Stéphane Michaud, directeur des soins, coordonnateur général du CHU de Poitiers est au cœur même de la gestion de la crise sanitaire. Il revient sur l’engagement exceptionnel de l’ensemble des professionnels de l’hôpital qui illustre parfaitement la grande ambition que s’est donnée la coordination générale des soins, dans son projet de soins, pour les années à venir : « portez une attention bienveillante à l’autre : usagers, entourage et professionnels ».
« Bravo aux équipes pour le sens qu’elles donnent à leur travail et pour leur engagement ! »
En tant que responsable de la coordination des soins, quel a été votre rôle dans cette crise sanitaire ?
Il a consisté à coordonner les organisations et les actions de l’ensemble des personnels paramédicaux pour répondre aux besoins des patients et à la réorganisation de l’hôpital. Cette coordination s’est faite en concertation avec les personnels médicaux mais aussi avec l’ensemble des fonctions support dont nous avons besoin pour que l’établissement puisse bien fonctionner. Tout le monde a travaillé et travaille encore parfaitement de concert. Bien évidemment, c’est mon rôle en tant que coordonnateur général des soins mais c’est aussi le rôle de l’ensemble de l’encadrement de santé. Les cadres et cadres supérieurs de santé travaillent de concert et en concertation avec les équipes médicales, avec leur chef de service, leur chef de pôle.
Les personnels se sont-ils portés spontanément volontaire ?
Je tiens vraiment à souligner l’important engagement de l’ensemble des professionnels. Certains se sont manifestés spontanément pour nous dire qu’ils étaient prêts à être redéployés dans les unités covid. De la même façon, des cadres de santé des instituts de formation, des retraités et des étudiants ont proposé leur aide.
La diminution de l’activité avec la fermeture de certaines unités nous a permis de redéployer certains agents dans les unités dédiées au covid. Mais avant, nous avons demandé leur avis à chacun. Les agents mobilisés nous font part aujourd’hui de leur satisfaction. En effet, de véritables liens entre professionnels se sont créés au sein de ces unités. Un vrai collectif de travail s’y est mis en place. Je suis extrêmement fier des équipes.
Avec le redéploiement du personnel dans les unités Covid, des formations ont-elles été nécessaires ?
Les formations étaient pour nous un enjeu majeur. Nous avons formé l’ensemble des agents aux gestes d’hygiène notamment pour l’habillage et le déshabillage. Des mesures de protection de l’ensemble du personnel ont été rapidement prise avec la décision d’Anne Costa, directrice générale du CHU, du port de masque chirurgical généralisé, alors qu’aucune consigne nationale n’avait été préconisée à ce moment-là.
Nous avons également organisé des formations pour les infirmiers redéployés sur les services de réanimation. Il s’agissait de leur rappeler l’environnement de la prise en charge d’un patient de réanimation non seulement pour garantir la qualité et la sécurité des soins mais également pour qu’ils ne se sentent pas en danger professionnel lors des prises en charge. Ces formations sont organisées par un cadre de santé de réanimation et assurées par l’équipe opérationnelle d’hygiène, des infirmières de réanimation et des intervenants des instituts de formation.
Une formation destinée, entre autres, aux étudiants en médecine qui souhaiteraient venir nous aider, est en train de se mettre en œuvre. Nous avons travaillé avec l’institut de formation aux contenus des formations.
Le fait de ne pas avoir été touché par la grande vague épidémique comme cela a été le cas dans hôpitaux du Grand-Est et de l’Ile-de-France, nous a permis de nous organiser. Cela nous également permis de former le personnel, de l’accompagner de le soutenir afin que le redéploiement se passe bien. Je souhaite souligner, de ce fait, le formidable travail d’accompagnement des cadres de santé qui les ont soutenus.
Qu’en est-il du personnel des autres secteurs de l’hôpital ?
