Infirmières de recherche clinique, des travailleuses de l’ombre

infirmières de recherche clinique

Les infirmières de recherche clinique sont le trait d’union entre les différents acteurs du protocole de recherche et les patients. Elles sont encore peu connues. Nous sommes allés à la rencontre de Séverine Laurin, Jennifer Lochon, Aïcha Adrar, infirmières de recherche clinique au sein du centre d’investigation clinique (CIC 1402) du CHU de Poitiers, et de Sandrine Baron, infirmière de recherche clinique au sein de l’équipe PRISMATICS, afin qu’elles nous parlent de leur métier.

Quel est votre métier ?

Nous sommes toutes des infirmières de recherche clinique. Nous sommes donc des infirmières qui avons fait le choix de nous spécialiser dans la recherche clinique. Au CIC, notre mission principale est d’accompagner les investigateurs sur la mise en place des protocoles de recherche. Nous assurons le suivi du protocole permettant de générer les données qui permettront d’aboutir à des résultats. Nous accompagnons également les patients tout au long de la procédure du protocole, que ce soit dans l’organisation des visites de suivi, les soins ou la transmission d’informations (durée du protocole, traitements…). Nous travaillons sur des essais thérapeutiques (médicaments à l’essai qui n’ont pas encore d’autorisation de mise sur le marché, molécules innovantes pour des pathologies qui n’ont pas forcément encore de traitement) ou des protocoles de recherche (sans médicaments) portant sur le sevrage tabagique, l’activité sportive ou le diabète. Notre métier est composé à 80 % d’administration/organisation (création de documents sources, saisie des données…) et 20 % de soins (constantes vitales, administration de traitements, prélèvements biologiques).

Au sein de l’équipe PRISMATICS et entourée de chercheurs, j’accompagne les patients neurostimulés qu’ils fassent ou non partis d’un protocole. La recherche se place donc au cœur du soin. Je réalise des actes infirmiers dans le cadre de la recherche clinique, réalise le recueil et la saisie des données cliniques dans le respect de la règlementation et des règles de Bonnes Pratiques Cliniques (BPC).

Quelles sont les particularités de votre service ?

Notre service, le CIC, est particulier car ce n’est pas un service de soins mais une structure complètement dédiée à la recherche humaine. Par ailleurs, nous collaborons avec un panel assez vaste de chercheurs (médecins, universitaires, laboratoires pharmaceutiques…). Nous sommes le lien entre les patients et les différents acteurs des protocoles de recherche. Nous collaborons également avec les autres personnels de soutien à la recherche (ARC, TEC, méthodologistes), ce qui n’est pas le cas dans les services de soins classiques. Enfin, la recherche clinique à laquelle nous participons n’est pas de la recherche paramédicale, avec laquelle on nous confond souvent. Nous travaillons sur des protocoles de recherche menés par des médecins ou des laboratoires pharmaceutiques ayant pour but le progrès médical, contrairement à la recherche paramédicale qui se concentre sur le patient et de son confort.

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

Au CIC, chaque protocole est différent donc aucune routine ne s’installe. Notre métier nous permet d’apporter un petit caillou à l’édifice de l’avancée médicale. On nous donne l’opportunité et le temps d’approfondir nos connaissances sur la recherche française mais aussi internationale et pour nous former afin de développer nos compétences.

A PRISMATICS, le patient est au centre des réflexions, que ce soit dans le domaine de la neurostimulation ou de la douleur chronique. Je travaille en étroite collaboration avec une équipe pluridisciplinaire tout en maintenant les soins apportés aux patients. La recherche apporte une diversité dans la prise en charge habituelle d’une infirmière.

Quelles formations faut-il pour exercer ce métier ?

Il faut avoir un diplôme d’infirmière. Au sein du CIC, nous devons également suivre une formation d’un an pour se spécialiser dans la recherche : le diplôme inter universitaire formation des assistants de recherche clinique et des techniciens d’études cliniques (DIU FARC TEC). Cette formation permet de connaitre tous les acteurs de la recherche. Cependant, elle n’est pas obligatoire pour les infirmières de recherche clinique qui officient dans les services de soins. C’est, également une spécificité du travail au CIC. Nous devons également passer des certifications telles que la certification de bonnes pratiques cliniques (respect des règles d’un protocole, remplissage optimal des documents d’étude) ou encore le certificat pour des transports des produits à température contrôlée et urgents (IATA).

Quelles sont les perspectives d’évolution dans votre métier ?

Infirmière de recherche clinique constitue déjà une évolution d’infirmière. Ensuite, nous pouvons nous spécialiser davantage, quitter le soin pour la recherche en se formant au poste d’attaché de recherche clinique (ARC) investigateur ou promoteur par exemple. Et bien sûr, nous pouvons retourner vers le soin, devenir cadre de santé ou travailler au bloc opératoire.

Quelles sont les qualités à avoir afin d’exercer ce métier ?

Ce métier demande beaucoup de discipline et de rigueur. Pour les protocoles, tout est chronométré à la seconde près. La transparence a aussi son importance car nous devons tout détailler dans les rapports d’études. De plus, nous travaillons toutes sur les mêmes protocoles car en cas d’absence de l’une ou l’autre, nous devons garantir la poursuite des protocoles de recherche. Le moindre retard peut avoir des conséquences sur l’entièreté d’un protocole. Nous devons donc être ordonnées, autonomes et faire preuve d’une grande capacité d’adaptation.  

Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

Oui, il y en a une à laquelle vous avez certainement pensé et qui nous arrive très souvent. Quand nous répondons au téléphone « Le CIC bonjour », ou que nous parlons de notre lieu de travail autour de nous, on nous répond systématiquement : « bonjour c’est bien la banque ? » ou « tu t’es reconvertie pour travailler dans une banque ? ».

Pourquoi pensez-vous que ce métier est encore méconnu ?

Cela est certainement dû au fait que la recherche est très peu enseignée dans les écoles de formation paramédicale. Nous accueillons en stage uniquement des infirmiers anesthésistes.  Mais la recherche se développe aussi chez les paramédicaux depuis quelques années. Depuis deux ans, nous intervenons depuis à l’institut de formation en soins infirmiers et au centre hospitalier Henri-Laborit afin de communiquer sur notre métier auprès des étudiants infirmiers. Nous-même avons toutes connu le CIC de manière différente : lors d’un stage en laboratoire, après une visite médicale, pour une reconversion professionnelle ou bien une connaissance qui travaillait au centre d’investigation clinique.