La contraception en questions

Depuis 1967, date de promulgation en France de la loi Neuwirth qui légalisait la contraception, jusqu’à aujourd’hui, les pratiques contraceptives ont bien évoluées. De nos jours, les femmes peuvent choisir parmi plus d’une dizaine de contraceptifs. Mais cette variété de moyens contraceptifs est-elle vraiment connue du grand public ? Médecin coordonnateur du Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CEGIDD)[1] des infections sexuellement transmissibles du CHU de Poitiers, Tyffanie Houpert qui rencontre tous les jours des personnes en quête de solutions contraceptives, connaît parfaitement le sujet. Sa spécialité de médecin légiste à l’institut médico-légal de l’hôpital se révèle un atout au sein du service puisqu’un patient sur neuf a été victime d'une agression sexuelle.

Quelles sont les missions du CEGIDD ?

Le CeGIDD est le centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic du VIH, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Il assure des missions de santé publique dans la prévention et la lutte contre des infections mais également dans la prévention des autres risques liés à la sexualité par le biais d’une approche globale de la santé sexuelle. La contraception occupe une place relativement importante dans nos activités.

Les CeGIDD de la Vienne sont les seuls en France à être géré par un binôme médecin / sage-femme. La complémentarité de nos spécialités constitue un plus pour nos missions, notamment pour la contraception. Dans les autres centres, il s’agit d’un binôme médecin-infirmier.

Il est important qu’un utilisateur puisse identifier les lieux ressources et il semble indispensable que les différents acteurs puissent être visibles et se coordonner. Un travail conjoint est réalisé avec le CeGIDD et la PMI, COREVIH, AIDES et la future maison des adolescents.

Quelle est la zone d’actions du CeGIDD ?

L’antenne principale du CeGIDD est située à la Villa Santé sur le site de Poitiers, mais notre centre assure ses missions sur tout le département avec la présence de sages-femmes dans des antennes implantées dans les hôpitaux de Montmorillon, Châtellerault et Loudun. Je propose également des consultations un jour par semaine au Relais Georges Charbonnier. Même si le plus gros de l’activité est effectué à Poitiers avec près de 2200 consultations par an, les plus petites antennes en effectuent une centaine. A Poitiers, nous sommes parfaitement identifiés par la communauté LGBT, les consommateurs de drogues et les prostitués alors que nos antennes locales ont du mal à toucher ces populations. L’antenne de Loudun, située à proximité d’établissements scolaires, est davantage consultée par une population de mineurs que les autres antennes. Ceci est aussi le fait d’un travail appuyé et consciencieux de la sage-femme sur place par Linda Autson avec le partenariat de l’éducation nationale lui permettant d’intervenir au sein des établissements.

Quel type de public vient vous consulter pour des raisons liées à la contraception ?

Il s’agit majoritairement de femmes parmi lesquelles, un pourcentage moindre de mineures. D’un point de vue juridique, un mineur devrait être accompagné par un majeur de son choix, hors nos consultations sont anonymes. Aucun justificatif n’est nécessaire habituellement. Il apparait compliqué de demander une justification d’identité d’un mineur et d’un accompagnement sur le faciès seulement de la personne consultante. Un débat national est en cours sur l’obligation de cet accompagnement qui, pour moi, n’a pas de sens. Je trouve que demander à un mineur qui a eu le courage de s’adresser à nous, de venir accompagner par un adulte, est violent et intrusif. L’ensemble des instances se questionnent et le CHU se positionne pour un accompagnement bienveillant et autonomisant qui respecte l’individu.

La contraception est-elle donc l’affaire des femmes ?

Pour moi, la contraception doit être l’affaire des couples quel que soit celui qui la prend en charge. Mais dans la pratique, ce sont essentiellement les femmes. Dans le cas de nos consultations, l’homme ne s’implique pas en dehors de l’aspect financier ou parfois lors de grossesses. Nous avons eu tout de même la venue en consultation de deux couples qui recherchaient une meilleure solution contraceptive qui convienne aux deux. Il s’agissait de couples bien installés avec enfants au sein desquels l’homme a estimé que c’était maintenant à son tour de prendre en charge la contraception. Les deux hommes ont fait le choix d’injections hormonales, injections à faire tous les trois mois. Aujourd’hui, seul 0,5 % de la population masculine utilise des méthodes de contraception à la place de la femme. Même si ces chiffres sont encore faibles, on sent une prise de conscience de la gent masculine. Je préfère tout de même que la contraception concerne le couple et que celui-ci décide ensemble de la contraception qui convienne aux deux, limitant ainsi la charge et la responsabilité seulement sur les épaules de la femme.

Dans les années à venir, il devrait exister un développement thérapeutique de la contraception masculine – injection hormonale, les slips chauffants, etc – qui à l’heure actuelle ne représente qu’une part anecdotique dans le schéma contraceptif proposé.

Dans quelles situations en lien avec la contraception, les personnes viennent-elles vous consulter ?

Il peut s’agir de prescrire une contraception d’urgence après des rapports sexuels non protégés, de proposer un traitement préventif après la rupture d’un préservatif ou encore de trouver avec une personne, le contraceptif le plus adapté. Mais quelles que soient les raisons qui poussent une personne à venir consulter, nous allons l’orienter vers une contraception plus fiable pour elle, orientation essentielle notamment pour les jeunes qui ne savent pas toujours vers qui se tourner pour poser des questions sur ce sujet.