Si le personnel mobilisé pour la prise en charge des patients Covid s’est fortement engagé, le personnel des autres secteurs de l’hôpital ne l’est pas moins. Tous les professionnels du CHU sont impliqués dans la crise. En effet, pour faire face à l’épidémie nous avons dû réorganiser l’ensemble des services. Chacun a vu son travail habituel modifié et tout le monde a dû s’adapter à ces changements. Je leur rends hommage, ils ont joué un rôle majeur pour la bonne prise en charge des autres patients.
Vous avez accepté que du personnel soignant du CHU de Poitiers aille porter son aide aux hôpitaux les plus touchés. Pourquoi ?
Nous sommes là devant le parfait exemple de cet élan de solidarité que l’on retrouve sur l’ensemble du territoire national. Ces professionnels de notre hôpital ont souhaité apporter leur aide aux hôpitaux ; nous ne pouvions pas les retenir alors que nos collègues du Grand-Est et de l’Ile-de-France en avaient réellement besoin. Cela d’autant plus que notre organisation nous permettait de les laisser partir. Nous en sommes très fiers et nous les félicitons.
L’engagement de nos professionnels dans les dispositifs de transferts de patients lors des missions « Chardon » est tout aussi remarquable. Nous avons participé à trois transferts de patients en TGV médicalisé depuis le Grand-Est et l’Ile-de-France. Nous n’avons rencontré aucune difficulté pour constituer des équipes composées d’infirmiers et d’infirmiers anesthésistes, d’ambulanciers entre autres. Certains s’étaient portés volontaires tandis que les autres acceptaient d’emblée la demande. Et bien que ce soient des missions fatigantes psychologiquement et physiquement, tous ont témoigné d’une réelle envie de s’impliquer. Nous ne pouvons que saluer leur engagement et leur dévouement. J’ai tenu à être présent lors des départs et lors des arrivées des trains pour leur manifester notre soutien.
Bien que l’on soit moins touché par cette épidémie, comment le personnel vit-il cette période ? Aviez déjà vécu une situation identique ?
Je ne les ai pas interrogés individuellement mais il est bien évident que cette période est pour eux stressante et fatigante. C’est une situation assez inédite. Contrairement au Plan blanc, nous avançons dans l’inconnu. Nous attendions une vague à Poitiers, elle n’est pas encore venue. Nous ne savons pas s’il y en aura une deuxième. Nous sommes dans une situation plutôt anxiogène, dont nous ne maitrisons pas l’après. Des accompagnements sont d’ores et déjà proposés pour les personnes ou équipes qui le souhaitent.
Nous devrons être très attentifs à l’après crise sanitaire. Il y aura une reprise de l’activité qui a dû être reportée ou annulée. Comment va-t-on l’organiser, comment va-t-on accompagner ces agents qui ont été éprouvés et physiquement et psychologiquement ?
Qu’est-ce qui a bien et mal fonctionné dans la gestion de cette crise ?
Nous sommes parvenus à mettre en place une réelle coordination de l’ensemble des acteurs, une réelle écoute des uns et des autres pour avancer et mettre en œuvre les choses. L’avis de chacun, quel qu’il soit était pris en compte.
L’implication des équipes, la cellule de crise associant les différents acteurs ont permis un travail concerté, en commun.
En revanche, notre faible connaissance du Covid-19 a nécessairement modifié les actions à mettre en œuvre régulièrement. Porter à la connaissance de tous ces modifications est un véritable défi.
Quelles leçons tirez-vous déjà de cette crise ?
J’ai très envie de rester positif et confiant sans pour autant être hors de la réalité, parce que les professionnels le resteront aussi. Je ne sais pas si ce sont des leçons que j’en tire, mais j’ai pu observer une vraie solidarité entre les personnels ; des professionnels très investis avec le souhait d’apprendre et de faire au mieux ; de nouvelles collaborations et surtout des professionnels force de propositions souvent pragmatiques et un encadrement de santé mobilisé, toujours à la recherche de la meilleure organisation à mettre en œuvre pour le bien-être des patients et de leurs équipes.
Pour en savoir plus :
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