Le prélèvement à coeur arrêté, une nouvelle étape pour pallier la pénurie d’organe

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Le CHU de Poitiers s’apprête à recevoir l’homologation de l’Agence de biomédecine pour procéder à des prélèvements d’organes à cœur arrêté. Une démarche dite "Maastricht III" qui autorise le prélèvement d’organes sur des patients en arrêt cardiaque suite à une décision thérapeutique de limitation des soins. Cette procédure répandue au niveau européen reste, actuellement, marginale en France. Le CHU de Poitiers est le quatrième centre référencé, le seul où s’opéreront des prélèvements pulmonaires. Objectifs : faire face à la pénurie de greffons et augmenter le nombre des transplantions rénales et pulmonaires sur le territoire régional et national.

On le sait : les besoins en greffons (reins, poumons et foie principalement) ne cessent de croître. Chaque année, le nombre de patients en attente de greffe progresse. “5 000 greffons sont prélevés chaque année, alors que les besoins sont trois fois supérieurs”, rappelle le Dr Michel Pinsard, responsable de la coordination des prélèvements au CHU de Poitiers. En France, 95 % des greffes émanent de donneurs cadavériques, en état de mort encéphalique. Quelque 10 % proviennent de donneurs vivants. Pour tenter de pallier la pénurie d’organes, la loi française autorise, depuis 2005, le prélèvement d’organe sur patient à cœur arrêté. Un prélèvement qui concerne les patients présentant un arrêt cardio-respiratoire persistant, victimes d’un malaise sur la voie publique ou à l’hôpital par exemple (lire encadré). Depuis près d’un an, l’Agence de biomédecine a donné l’autorisation à quatre centres, dont le CHU de Poitiers en novembre dernier, de procéder à des prélèvements sur patient à cœur arrêté (âgé de moins de 60 ans) après une décision d’arrêt des soins de réanimation. Ce prélèvement est appelé “Maastricht III” et peut concerner des donneurs dits “marginaux”, atteints de pathologies lourdes, qu’elles soient traumatiques ou systémiques.

Au CHU de Poitiers, les prélèvements concerneront deux organes : les reins et les poumons. Poitiers est (sera) le seul centre à pratiquer des prélèvements de type “Maastricht III” au sein de la fédération hospitalo-universitaire. Délais et modalités sont strictement réglementés. Pour le prélèvement pulmonaire, l’intervention doit avoir lieu dès le décès constaté. Les poumons seront adressés à l’hôpital Foch de Suresnes, où une équipe assure une réhabilitation ex-vivo des deux greffons pulmonaires, en vue d’une transplantation chez les patients atteints de mucoviscidose. “L’option choisie pour les prélèvements rénaux est celle de la réhabilitation d’organe avec la mise en place d’une circulation régionale normo-thermique, pour lutter contre la phase d’ischémie du rein”, développe le Pr Christophe Jayle, chirurgien cardio-thoracique.

Questions éthiques
Une technique qui a fait ses preuves sur modèle porcin au sein de l’unité Inserm 1082, dirigée par le Pr Thierry Hauet, unité qui mène un important travail de recherche sur les donneurs marginaux. “Avec la mise en place de la circulation extracorporelle, la survie du greffon est bien meilleure chez le transplanté.”
La décision d’arrêt thérapeutique (ou limitation thérapeutique) est prise lors d’une réunion pluridisciplinaire et en accord avec la famille. Une fois cette décision acceptée par les proches, le don d’organe est abordé lors d’entretiens menés par l’équipe de coordination des prélèvements. “Si le donneur ne s’était pas opposé de son vivant à un don d’organes post mortem et que la famille donne son accord, la démarche du prélèvement est engagée, après vérification de noninscription du défunt sur le registre national des refus”, détaille le Dr Pinsard, en conformité avec la loi Cavaillet de 1976 sur le don d’organes.

Mais le protocole “Maastricht III” soulève des questions éthiques. La concomitance entre l’arrêt des soins et le prélèvement d’organes peut générer des suspicions pour les familles. Le cadre légal est très strict, insiste le Dr Pinsard. “Pour des raisons de conflit d’intérêts évident, il y a une scission complète et étanche entre l’équipe de réanimation, qui gère l’arrêt thérapeutique, et l’équipe de la coordination des prélèvements qui intervient ensuite auprès des familles.”

Au CHU de Poitiers, la mise en place de ce projet “ambitieux” a nécessité une forte coordination entre les équipes médicales de réanimation médicale et chirurgicale, de coordination des prélèvements, de chirurgie cardio-thoracique, d’urologie et néphrologie. Un bloc opératoire adapté à été choisi, disposant d’un environnement permettant à la famille de rester à côté de leur proche durant la phase d’arrêt des traitements de réanimation jusqu’à la survenue de l’arrêt cardiaque. “Avec cette nouvelle approche, on espère augmenter le nombre de transplantations rénales en Poitou- Charentes et de transplantations pulmonaires sur l’ensemble du territoire.” Le prélèvement “Maastricht III” devrait permettre 10 transplantations pulmonaires supplémentaires et 20 à 30 transplantations rénales en plus chaque année au CHU de Poitiers. Pour mémoire, le taux de prélèvements rénaux est aujourd’hui de 35 prélèvements par million d’habitants en Poitou-Charentes.

Les classifications de Maastricht

Stade 1 : arrêt cardiaque dans la rue ou à domicile, constaté en dehors de tout secours médical ou paramédical.
Stade 2 : arrêt cardiaque en présence de secours qualifiés.
Stade 3 : arrêt cardiaque suite à l’arrêt programmé des soins.

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