Beaucoup de jeunes personnes n’ont pas de médecin traitant, de sage-femme ou de gynécologue. Leur médecin traitant est le plus souvent le même que celui de ses parents. Soit il est bien à distance du lieu de résidence et la personne ne peut s’y référer, soit le jeune n’arrive pas à parler de ce sujet avec cette personne qu’il connait de longue date.

Une personne sur deux consultantes repart avec une ordonnance de préservatifs. A ce jour, deux marques de préservatifs externes (masculins) peuvent être prescrits, il n’y a pas de limite de nombre, toutes les tailles sont disponibles. Ainsi, la personne peut bénéficier d’une contraception mécanique « gratuite » autant que nécessaire en allant à la pharmacie avec cette ordonnance.

Nous essayons toujours de comprendre les attentes et besoins de nos consultants. Nous leur apportons la connaissance des différents moyens de contraception. Il existe un panel large de contraceptif, avec une fiabilité qui varie en fonction des moyens de contraception. A mon sens, la meilleure est celle qui sera choisie et acceptée par la personne en conscience.

Malgré la diversité des moyens de contraceptions, le trio gagnant est, d’après Santé publique France, le préservatif à l’entrée dans la sexualité, la pilule au moment de la mise en couple, remplacée par le dispositif intra utérin (DIU), une fois le nombre d’enfants désirés atteint. Avez-vous constaté cela ?

C’est effectivement ce que nous constatons. Le contraceptif le plus utilisé reste la pilule – sans doute dû à la simplicité d’utilisation et par habitude d’usage – mais le stérilet gagne du terrain. Les injections hormonales sur la femme, très en vogue en Angleterre, tendent à se développer. Nous avons également observé que les jeunes sont à la recherche de méthodes plus naturelles et refusent ce que l’on a imposé aux générations précédentes avec la prescription de la pilule comme premier choix et sont plus à l’écoute de leur corps.

La prédominance du préservatif, de la pilule et du DIU est peut être dû au manque d’informations de certains professionnels. La population est parfois plus informée que certains d’entre eux sur la sphère de la santé sexuelle. Je pense que beaucoup de professionnels apprendraient de leurs patients bien des choses : l’évolution de la société est marquée par un changement identitaire, un changement des besoins et des attentes en sexualité et un besoin d’être plus en accord avec l’environnement. Beaucoup trop de spécialistes abordent encore la contraception en prenant pour base les relations dites classiques où le couple est constitué d’un homme et d’une femme qui vont faire des enfants. Mais il existe aujourd’hui d’autres types de relation : homosexualité, transsexualité, les poly amoureux, le multi partenariat, la pratique anale, etc. Pour comprendre et répondre aux attentes de la population, il faut en saisir les codes. Un nouveau vocabulaire émergent ; les professionnels doivent s’en saisir pour en comprendre les tenants et aboutissants (cisgenre, queer, pansexuelle, etc).

Comment bien choisir sa méthode de contraception ?

Il n’y a pas de bonne ou mauvaise contraception. Lors des consultations, nous présentons le panel de moyens contraceptifs : diaphragme, spermicide, injections hormonales, préservatifs internes (anciennement appelés féminins) et préservatifs externes (anciennement appelés masculins), etc. Et le choix final est toujours celui du patient. Elle doit être la plus adaptée. C’est pourquoi la consultation commence par un entretien sur ses habitudes sexuelles, son ou ses partenaires, sur son état de santé et sur d’éventuels antécédents familiaux. Cela permet de bien orienter le choix en lui expliquant les points positifs et négatifs de chacun des moyens de contraception en fonction de ses réponses. Et puis, comme, je le précise à chaque fois, notre corps, notre esprit et nos modes de vie changent, le moyen de contraception peut également changer, et ce tout au long de notre vie.

Pensez-vous que les femmes d’aujourd’hui ont une assez bonne connaissance des moyens de contraception ?

La tranche d’âge entre 18 et 30 ans a une meilleure connaissance que ses ainées. La sexualité reste encore un sujet tabou dans notre société au lourd héritage patriarcale. Beaucoup trop d’idées reçues persistent : la sexualité c’est un homme et une femme qui auront des enfants, prescrire une contraception à un mineur est perçu comme une autorisation à la sexualité alors qu’il s’agit pour nous de le protéger d’une sexualité future. La prévention est basée sur la peur des grossesses. Je pense que les choses vont changer avec l’élan féminin du mouvement « Me too » qui va permettre d’ouvrir la voie à une autre façon de penser la sexualité. Nous sommes passés par le biais des violences faites aux femmes mais je suis certaine celles-ci reprendront confiance en elles.

Nous limiterons à mon sens cette vision et certaines agressions en éduquant l’Homme, pour vivre avec l’autre. Il ne faut pas limiter les clivages identitaires, c’est à la société entière d’évoluer.

Comment mieux faire connaître tous ces moyens de contraception ?

Nous devons nous ouvrir davantage et je pense que ce sont nos patients qui vont un peu nous amener à cela étant donné que ce sont eux qui nous mettent face à une autre sexualité. Nous devons nous adapter au plus près des nouvelles pratiques sexuelles. La contraception ne doit pas reposer uniquement sur le professionnel de santé parce que le jeune aujourd’hui s’informe sur d’autres médias, notamment les réseaux sociaux. L’information doit être accessible et libre sur les différents accès. Il faut multiplier les supports d’informations pour qu’ils arrivent à destination, qu’ils touchent la majorité de la population.

Pour en savoir plus sur les méthodes de contraception : site « Choisir sa contraception »

[1] Depuis 2016, les CEGIDD remplacent les centres de dépistages anonymes et gratuits et les centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles.