L’unité mixte de recherche IRMETIST (INSERM/Université de Poitiers) a participé, aux côtés de partenaires prestigieux, à une étude sur la xénotransplantation qui a permis d’élucider pour la première fois les mécanismes en jeu dans la réponse immunitaire survenant après la greffe de reins de porcs génétiquement modifiés chez l’Homme et d'identifier des solutions thérapeutiques pour prévenir le rejet de l’organe greffé. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication dans la revue The Lancet.
La xénostransplantation, c’est quoi ? Pour quoi ?
La xénotransplantation consiste à transplanter l’organe d’un donneur dont l’espèce biologique est différente de celle du receveur. Elle se révèle être une solution prometteuse pour pallier à la pénurie mondiale d’organes. Du fait de ses nombreuses similarités physiologiques et morphologiques avec l’homme, le porc est considéré comme l’espèce donneuse de choix. Néanmoins, pendant longtemps, la xénotransplantation à partir de porc a été confrontée à un taux élevé d’échecs provoqué par la présence de xénoantigènes chez l’animal. Lorsqu’ils sont présents dans l’organisme humain, ces antigènes extérieurs à l’organisme, induisent une très forte réaction immunitaire du receveur entrainant le rejet des greffons. De nouvelles biotechnologies permettant la modification du génome porcin ont complètement révolutionné la xénotransplantation en supprimant, chez les porcs, les enzymes responsables de la formation de xénoantigènes. C’est ainsi que, fin 2021, les premières xénotransplantations de reins de porcs génétiquement modifiés ont été réalisées, aux États-Unis, avec succès chez des receveurs humains. Toutefois, la réponse immunitaire des patients recevant ce type de greffe n’avait pas encore été caractérisée, ce qui est pourtant primordial pour augmenter les chances de succès de la xénogreffe. Pour décrypter ces phénomènes complexes de rejet de xénogreffe chez l’humain, une étude, conçue sous la houlette du Pr Alexandre Loupy[1], a réuni un groupe pluridisciplinaire d’experts parmi lesquels l’institut de transplantation multi-organes et de médecine régénératrice PITOR de Paris, le Paris Cardiovascular Research Center (PARCC), les services de transplantation des Hôpitaux Necker, Saint Louis et de l’HEGP, le Centre médical universitaire Langone Health de New York, la NYU Grossman School of Medicine, l’Université de Pensylvanie, l’Université de Padoue et l’équipe IRMETIST (INSERM/Université de Poitiers)[2]. « Notre équipe a collaboré en apportant son expertise considérable et internationalement reconnue en physiologie et comportement rénal porcin au cours du processus de transplantation d’organes. Nous avons particulièrement exploré l’ischémie reperfusion et ses interactions avec l’immunité innée, un mécanisme de défense ancestrale présent dès la naissance chez tous les êtres vivants qu’ils soient animaux ou végétaux. Elle fait intervenir des cellules et des molécules qui vont agir très rapidement au cours d’une réaction appelée la réaction inflammatoire. Ces recherches placent la France, plus précisément notre communauté hospitalo-universitaire poitevine et notre région, à l’avant-garde de la xénotransplantation », indique le Pr Thierry Hauet, chef du service de biochimie, co- coordonnateur du site de Poitiers pour la FHU SUPPORT et co-coordonnateur du réseau HR2S (CHU et Université de Poitiers). Afin de mieux caractériser la réponse immunitaire des patients contre ces organes porcins, les chercheurs de l’étude ont décidé d’utiliser une approche innovante, dite multimodale, basée sur des technologies de pointe adaptées pour le diagnostic de précision. Une étude exhaustive des xénotransplants utilisant des biotechnologies d’immunologie et de microscopie moléculaire capables de caractériser et localiser précisément les cellules immunitaires dans les greffons a été réalisée. Les résultats ont démontré que les patients présentaient des signes précoces d’une forme particulière de rejet, dite « médiée par les anticorps », quasi invisibles avec les technologies de microscopie standard. Les chercheurs ont également observé des cellules inflammatoires dans les xénotransplants. Lors d’une transplantation humaine, s’il n’est pas traité à temps, ce type de rejet médié par des anticorps, évolue inéluctablement vers la perte du greffon à moyen ou long terme. Les chercheurs estiment qu’ils peuvent donc anticiper la même évolution lors d’une xénotransplantation. Loin d’être un frein pour le développement ultérieur de cette discipline, ces nouvelles données ont permis à l’équipe dirigée par le Pr Alexandre Loupy, d’identifier des cibles moléculaires pour optimiser les modèles de porcs génétiquement modifiés et les traitements immunosuppresseurs à administrer aux patients pour limiter le risque de rejet. Des modèles de porcs surexprimant des gènes qui permettent de limiter l’infiltration des greffons par les cellules de l’immunité innée sont déjà disponibles et seront à étudier plus en détail. De plus, le rejet médié par les anticorps étant bien connu en transplantation humaine, les traitements déjà existant pourront quant à eux être testés en xénotransplantation afin d’augmenter les chances de succès des prochains essais cliniques. « Cette étude ouvre de grandes perspectives pour aboutir un jour à transplanter des reins de porcs génétiquement modifiés chez des receveurs humains vivants, avec une survie des greffons acceptable à long terme. Les découvertes de ce travail ont été identifiées comme majeures par le National Institutes of Health (NIH), qui conçoit actuellement les futurs essais cliniques », précise le Pr Thierry Hauet. Les résultats de l’étude intitulée « Immune response after pig-to-human xenotransplantation : a multimodal phenotyping study » ont été publiés dans la renommée revue internationale, The Lancet.
[1] Le Pr Alexandre Loupy est néphrologue à l’hôpital Necker – Enfants malades AP-HP, directeur de l’unité 970 Approches multidimensionnelles en transplantation d’organe et directeur de l’Institut de transplantation multi-organes et de médecine régénératrice PITOR à Université Paris-Cité.
[2] L’unité mixte de recherche IRMETIST (INSERM/Université de Poitiers) appartient à l’Institut fédératif de recherche bio-santé de l’Université de Poitiers, à la Fédération hospitalo-universitaire SUPORT (SUrvival oPtimization in ORgan Transplantation) et au Réseau régional de recherche HR2S (Humain recomposé et reconstruit en santé)