Frédéric Marchal, directeur des constructions et du patrimoine du CHU de Poitiers a coordonné le projet de construction du bâtiment 7 Tesla. Il a bien voulu répondre à nos questions.
Quelles étaient les contraintes de construction du bâtiment 7 Tesla ?
Les contraintes de construction étaient tout d’abord liées à l’implantation même du bâtiment. En effet, la demande du service et de l’équipe de recherche du Pr. Rémy Guillevin était d’implanter ce nouveau bâtiment dans le prolongement du centre cardio-vasculaire où est déjà située l’équipe DACTIM. Il a fallu trouver une emprise de terrain libre de réseaux et de contraintes qui puisse recevoir la connexion d’un nouveau bâtiment. Celle-ci a des impacts sur le bâtiment existant puisque des façades et des entrées de lumières sont fermées. Nous n’avions que très peu de possibilités mais l’endroit choisi s’est avéré pertinent : il nous a permis de réaliser en même temps une extension dans le prolongement du plateau de dialyse.
L’emprise de terrain choisie présentait tout de même de nombreuses contraintes sous la surface du sol : tous les réseaux enterrés du CHU y affluent. Nous sommes à 1,50 mètre de la canalisation principale de gaz reliée à la chaufferie principale du site.
Nous avons eu également des contraintes de construction liées à l’équipement. Pour supporter la charge ponctuelle de l’IRM 7 Tesla, qui tourne autour de 25 tonnes avec le blindage de la salle, nous avons dû réaliser des fondations spéciales surdimensionnées. Il s’agit de pieux énormes qui descendent à 25 ou 28 mètres alors que sur d’autres opérations, les pieux ne descendent qu’à 18 mètres.
Toutefois, ce sont ces éléments de contraintes qui ont rendu le projet très intéressant et très riche de réflexions et de recherche de solutions.
Avez-vous utilisé des matériaux spécifiques pour ce projet ?
Oui et non. Nous avions un planning plus que serré pour la réalisation du projet. La volonté du CHU était de livrer cette opération fin 2019 en prenant en compte, qui plus est, la date de livraison de l’IRM 7 fixée au 11 septembre 2019. Le planning normal pour réaliser cette opération en respectant et en appliquant toutes les règles nous amenait à une livraison en mai 2020. Cela fait six mois en moins, ce qui est impossible normalement. Nous avons dû trouver des solutions. L’une d’entre elles est l’utilisation de béton préfabriqué assemblé sur place. Il est fabriqué dans des sociétés spécialisées qui réalisent tout à partir de calculs et de plans. Une fois livrés, les éléments sont clavetés, assemblés et reliés les uns aux autres avec du béton et de l’acier. Il s’agit de parois de béton appelées pré-murs dans lesquelles on coule le béton, puis on insère les cages d’aciers préfabriquées pour réaliser un ensemble solidaire. L’utilisation de ce dispositif de construction nous a permis de gagner pratiquement trois mois. Même s’il s’agit d’un mode constructif classique, c’est la première fois que nous l’utilisions au CHU. Les délais habituels nous permettent d’utiliser du béton traditionnel que l’on coule sur place. Cette innovation technique nous a permis d’optimiser le temps.
Nous avons également gagné du temps en optimisant toutes les procédures administratives. Nous avons lancé en priorité et en urgence le marché des fondations spéciales; pendant la réalisation des fondations spéciales en janvier, nous avons lancé le marché du gros œuvre et pendant le gros œuvre de fin février à fin juin, nous avons lancé tous les autres lots.
Il n’est pas dans nos habitudes de lancer en urgence les premiers lots alors que l’on étudie les autres. C’est une prise de risques que nous n’avons pas sur les autres opérations aux délais normaux. Cela était d’autant plus risqué que si nous n’avions pas trouvé une entreprise de gros œuvre qui nous livre fin juin, le gain de temps obtenu jusqu’alors ne servait à rien. Nous n’avons d’ailleurs trouvé qu’une seule entreprise qui s’est proposée de le faire dans les délais impartis avec cette solution de murs préfabriqués. Il s’agissait donc d’une marche en avant, pas à pas, avec des obstacles à franchir à chaque nouveau pas. Mais c’est ce qui a rendu ce projet si exaltant.
Avez-vous fait appel aux entreprises avec lesquelles vous avez l’habitude de travailler ?
Oui, sauf en ce qui concerne les fondations spéciales avec l’entreprise Soltechnic de Bordeaux. Pour les autres éléments de construction nous avons retrouvé nos partenaires, des entreprises locales qui sont habituées à des opérations avec le CHU de Poitiers.
Combien a coûté l’opération ?
Nous sommes au-dessus de 3 millions d’euros pour l’opération de construction, toutes dépenses confondues, toutes taxes et en intégrant toutes les dépenses liées aux prestations intellectuelles des architectes, des bureaux d’études, des bureaux de contrôles, des géotechniciens, etc. Tout a été intégralement financé par le CHU de Poitiers.
