La dénutrition ?
Et si on en parlait !

Près de deux millions de personnes en France souffrent de dénutrition. Sa prévalence en milieu hospitalier est estimée entre 30 à 70% car encore majoritairement méconnue. Face à ces données, Le comité de liaison en alimentation et nutrition (CLAN) a décidé d’organiser des actions d’information et de sensibilisation sur le sujet le 18 novembre 2021 sur plusieurs sites du CHU de Poitiers.

La dénutrition en milieu hospitalier

La dénutrition représente l’état d’un organisme en déséquilibre nutritionnel caractérisé par un bilan énergétique et/ou protéique négatif (HAS 2019). Parmi les personnes les plus à risques, les personnes âgées, les personnes touchées par un cancer, une maladie digestive ou une affection chronique. La spécificité de cette pathologie est qu’elle invisible : on peut être obèse et dénutri. Elle n’est pas toujours identifiée alors qu’elle peut avoir des conséquences importantes telles que l’augmentation des risques de chute, de fracture, d’hospitalisation, de perte d’autonomie ou d’infections nosocomiales. A l’hôpital, un patient sur deux souffrirait de dénutrition ce qui retarde la guérison et augmente le risque d’infection en même temps que les coûts d’hospitalisation. Certains secteurs sont plus à risques comme la gériatrie ou la cancérologie. En gériatrie où les personnes âgées perdent peu à peu l’appétit avec l’âge, le poids fait l’objet d’une grande attention et des actions sont mises en place pour rendre les repas agréables, rehausser les goûts ou enrichir l’alimentation. Si elle est davantage concernée par des problèmes d’obésité, le Dr Mathilde Merckx Fraty, médecin endocrinologue, s’occupe depuis maintenant deux ans environ de patients souffrant de dénutrition avec le Dr Marie Flamen d’Assigny, également médecin endocrinologue[1] : « Nous voyons des patients dénutris adressés en préopératoire par les collègues de chirurgie concernant la chirurgie carcinologique digestive ou urologique. Il s’agit de dépister et de prendre en charge de façon adaptée et précoce une éventuelle dénutrition chez ces patients à risque avant de les opérer. Lorsqu’ils présentent une dénutrition sévère, nous pouvons les prendre en charge dans notre service pour mettre en place la nutrition artificielle si elle est indiquée. Ensuite, dans le cadre de l’unité transversale de nutrition, nous les suivons sur le plan nutritionnel en postopératoire dans le service de chirurgie ». Il s’avère que tous les services hospitaliers peuvent être concernés par la dénutrition.

Dépister pour traiter

Au vu des conséquences graves que peut entrainer la dénutrition, la Haute Autorité de santé en a fait une priorité de santé publique. Il faut prévenir et traiter la dénutrition non seulement chez les personnes à risques mais également sur le reste de la population. Et cela est encore plus vrai en milieu hospitalier où la prise en charge de la dénutrition est très insuffisante. Pour cela, il est essentiel de sensibiliser le personnel soignant de tous les services de l’hôpital à cette problématique. Afin de faciliter le dépistage de la dénutrition, l’HAS a défini des critères d’évaluation qui prennent en compte l’indice de masse corporelle, la vitesse de la perte de poids et le taux d’albumine. Ces critères sont adaptés en fonction de l’âge de la personne selon qu’elle ait plus ou moins de 70 ans. Même si les causes de la dénutrition sont variables, des actions peuvent être mises en œuvre assez rapidement pour la prendre en charge, et adaptée selon le degré de sévérité de la dénutrition : ajuster l’alimentation, l’adapter aux goûts du patient pour stimuler son appétit, enrichir les plats, etc. Si rien n’y fait, les spécialistes peuvent avoir recours à la mise en place d’une nutrition artificielle par voie entérale ou parentérale. Et comme cela est le cas pour une grande majorité des pathologies, dépistée précocement la dénutrition peut être prise en charge rapidement.

Lutte contre la dénutrition au CHU de Poitiers

Au sein du CHU de Poitiers, le CLAN a pour mission d’améliorer le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels chez les patients hospitalisés. Cette structure pluridisciplinaire, transversale et consultative associe des médecins, du personnel paramédical, des professionnels de la restauration et la direction générale. Le Dr Merckx Fraty et le Dr Amélie Jamet, respectivement présidente et membre du CLAN, soulignent l’importance de sensibiliser le personnel soignant à la dénutrition, pathologie encore insuffisamment prise en considération dans certains services dits moins à risques. « La dénutrition est un sujet vaste et difficile. Et il est vrai que dans les services, l’attention est portée davantage à la prise en charge de la pathologie aigue, la dénutrition n’étant pas toujours prise en considération comme soin à part entière. » Tout au long de l’année, le CLAN mène des actions pour que l’état nutritionnel des patients soit bien évalué. Dans le cadre de la semaine nationale de la dénutrition, soutenue par le Comité de lutte contre la dénutrition et l’ARS Nouvelle-Aquitaine, le CLAN a décidé d’installer un stand d’information dans le hall de Jean-Bernard le 18 novembre de 11h à 16h. Destiné en priorité au personnel hospitalier, ce stand permettra de sensibiliser le grand public à la problématique de la dénutrition. Une diffusion de documents à destination du personnel y sera organisée. Des manifestations similaires sont prévues sur les sites de Montmorillon et de Châtellerault.

[1]Les deux spécialistes accueillent également des patients avec des troubles alimentaires comme l’anorexie mentale qui ne bénéficiaient avant de suivi au CHU de Poitiers.