Nous connaissons tous l’hélicoptère jaune du SAMU qui sillonne notre territoire. Son équipe de pilotes et d’assistants de vol se relaie jour et nuit pour porter secours aux patients du département, et au-delà. Nous sommes allés à leur rencontre afin de leur poser des questions sur ces métiers peu banals.
Au CHU de Poitiers, l’équipe de l’héliport est composée de cinq pilotes et de cinq assistants de vol, employés par la société Babcock, qui gère la plateforme depuis 2017. « La majorité de nos pilotes vient de l’Armée », indique Jean-Christophe Waltzer, le responsable de base au CHU de Poitiers. En effet, l’Armée a pendant beaucoup d’années endossé un rôle de formation dans le milieu du pilotage, notamment pour les hélicoptères. « Au bout d’un moment, on a envie de voir autre chose et de mettre à profit notre expérience au service des gens ».
Pilotes et assistants de vol, la complémentarité au service des patients
Les équipes du CHU de Poitiers travaillent en binôme pilote/assistant de vol, par tranche de 12h. « On a une équipe de jour et une équipe de nuit, et cela tourne au sein du pool », le tout sur des durées d’une semaine. Les équipages sont logés sur place lors de leur semaine travaillée, puis rentrent chez eux lors de leur semaine de repos : « j’aime beaucoup cette alternance », souligne Laurent Valette, pilote au CHU depuis 2017, « quand je suis au boulot, je suis au boulot, et quand je rentre à la maison, je peux être présent à 100% pour ma compagne et mes enfants ». Cette séparation nette entre la vie professionnelle et la vie personnelle est d’autant plus importante que le métier de pilote demande une concentration totale pendant les interventions, « on transporte des passagers, on ne doit donc prendre aucun risque ».
Le métier d’assistant de vol, quant à lui, n’a été créé que très récemment, en 2016, face à l’évolution du métier de pilote d’hélismur : vols de nuit, distances de plus en plus longues, accumulation de tâches simultanées… « Il était vraiment nécessaire de créer cette fonction, pour éviter l’hypovigilance », ainsi le pilote peut se consacrer pleinement à sa fonction première : le pilotage.
Lorsque la profession a été créée, beaucoup d’ambulanciers se sont portés candidats, et la formation s’est ensuite structurée. « La société sélectionne des candidats, qui ont en général déjà une expérience de vol, puis elle les forme en interne, avec l’appui de l’Aviation civile ». Se repérer sur une carte, un GPS, tenir le stationneur…. « C’est une nouvelle façon de réfléchir l’espace, qui demande beaucoup de coordination ».
L’assistant de vol remplit des missions très variées. Au sol, il est chargé du conditionnement de l’appareil : il fait le niveau de carburant, prépare le matériel à l’intérieur, nettoie l’extérieur de l’hélicoptère… Au cours des interventions, bien qu’il ne réalise pas de geste médical, il épaule l’équipe du SAMU en aidant à transporter le matériel ou à déplacer les blessés. Pendant le vol, il seconde le pilote en surveillant les indicateurs du tableau de bord et les alentours de l’hélicoptère. La formation des assistants de vol reflète d’ailleurs cette polyvalence avec l’apport de notions d’aéronautique et de secourisme.
Au top de la forme
Pour le pilote comme pour l’assistant de vol, des tests de connaissances et des formations sont régulièrement organisées, « on ne peut pas se reposer sur ses acquis », souligne Laurent Valette. Ces formations durent en général un ou deux jours, mais nécessitent une préparation importante en amont. Des tests sont également effectués régulièrement par internet, « les questions posées dans les questionnaires sont très pointues, pour nous pousser à chercher dans la documentation ». La formation et l’auto-formation sont permanentes dans ces métiers, d’autant plus que les procédures sont sans arrêt ré-actualisées.
La forme physique des équipages est également surveillée de très près, avec des visites médicales régulières. Le médecin surveille particulièrement les défauts de la vision, la bonne santé cardiaque, mais aussi l’oreille interne et les problèmes de dos.
Tous les matins, la forme des agents est également mesurée grâce à un questionnaire : qualité du sommeil, forme physique, maux du quotidien, tout est passé au crible, pour garantir la sécurité de tous, équipage comme patients.
Mobilisation de l’hélicoptère : un circuit millimétré
Ce sont les assistants de régulation du centre 15 qui décident ou non de demander la mobilisation de l’hélicoptère sur les interventions, selon l’urgence de la situation, mais également selon le temps d’indisponibilité de l’équipe médicale.
Les interventions peuvent être de deux natures : primaires et secondaires. Les interventions primaires sont l’intervention directement sur les lieux des accidents, sur tout le territoire de Poitou-Charentes, bien que le Dragon 17 de la Sécurité civile prenne le relais sur la plupart des interventions en Charente-Maritime. Les interventions secondaires sont les transferts de patients d’un établissement de santé à un autre. Pour celles-ci, comme pour les interventions primaires, l’hélicoptère se déplace principalement vers les établissements de santé de Poitou-Charentes, et parfois également vers les CHU de Tours, Nantes ou Bordeaux.