Combien de personnes de la Direction des constructions et du patrimoine (DCP) ont été mobilisées ?
C’est une opération que j’ai pris en charge compte tenu de la prise de risque sur le délai et des recherches de solutions à mettre en place. Pour la DCP, Stéphane Roze est intervenu en tant que coordonnateur sécurité protection santé (SPS). Eric Bonniol, responsable de l’unité électricité a mené, de façon anticipée, une opération parallèle au projet de l’IRM 7 Tesla mais nécessaire à celui-ci. En effet, pour alimenter le nouveau bâtiment, il fallait une grosse puissance électrique. Aussi, nous avons dû changer le tableau général basse tension au niveau du satellite technique de l’édifice auquel est rattaché le bâtiment. Ce changement a couté près de 600 000 euros. Et puis Dimitri Neel, responsable de l’unité chauffage-énergies a suivi la livraison des énergies aussi bien la climatisation que le chauffage depuis la centrale d’énergie centralisée de Jean Bernard. Les ingénieurs de la DCP ont tous suivi et validé l’opération sur tous les domaines techniques spécifiques. Au niveau administratif, les juristes et les administratifs de la DCP ont assuré le suivi financier, la passation des marchés, etc.
Qui a réalisé les plans du bâtiment ?
Sur une construction neuve, nous sommes obligés de passer par un cabinet d’architecte. Il s’agit de TLR Architecture & Associés, cabinet bordelais, qui avait déjà réalisé le centre cardio-vasculaire et qui connaissait parfaitement le site. Il a été mis sur l’opération en septembre 2018 et nous a permis d’obtenir le permis de construire en décembre 2018 avec des passages en commission de sécurité incendie et d’accessibilité, les 18 et 20 décembre 2018, à l’issue desquelles nous avons eu des avis favorables. Alain Clayes, qui est le maire de Poitiers et président du CS du CHU, suivait également cette instruction et nous a permis d’optimiser les délais d’instruction du permis de construire. Tout le monde s’est mobilisé sur toutes les facettes du dossier pour que les délais soient les plus courts possibles.
Si l’on compare le bâtiment 7 Tesla aux autres bâtiments d’imagerie, a-t’il imposé des contraintes différentes ?
Oui, la première étant qu’il fallait concevoir le bâtiment autour de l’appareil avec la possibilité de pouvoir entrer et sortir l’appareil soit lors de sa première installation, soit dans ses renouvellements. Le bâtiment comprend une ouverture en toiture qui permet d’entrer et sortir la machine. C’est une particularité de l’IRM 7 Tesla que nous avions, toutefois, déjà rencontré avec d’autres IRM de l’établissement. Nous avons également dû faire face à des contraintes au niveau du blindage et de l’influence magnétique que la machine peut avoir sur le passage des véhicules et sur l’environnement à l’extérieur du bâtiment et vice-versa. Nous avons dû dimensionner le béton, le blindage, le positionnement de la salle par rapport au fonctionnement extérieur du bâtiment et par rapport au fonctionnement périphérique intérieur du bâtiment. Et puis, les locaux techniques à intégrer étaient nombreux : des locaux pour les équipements de Siemens, pour les équipements de climatisation et les équipements de distribution électrique.
Que retenez-vous de ce projet ?
Outre les difficultés que nous avons rencontrées, nous avons été capables, dans ce champ de contraintes important, de concevoir et de dessiner avec l’architecte un bâtiment qui réussit pleinement son intégration dans la continuité de l’ensemble Centre cardio-vasculaire et satellite technique. De plus il est d’une beauté et d’une esthétique réussie, très soignée. Nous avons été au-delà de ce que l’on nous demandait. Nous avons résolu les difficultés esthétiques, fonctionnelles dans les délais imposés. Nous sommes parvenus à répondre à toutes les demandes fonctionnelles parmi lesquelles les liaisons de transports de malades depuis le reste des autres bâtiments. Les patients peuvent être transférés au bâtiment 7 Tesla à l’abri depuis Jean-Bernard. C’est une réussite pleine et entière. Il existait des tensions très fortes entre tous les intervenants de cette opération mais nous sommes parvenus à mettre en place une ambiance de travail très positive, très efficace et très proactive ainsi qu’une cohésion entre tous les intervenants, pour que chaque jour qui passe ne soit pas gaspillé et pour que les quelques 250 jours dont nous disposions pour faire cette opération soient utilisés efficacement. Nous avons fini des éléments importants de l’opération à 4 h du matin le jour même de l’inauguration. Cet exemple montre bien que les minutes étaient comptées et que cette tension a existé du premier jour jusqu’au dernier instant. Finalement, celle-ci nous a permis de maintenir une ambiance positive, avec une grande efficience de la part de chaque intervenant.
C’était une très belle aventure humaine que ce soit avec Siemens, le secteur biomédical et Geneviève Gaschard, les équipes médicales de Rémy Guillevin, de Fabien Voix ou avec les architectes, les bureaux d’études et les entreprises de construction.