Enseigner à l’hôpital

institutrices à l'hôpital

Fabienne Sicard et Marie Eymery sont toutes deux professeurs des écoles… à l’hôpital. Un environnement particulier au sein duquel elles essayent de maintenir le lien entre les enfants et l’école en vue de leur réintégration à la fin de leur séjour.

S’adapter pour enseigner

C’est en 1989, à la demande de médecins pédiatres et la volonté de l’Education nationale, qu’a été créé le premier poste d’enseignant au CHU de Poitiers. Depuis 2004, deux enseignantes exercent à temps plein au sein des services de pédiatrie. Fabienne Sicard a commencé en 2003 et Marie Eymery, en 2017. Elles forment l’unité d’enseignement autrefois appelée école hospitalière. Toutes deux sont enseignantes spécialisées. Elles ont été formées pour accompagner des élèves présentant des déficiences, des troubles du comportement ou différentes formes de handicap. Après plusieurs années à enseigner dans des établissements scolaires, elles ont choisi d’enseigner à l’hôpital. Fabienne Sicard a toujours été attirée par l’exercice en milieu hospitalier. Plus que l’hôpital lui-même, c’est davantage l’accompagnement spécialisé qu’imposait le poste, qui a poussé Marie Eymery à postuler. La principale mission de Fabienne Sicard et de Marie Eymery est de permettre aux enfants hospitalisés de maintenir un lien avec l’école parce que malheureusement, beaucoup d’entre eux sont déscolarisés pendant leur hospitalisation. « Nous devons tout faire pour qu’il n’y ait pas de rupture ». Enseigner à l’hôpital implique une grande polyvalence des enseignantes qui doivent accompagner des enfants de différents niveaux allant de la maternelle au lycée. Les jeunes patients présentent des profils variés tant au niveau de l’âge que du cursus. C’est d’ailleurs ce qui leur plait le plus dans leur métier. « C’est une grande richesse. La routine que l’on peut ressentir dans un enseignement classique lorsque l’on enseigne longtemps sur le même niveau, n’existe pas en milieu hospitalier. A l’hôpital, nous n’avons pas non plus la même notion du temps, parce que chaque jour est différent. Les enseignements sont tellement diversifiés ». Pour offrir un accompagnement scolaire aux enfants hospitalisés, Fabienne Sicard et Marie Eymery sont attentives à leur apporter une réponse pédagogique adaptée et personnalisée. Elles s’attachent notamment à instaurer une relation de confiance, à mesurer le retentissement de certaines affections ou de certains traitements, à veiller au confort de l’enfant et à repérer les troubles engendrés par la maladie ou l’isolement. « Le cours particulier, l’omniprésence de la maladie, de la souffrance corporelle et/ou psychologique, l’intimité partagée, constituent une situation pédagogique très spécifique qui infléchit inévitablement la relation apprenant-enseignant. La fonction d’enseignant exige des compétences pédagogiques, didactiques mais également des qualités d’adaptation, de discrétion et une solide assise psychologique. C’est pourquoi le travail en équipe, les temps de concertation et de transmissions, une étroite collaboration avec le personnel soignant sont impératifs ».

Enseigner dans un contexte particulier

Plus ancienne sur le poste, Fabienne Sicard est plus particulièrement rattachée au service d’hémato-oncologie pédiatrique. « Depuis que je suis arrivée au CHU de Poitiers, les protocoles en oncologie ont énormément évolué et m’obligent à enseigner plus souvent au chevet des enfants en isolement dans leur chambre ». Marie Eymery qui, pour sa part, est rattachée au service de pédiatrie générale, dispose d’une petite salle au 9e étage de la tour Jean-Bernard, sur le site de la Milétrie, où elle reçoit peu d’enfants en même temps. Elle enseigne également au chevet des enfants. Lorsqu’un enfant est hospitalisé, les deux enseignantes prennent contact avec sa classe d’origine pour savoir où il en est dans le programme. « Il est pertinent pour nous de bien connaître le parcours de l’enfant pour travailler. Si une remise à niveau est nécessaire, l’enseignement en tête-à-tête le favorise ». Elles consacrent en moyenne une heure par enfant ou groupe d’enfants si le protocole de chacun d’entre eux le permet, et ce n’est pas toujours le cas. Les journées des enfants sont rythmées par les soins et les rendez-vous médicaux, ce qui nécessite une grande adaptabilité de la part des deux enseignantes. Les enseignements tous comme les manuels scolaires sont identiques à ceux des élèves des établissements scolaires. « Nous avons les mêmes exigences même si parfois, les enfants essayent d’y échapper ».

Le nombre d’enfant pris en charge est très variable, tout comme les pathologies. 87 enfants ont été pris en charge durant l’année scolaire 2021-2022. Aujourd’hui, certaines prises en charge peuvent se faire sur de longues périodes.

Les enseignantes se sentent parfaitement identifiées par les équipes soignantes et savent qu’en cas de problèmes, elles peuvent les solliciter. Quand on leur demande s’il n’est pas trop difficile d’enseigner auprès d’enfants malades, Fabienne et Marie répondent : « Nous arrivons à faire la part des choses. Lorsque nous faisons la classe, nous sommes des enseignantes comme les autres. Nous voyons les enfants indépendamment de leur maladie. Pour nous, ce sont avant tout des élèves. Il est important de rester dans notre rôle. Nous devons être en quelque sorte leur normalité même si cela reste particulier en milieu hospitalier. Il est difficile pour nous d’oublier que nous sommes à l’hôpital avec tous les équipements et les bips des machines. Nous souhaitons leur apporter quelque chose de positif dans leur quotidien à l’hôpital. Notre plus grand plaisir, c’est quand un enfant reprend goût à l’enseignement. C’est la plus belle des victoires ».

Pour aller plus loin

Lorsqu’un enfant malade alterne séjours à domicile et séjours hospitaliers, sans avoir la possibilité de retourner dans sa classe, il peut bénéficier d’un dispositif départemental gratuit : le SAPADHE. Ce service de l’éducation nationale permet à l’enfant d’accueillir des enseignants chez lui. Parfois, l’élève poursuit sa scolarité avec son/ses professeur(e-s), lorsque ses propres enseignants acceptent d’assurer ces heures supplémentaires.

Par ailleurs, le programme national TED-i (Travailler Ensemble à Distance et en Interaction) est un système robotisé gratuit de téléprésence qui permet à l’élève d’assister au cours de sa classe en temps réel. Il peut remplacer ou s’ajouter aux heures d’enseignement à domicile, pendant une hospitalisation ou à domicile.

Les élèves hospitalisés peuvent passer leurs épreuves de baccalauréat ou de diplôme national des brevets au CHU. L’unité d’enseignement organise les passations avec le rectorat pour permettre à chacun des valider les acquis de l’année.