Médecine : faire reculer l’infertilité

Paillettes de sperme congelées dans de l’azote liquide au centre d’assistance médicale à la procréation.

Le centre d’assistance médicale à la procréation du CHU de Poitiers met en oeuvre toutes les méthodes d’assistance médicale à la procréation : insémination intra-utérine, fécondation in vitro classique et fécondation par micro-injection (ICSI). Diagnostic et prise en charge de l’infertilité mais aussi préservation de la fertilité : depuis janvier, l’équipe, pluridisciplinaire compte un nouveau médecin, le Dr Philippe Grivard, qui vient renforcer le pôle biologie du centre.

“C’est un parcours difficile, psychologiquement et physiquement, pour les couples. La taille de notre centre permet d’humaniser la prise en charge. Nous sommes un centre de proximité : à chaque niveau du service, nous connaissons nos patients. Notre objectif est d’aller dans leur sens, en personnalisant la prise en charge pour optimiser les protocoles”, résume le Dr Diane de Montlaur, coordinatrice du centre d’assistance médicale à la procréation (AMP) du CHU de Poitiers.

Le centre, dirigé par le Pr Xavier Fritel, gynécologue, fête cette année les dix ans du premier bébé né par fécondation in vitro (FIV) en 2008. Depuis, l’activité du centre d’AMP n’a de cesse d’augmenter. Quelque 200 nouveaux couples y sont accueillis, 350 ponctions en vue d’une FIV et 70 cycles pour insémination intra-utérine réalisés chaque année, ce qui en fait un centre dans la moyenne nationale en termes d’activité. Les résultats y sont très satisfaisants. “En termes de bébé à la maison, pour les couples engagés dans cette démarche, la moyenne nationale se situe à 21% de chance. Ici, en 2016, le chiffre s’élève à 27 % et, pour 2017, nous allons dépasser les 30 %. Soit une chance sur trois d’avoir un bébé.”

Insémination intra-utérine, fécondation in vitro classique et fécondation par micro-injection intra-cytoplasmique du spermatozoïde (ICSI) : c’est un staff pluridisciplinaire (cliniciens, biologistes, sages-femmes, psychologue), qui se réunit chaque semaine et décide collectivement des traitements et protocoles adaptés à chaque patiente, du nombre d’embryons et de la stratégie de transfert, en fonction des paramètres du couple, féminins et masculins. “L’AMP est une activité clinico-biologique”, rappelle le Dr Philippe Grivard. “Il y a une réflexion commune pour chaque dossier, à chaque niveau du parcours”, complète le Dr Stéphanie Robert-Bitaudeau. La présence d’un psychologue au sein de l’équipe permet “d’humaniser” un parcours très médicalisé, par des entretiens individuels et des groupes de paroles réguliers. A noter, des consultations sont proposées à Châtellerault et Montmorillon, avec les Dr Caroline Poudou et Stéphanie Robert-Bitaudeau.

Une spécificité du centre poitevin : un taux de grossesse gémellaire faible, en accord avec les recommandations de l’Agence de biomédecine. ” C’est une stratégie du centre : une politique de transfert d’embryon unique. Nous privilégions la santé du bébé et de la maman, les grossesses gémellaires favorisant les risques de retard de croissance et de prématurité mais aussi des risques de complications pour la mère. C’est un message que nous nous efforçons de faire comprendre aux couples”, précise le Dr de Montlaur. Le centre d’AMP poitevin fait ainsi partie des dix centres nationaux (sur 107 centres FIV en France) avec les plus bas taux de grossesses gémellaires.

Une nouvelle activité : la préservation de la fertilité
Pour faire face au besoin “énorme” en matière d’auto-conservation et de préservation de la fertilité, le Dr Philippe Grivard a rejoint l’équipe, du côté biologie, aux côtés de Muriel Rousseau, biologiste et responsable du laboratoire d’AMP, et du Dr Anne-Sophie Neyroud, assistante. Une activité nouvelle pour le centre, ouverte en 2016 pour les hommes et 2017 pour les femmes. Les indications principales, pour les hommes, sont tous les traitements gonadotoxiques avant chimiothérapie et certaines intervention chirurgicales, type vasectomie. Chez les femmes, les indications concernent la préservation des ovocytes avant chimiothérapie, dans le cadre des traitements gonadotoxiques pouvant compromettre une maternité future, mais également, pour 30 % des patientes du centre, les cas d’endométriose sévère, avant chirurgie. En lien avec les endocrinologues pédiatres du CHU, le centre d’AMP accueille également les jeunes femmes atteintes du syndrome de Turner, une insuffisance ovarienne prématurée entraînant une ménopause très précoce.

Les techniques de préservation de la fertilité féminine sont la congélation des ovocytes par vitrification (technique de congélation ultrarapide autorisée en France depuis 2011) mais également congélation de fragment de cortex ovarien (indiqué pour des femmes pubères et prépubères devant démarrer une chimiothérapie en urgence). Pour les hommes, la congélation de spermatozoïdes existe en France depuis les années 70.

L’importance d’une prise en charge précoce
Un couple est considéré comme infertile s’il n’a pas pu concevoir d’enfant après 12 à 24 mois de tentatives. “Après un an de tentatives sans contraception, il faut prendre contact avec le centre d’AMP pour convenir d’une première consultation”, pointent les praticiens, soulignant la nécessité d’une prise en charge précoce dans un parcours long et fatigant pour le couple.

“Nous sommes face à deux tendances : les femmes font des enfants de plus en plus tard. Or, après 35 ans, il existe un déclin de la qualité des ovocytes qui augmente significativement le risque d’infertilité. Et nous recevons également de plus en plus de couples jeunes avec des anomalies de la fertilité”, relève Diane de Montlaur. Indépendamment des causes génétiques ou constitutionnelles, il existe des facteurs environnementaux pouvant avoir une incidence sur la fertilité : les professions à risque (dans le cas d’exposition à de la chaleur, aux solvants, aux pesticides, à certains polluants organiques persistants tels que les PCB et métaux lourds…), le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, la prise de stéroïdes… Mais aussi les perturbateurs endocriniens et l’alimentation, des axes de recherche à l’avenir.

Une activité réglementée et encadrée

Rappelons que l’assistance médicale à la procréation est, aujourd’hui, réservée aux couples hétérosexuels. L’assurance maladie prend en charge les frais liés à 100 %, dans la limite de six inséminations artificielles et quatre fécondations in vitro, jusqu’à obtention d’une grossesse échographique, et ce, jusqu’à l’anniversaire des 43 ans de la femme et 60 ans de l’homme. En débat, au cours de la révision des lois de bioéthique à l’automne prochain : l’ouverture du centre aux femmes seules et aux couples homosexuels.

Article issu du CHU magazine n°76.