La polypose nasosinusienne est une maladie inflammatoire chronique qui, bien que bénigne, peut se révéler invalidante pour les patients. Au CHU de Poitiers, le Pr Xavier Dufour, chef du service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, et le Dr Florent Carsuzaa, chef de clinique assistant, traitent et mènent des recherches sur cette pathologie encore trop peu étudiée.
Un nouveau traitement proposé au CHU de Poitiers
La polypose nasosinusienne est une maladie chronique inflammatoire de la muqueuse des fosses nasales et des sinus qui touche près d’un million de personnes en France. Elle est à l’origine de l’apparition de polypes bilatéraux qui obstruent les cavités nasales. Le patient peut alors avoir des symptômes tels qu’une obstruction nasale, un écoulement nasal, des troubles du goût et de l’odorat et des douleurs faciales. « Il s’agit de symptômes invalidants qui altèrent fortement la qualité de vie des personnes atteintes », souligne le Pr Dufour. La polypose nasosinusienne peut toucher des patients avant 30 ans mais elle apparait plutôt entre 40 et 50 ans. Si son origine reste pour l’heure inconnue, nous savons qu’elle est souvent associée à d’autres maladies inflammatoires telles que l’asthme[1]. Pour l’instant, les traitements existants ne permettent pas d’en guérir mais servent à améliorer la qualité de vie. Ils sont différents selon le stade de la maladie. En premier lieu, il s’agit de corticothérapie locale continue sous formes de spray à laquelle sont ajoutés des lavages de nez quotidiens avec du sérum physiologique ou de l’eau de mer. Lorsque ces traitements ne suffisent plus à contrôler la maladie, on passe au traitement chirurgical. « C’est une chirurgie qui se fait par voie endonasale sous anesthésie générale. Nous allons opérer le patient pour enlever les polypes et ouvrir grandement toutes les cavités sinusiennes. Cela permet de soulager les symptômes et que les sprays de corticoïdes pénètrent dans l’ensemble des fosses nasales », explique le Dr Carsuzaa. On en pratique en moyenne quatre par mois au CHU de Poitiers. Un nouveau traitement, est proposé au CHU de Poitiers, centre de recours, depuis décembre 2021, lorsque la chirurgie n’a pas permis de contrôler la pathologie. Il s’agit de biothérapie dont l’action est plus ciblée. Elle va agir directement sur la cascade de l’inflammation empêchant ainsi la formation des polypes. La biothérapie est administrée par voie injectable sous-cutanée tous les 15 jours. La première injection se fait en milieu hospitalier. « C’est quelque chose qui est assez révolutionnaire dans la prise en charge de la polypose. Les patients ont une amélioration assez spectaculaire en quelques jours. Les polypes réduisent considérablement de taille jusqu’à disparaitre. Les patients n’ont plus le nez bouché et ils retrouvent l’odorat ». Pour justifier et valider une décision de traitement par biothérapie, une réunion de concertation pluridisciplinaire régionale a été mise en place par le CHU de Poitiers avec des établissements de l’ancienne région du Poitou-Charentes : La Rochelle, Rochefort, Niort, Angoulême et des ORL libéraux. « Parce que la polypose est souvent associée à l’asthme, nous sommes accompagnés par le Dr Marion Verdaguer, médecin pneumologue », précise le Pr Dufour.
Une recherche dynamique
C’est justement le développement de la biothérapie pour le traitement de la polypose qui a mené le Pr Dufour et le Dr Carsuzaa[2] à engager une démarche de recherche fondamentale sur cette pathologie sur laquelle très peu de chercheurs se sont penchés. Avec le Pr Jean-Claude Lecron et le Dr Laure Favot, ils forment une équipe de recherche au sein du laboratoire inflammation, tissus épithéliaux et cytokines dirigé par le Pr Franck Morel (LITEC-UR15560). L’équipe est parvenue à instaurer une véritable dynamique de recherche dans ce domaine. Elle a développé des collaborations avec le laboratoire INSERM de Créteil, laboratoire moteur au niveau national dans la recherche sur la polypose nasosinusienne. « Notre recherche a pour but de comprendre comment la pathologie fonctionne au niveau moléculaire afin que l’on puisse trouver de nouvelles cibles pour de nouveaux traitements de biothérapie. Il y en a peu pour l’instant et nous savons d’emblée qu’il n’aura pas d’effet sur certains patients. Il est donc essentiel de développer de nouveaux traitements ». Dans le cadre de recherches cliniques, l’injection de la biothérapie se fait dans un parcours de soins plus global dans lequel les spécialistes font d’autres explorations comme des explorations de l’odorat ou de l’obstruction nasale.
[1] Près de 40 % des patients atteints de polypose nasale ont un asthme associé.
[2] Après des études de médecine à Bordeaux, Florent Carsuzaa a intégré le CHU de Poitiers pour faire son internat durant lequel il a obtenu un master de biologie. Il est chef de clinique depuis novembre 2021 dans le service d’ORL et chirurgie cervico-faciale. Il prépare une thèse de sciences sur les médiateurs inflammatoires impliqués dans la polypose.