Le Pr Pierre Corbi, chirurgien cardiaque et chef du pôle coeur-poumons-vasculaire, a été élu par ses pairs, le lundi 1er février, président de la commission médicale d’établissement (CME) du CHU de Poitiers pour un mandat de quatre ans.
Professeur, comment naît l’envie de devenir président de la commission médicale d’établissement ?
Quand j’étais interne, puis chef de clinique, j’étais déjà représentant professionnel, puis praticien hospitalier à Poitiers où j’ai, par ailleurs, été vice-président de la CME, puis chef de pôle, enfin monté le centre cardio-vasculaire, j’ai quelque part toujours eu le souci de la représentation collective et de l’intérêt général de la collectivité médicale. Arrivant à la fin de ma carrière, cela m’a semblé naturel de passer à un rôle représentatif et donc de m’intéresser à la représentation de la communauté médicale qu’est la CME.
Et quel sera votre plan d’action en tant que président de la CME
Quand on est président de CME, on voit surtout ce qui ne va pas dans un CHU et donc ce que l’on a envie de corriger puisque l’on est en charge du projet médical de l’établissement. Il faut travailler avec la direction générale pour appliquer ce programme, le faire respecter et avancer. On a une vue sur des actions correctrices et sur des points faibles de l’établissement.
Quelles sont ces actions correctrices ?
Ces actions correctrices reposent sur trois thèmes. D’abord, l’insuffisance de la recherche et des publications. Il faut toucher les universitaires et les non-universitaires, ceux qui ne sont pas intégrés à de grandes unités et qui auraient quand même envie de rédiger des publications. Nous savons, par des indicateurs et ce depuis une dizaine d’années, que notre niveau de publication est insuffisant à Poitiers. Il faut donc trouver le chainon manquant pour contacter ces personnes, les intéresser à la recherche et les amener à la publication. Ils ne sont pas forcément affiliés à de grandes unités de recherche, unités qui sont par ailleurs de très bon niveau et qu’il faut soutenir. Cela n’empêche pas de faire accéder au maximum d’entre nous, et surtout les plus jeunes, aux possibilités de s’exprimer à travers des publications. Le deuxième point faible de cet hôpital est sa fragilité au niveau des recrutements médicaux. Il y a beaucoup de postes vacants, en particulier des postes universitaires qui ne sont pas pourvus. Des gens partent, parfois, pour des raisons simplement géographiques parce que c’est plus beau à La Rochelle, par exemple. Certains praticiens sont aussi isolés à cause du poids des nouvelles organisations, de l’informatique, de la hiérarchie, de la réglementation qui augmente tout le temps. On a ainsi observé des troubles dans les services. Les nouveaux modes d’hospitalisation ont éclaté les équipes qui font preuve de moins de cohésion. A la fin les professionnels se retrouvent isolés dans leurs secteurs et rechignent à faire des actions collectives, rechignent éventuellement à faire des travaux scientifiques. On a ainsi une perte d’attractivité, une perte de sens du travail. Il y a alors beaucoup à faire sur la recherche, sur l’environnement de travail, faire que l’informatique rende la vie du praticien plus simple. Et enfin, il faut travailler sur la communication interne puisque beaucoup d’entre nous pensent qu’il est parfois plus simple de se renseigner sur le CHU, via ses réseaux externes plutôt qu’internes. Pour moi, il s’agit d’un point faible. Certains font des choses intéressantes, ont de bonnes idées de travaux et ils ne savent pas les faire partager avec les autres.
Et qu’est-ce que cela implique d’être un CHU à l’échelle d’un département ?
L’organisation du travail de la communauté médicale de l’établissement n’est plus la même qu’auparavant puisque nous avons changé de taille et peut-être bientôt de nom. Cette communauté médicale s’est accrue considérablement avec l’absorption d’un autre hôpital. Elle doit être repensée par le prisme d’une diversité bien plus grande, puisqu’il y a une diversité des spécialités, des statuts et maintenant il existe une diversité de lieux. On se doit de faire vivre ces lieux dans le département pour assurer la continuité, l’accessibilité des soins et la développer. Il est nécessaire de repenser cette communauté médicale en termes de taille, de communication, j’en ai parlé, et d’accessibilité. A mon sens, dans le monde moderne où l’on vit, vu la taille nouvelle du CHU, il faut arriver à déléguer. J’ai tenu à ce que le vice-président, le Dr Philippe Minet, soit issu de l’ancien Groupe hospitalier Nord-Vienne, de Châtellerault, ce qui lui donnera une mission très claire et ce qui me dégagera de beaucoup de travail… Cela pour établir un dialogue plus étendu entre des horizons les plus divers. Il faut changer la règlementation pour procéder ainsi à des délégations de tâches du président qui ainsi aura plus de temps pour aller à la rencontre des praticiens et se rendre chaque mois dans un pôle différent.
