Chaque année, en France, environ 50 000 patients subissent une ablation de la thyroïde (thyroïdectomie). Au CHU de Poitiers, cela représente environ 400 opérations par an.
Aujourd’hui, le CHU fait partie des leaders français et européens en termes d’innovation et de qualité chirurgicale dans le domaine de la chirurgie endocrinienne. Le CHU de Poitiers a d’ailleurs été classé en 8e position parmi les hôpitaux français par Le Point dans la catégorie du traitement des cancers de la thyroïde.
Bien qu’assez courante, cette chirurgie peut, dans certains cas, entraîner des complications. C’est dans ce contexte qu’en 2020, le Dr Gianluca Donatini, chirurgien viscéral au sein du service de chirurgie digestive du Pr Jean-Pierre Richer et de l’unité de chirurgie endocrinienne du Pr Jean-Louis Kraimps, a présenté à la commission innovation du CHU de Poitiers un projet d’étude clinique ayant pour objectif de prévenir les complications et de diminuer le temps d’hospitalisation des patients opérés de la thyroïde.
La thyroïde est une glande située à l’avant du cou qui produit les hormones thyroïdiennes, dont notre corps a besoin pour se réguler. Il est fréquent que des nodules, petites tumeurs, apparaissent sur celle-ci. Ils sont la plupart du temps bénins, mais ils peuvent grossir, voire évoluer en cancer. Il est alors nécessaire d’enlever une partie ou la totalité de la thyroïde : c’est la thyroïdectomie.
La thyroïdectomie peut engendrer trois types de complication : hémorragie, lésion des parathyroïdes, et lésion des nerfs récurrents.
Parathyroïdes et Fluobeam
L’une des difficultés auxquelles sont confrontés les chirurgiens lors d’une thyroïdectomie est la proximité des parathyroïdes, des petites glandes associées à la thyroïde, qui régulent le taux de calcium dans le sang. Ces glandes sont de très petite taille, quelques millimètres à peine, et peuvent donc être difficiles à identifier.
Or, la lésion, voire l’excision des parathyroïdes entraîne un déficit en calcium chez le patient et nécessite la prise d’un traitement médical, de manière transitoire, ou de manière permanente.
Ce projet porté par le Dr Gianluca Donatini s’est construit autour de l’outil Fluobeam, qui a tout d’abord été prêté au CHU pour une durée de 30 jours par la société Fluoptics. La commission innovation du CHU a ensuite financé l’achat de ce matériel, ce qui en fait le 5e centre en France doté du Fluobeam, et le seul en Nouvelle-Aquitaine.
Ce dispositif d’imagerie innovant fonctionne sur la base d’une caméra à infrarouges qui permet d’identifier plus facilement les parathyroïdes et leurs liaisons vasculaires. En effet, ces glandes, à l’instar de nombreuses structures biologiques, émettent naturellement de la lumière infrarouge : c’est l’autofluorescence. La caméra du Fluobeam permet de visualiser ce phénomène pendant la chirurgie, et d’éviter ainsi d’endommager les parathyroïdes.
A ce jour, le Dr Donatini a eu l’occasion d’opérer une trentaine de patients, et il a déjà pu observer une réduction du taux de complications.
Cordes vocales et monitoring
La proximité de la thyroïde avec les nerfs des cordes vocales, que l’on appelle les nerfs récurrents, constitue une difficulté supplémentaire lors de la chirurgie et peut être la cause de complications, allant d’une gêne vocale temporaire à un trouble respiratoire post-opératoire, nécessitant une intervention médicale.
Le CHU utilise le système de neuromonitorage NIM 3.0 de la société Medtronic, qui permet de repérer les nerfs récurrents pendant l’opération et d’éviter ainsi toute lésion accidentelle. Cet outil a fait l’objet d’un second projet présenté par le Dr Donatini et évalué favorablement par la commission innovation du CHU de Poitiers, ainsi que d’un projet dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) présenté en 2020.
Thyroïdectomie et chirurgie ambulatoire
Grâce à l’engagement du CHU et à son investissement dans du matériel perfectionné et innovant, le taux de complication lors des interventions de thyroïdectomie, tant au niveau des parathyroïdes qu’au niveau des nerfs récurrents, a été sensiblement réduit, au point que le Dr Donatini a pour projet de demander l’ouverture de cette chirurgie en ambulatoire, ce qui signifierait que les patients pourraient rentrer à leur domicile dans la journée. Ce mode d’hospitalisation permettrait à la fois de baisser les coûts d’hospitalisation, d’augmenter le confort du patient qui pourra rentrer dormir à son domicile, et de limiter les risques d’infections nosocomiales.
La chirurgie ambulatoire serait toutefois réservée aux patients jeunes, dont la thyroïde est de petite taille.