nuit, vérifiant quotidiennement les échanges gazeux dans la membrane, surveillant les éventuels dysfonctionnements de l’oxygénateur, de la pompe, les problèmes de coagulation dans les circuits… », illustre le Dr Untersteller.

Quand envisager l’Ecmo ? « Quand le rapport de PaO2 (pression artérielle en oxygène) sur FiO2 (fraction inspirée en oxygène) est inférieur à 80 mm Hg. Cependant, il est préférable de ne pas réaliser cette technique dans des conditions d’urgence et d’adresser les patients avant qu’il existe un risque d’arrêt cardiaque, et quand ils sont encore transportables s’ils sont hospitalisés dans un autre hôpital », souligne le Dr Thille. Il est donc nécessaire de discuter la technique dès que le rapport PaO2/FiO2 est inférieur à 100 mm Hg, correspondant à la définition du SDRA « sévère ». Il faut souligner que, dans les cas les plus graves, l’unité mobile d’assistance circulatoire peut se déplacer pour mettre le système sur place et rapatrier ensuite le patient au CHU, rappelle le Dr Untersteller. L’hôpital dispose de trois appareils d’Ecmo, dont un plus petit, plus maniable et donc facilement transportable.

À noter, le service de réanimation médicale est en passe d’acquérir un système de mesure de la pression transpulmonaire « qui pourrait permettre d’optimiser les réglages du ventilateur et donc, de sursoir à l’utilisation de l’Ecmo dans certains cas », précise le Dr Thille. Enfin, un groupe de travail sur « le chemin clinique de la défaillance circulatoire et/ou respiratoire » a mis en évidence l’opportunité d’un numéro de téléphone unique  05 49 44 30 26  pour joindre le CHU en cas d’indication d’assistance, fait savoir le Dr Untersteller.