Quels sont, pour vous, les points forts du CHU ?
C’est un CHU moderne, bien équipé. Nous y avons érigé les constructions qui s’imposaient. Ces dernières sont belles, pratiques, ergonomiques et font souvent l’admiration des autres CHU. Nous avons toujours une capacité d’investissement dans le grand matériel. Nous n’en manquons pas, il est de bonne qualité et bien entretenu. Certains collègues d’autres CHU sont venus à Poitiers justement parce que nous offrons un bel outil de travail. Un autre point fort mais qui demeure aussi un point faible : nous sommes un CHU de taille moyenne, à taille humaine où tout le monde peut se voir… Alors pourquoi dans un CHU de cette taille, ne communique-t-on pas plus ? Cette problématique est un enjeu fort. Et enfin, on a une dynamique régionale et interrégionale. Le CHU se trouve sur cette façade ouest, assez dynamique, se situant dans une nouvelle région, et où l’on bénéficie d’unités de recherche peut-être pas nombreuses mais qui restent attractives.
Quel est le rôle d’un président de CME en pleine crise covid ?
En pleine crise sanitaire, un président de CME a la mission d’aider à la mission qui nous est donnée : véhiculer les messages de prévention, continuer coûte que coûte l’exécution et la réalisation des soins, notamment pour les pathologies chroniques. C’est aussi se mobiliser pour la vaccination. Il faut savoir que nous sommes à plus de 8 000 vaccinations pour cet hôpital et cet hôpital, dans un contexte de polémique autour de la vaccination, a su monter qu’il savait se mobiliser, pour le dépistage et pour les messages portés à la population. Finalement, dans ce nouveau contexte de maladies transmissibles, est-ce qu’il n’y a pas un nouveau message de santé publique que le CHU doit porter ? C’est l’une des questions que je me pose d’autant que nous disposons d’outils nous le permettant.
Comment s’est passé la passation avec le Pr Debaene ? Allez-vous rester chef du pôle cœur-poumons-vasculaire ?
Il est statutairement interdit d’occuper les deux fonctions. Toutefois, le temps de nommer mon successeur ce qui ne saurait tarder, je reste aux manettes du pôle en gérant les affaires courantes. La passation avec le Pr Bertrand Debeane s’est faite le 2 février, dans son bureau. Cela a duré une bonne heure. Il m’a confié ses dossiers ainsi que des transmissions sur les points chauds. Bertrand Debaene a présidé la CME pendant neuf ans et il a rempli brillamment sa mission, c’est quelqu’un qui a beaucoup fait pour le CHU.
Allez-vous aussi continuer votre activité clinique ?
Je continuerai d’exercer comme chirurgien en consultations et en interventions. Je vais aussi m’occuper de l’enseignement de la spécialité dont je suis référent. Je reste chef de service le temps de mettre en place une transition puisque nous sommes en train de faire aboutir le Dr Géraldine Allain aux prérequis pour devenir professeur et ainsi elle pourra me succéder sur ce poste. Auparavant, elle doit assurer une mobilité. Ensuite, je pourrais peut-être réduire beaucoup les soins et la formation. Pour résumer, je pense avoir deux ans de transition clinique et deux ans plus libres plus libres pour la CME , et il sera bien temps de ne faire plus que ça. Ce métier demande quand même beaucoup de représentation, ne serait-ce qu’en Nouvelle-Aquitaine. Il faut que les trois présidents des CHU se voient et apprennent à se connaitre. Il était d’usage que les président se rendent une fois par mois à la conférence des présidents de CME de France qui est synchrone à celle des directeurs généraux et à celle des doyens, chose arrêtée par la crise sanitaire. Ça, c’est pour le national. A l’international, il y a aussi des colloques et des conférences