Lors d’un appel de la régulation, c’est au pilote de déterminer si les conditions météorologiques permettent le vol, en prenant en compte les conditions au décollage, mais aussi pendant le vol et au retour, « cela provoque parfois des discussions un peu vives avec la régulation », souligne Laurent Valette, « il peut y avoir un grand ciel bleu au CHU, et on doit malgré tout refuser le vol car les conditions ne sont pas bonnes sur les lieux de l’intervention ». Pour étudier ces conditions météorologiques, les pilotes sont en contact avec les prévisionnistes, qui disposent d’outils performants de mesure, « mais malgré cela, il reste toujours des incertitudes, on se doit de prévoir une marge de sécurité ».
Si les conditions sont réunies, le pilote prépare ensuite le trajet en repérant la zone d’intervention et notamment en déterminant une zone d’atterrissage : « il vaut mieux perdre quelques minutes avant de décoller plutôt que d’arriver sur place sans savoir où l’on va atterrir », souligne Jean-Christophe Waltzer. La tâche est encore plus difficile de nuit, les zones d’atterrissage autorisées étant très restreintes « uniquement les stades références et éclairés ».
Il faut ensuite calculer le carburant nécessaire pour aller sur les lieux et revenir. Sur les hélicoptères, le poids est au cœur des décisions, pour garantir la sécurité du vol. « On pèse tout, de l’équipe au matériel, en passant bien sûr par le carburant », explique Laurent Valette. Le plein n’est donc pas fait à chaque intervention. « On remplit ce que l’on appelle le plein d’alerte, qui nous permet de partir très rapidement sur des interventions proches, après une simple vérification ». Le nouvel hélicoptère du SAMU 86, mis en service en octobre 2020, permet un plein d’alerte beaucoup plus important que l’ancien appareil, « on vérifie toujours nos calculs, mais il est rare que l’on soit obligés d’ajouter du carburant pour des interventions en primaire », ce qui constitue une réelle avancée pour les équipes.
Lors des interventions, l’équipage de l’hélicoptère peut apporter une aide non-médicale à l’équipe du SAMU, comme apporter le matériel auprès des victimes ou aider au transport des blessés. « Le plus important, c’est de conserver notre concentration pour le vol du retour », indique Laurent Valette, ce qui nécessite parfois de se mettre en retrait lors de l’intervention. « A l’Armée, beaucoup d’entre nous ont déjà vécu des situations stressantes, on y est déjà un peu préparés », ajoute-t-il, mais malgré cela, certaines situations peuvent être déstabilisantes. « Il faut réussir à prendre du recul et rester concentré », ajoute Jean-Christophe Waltzer.
Des renforts ponctuels
Babcock fait parfois appel à des pilotes et assistants de vol renforts, pour les périodes de congé notamment. Nous avons rencontré deux d’entre eux, qui effectuaient un remplacement à la mi-novembre dans notre établissement : Nadine Oya, pilote, et Daphné Freby, assistante de vol. C’était la première fois qu’elles travaillaient ensemble, « c’est agréable d’être entre filles », soulignent-elles. Il est en effet rare d’observer un équipage totalement féminin dans le milieu du pilotage d’hélicoptère.
Pour Nadine, la vocation est arrivée assez tôt, au cours de l’adolescence, mais son entourage a essayé de l’en dissuader. « C’est finalement ce qui m’a poussé à persévérer ». Cela fait maintenant une vingtaine d’années que Nadine est pilote. Elle effectue des missions de transport sanitaire, comme au CHU de Poitiers, mais également d’autres types de missions. « J’ai fait du transport privé, de l’off-shore sur des plateformes pétrolières, du treuillage dans les ports…. C’est très varié, et c’est ce qui me plaît ! ». Daphné est quant à elle nouvellement arrivée dans la profession « j’en suis à une quinzaine d’heures de vol ».
Pour toutes les deux, le milieu du pilotage d’hélicoptère, c’est avant tout une passion. « L’hélicoptère, c’est la liberté ! ». Liberté de se poser où l’on veut, à la différence de l’avion, mais liberté aussi dans le mode de vie. « On bouge sans arrêt, dans toute la France ». Si cet aspect est pour elles positif, elles sont conscientes qu’il est un frein pour bon nombre de personnes, et participe au faible nombre de femmes au sein de la profession. « C’est difficile d’avoir une vie de famille classique avec un métier comme le nôtre ». Des conditions d’exercice qui demandent des sacrifices, mais qui permettent une très grande diversité de missions, d’équipements et de rencontres humaines.