Il est plus petit qu’un téléphone portable et pourtant le dernier séquenceur haut débit acquis par le laboratoire de virologie du CHU de Poitiers, le MinION, se révèle être un outil très performant pour traquer les variants.
Au début de l’année 2021, les pouvoirs publics ont mobilisé les laboratoires hospitaliers afin de surveiller l’émergence et la circulation des variants du SARS-CoV-2. Le laboratoire de virologie du CHU de Poitiers s’est donc adapté pour un suivi épidémiologique plus précis en adoptant des techniques d’identifications reposant sur le séquençage de tout ou partie du génome du SARS-CoV-2.
Dans un premier temps, il s’agissait d’appliquer au SARS-CoV-2 une méthode utilisée en virologie pour le génotypage des souches de VIH à la recherche de résistance aux traitements, la méthode dite de Sanger. Cette technique recherche, à des endroits précis du génome du virus, les mutations caractéristiques des différents variants qui sont principalement comprises dans le gène codant la protéine S présente à la surface du virus et cible principale de la réponse immunitaire. C’est par ce biais que les premiers cas de variant sud-africain ont été détectés début février dans le département de la Vienne. Mais cette méthode de séquençage a ses limites puisqu’elle ne permet de séquencer qu’une toute petite partie du génome du virus. Pour une surveillance épidémiologique plus efficace, il est essentiel d’étudier le génome dans sa globalité.
Dès février 2021, le laboratoire de virologie s’est tourné vers le séquençage à haut débit, déjà pratiqué par le Dr Maxime Pichon pour l’analyse du microbiote, capable d’analyser le génome viral dans sa globalité. « Séquencer la totalité du génome du virus permet de mettre en évidence l’apparition de nouvelles mutations encore non décrites et puis, le cas échéant, de nouveaux variants », explique le Pr Nicolas Lévêque, responsable du laboratoire de virologie du CHU de Poitiers. Appelé MinION, le dispositif est développé par Oxford Nanopore Technologies.
Son principe est basé sur la mesure des variations d’un courant électrique lors du passage du génome viral dans un pore de quelques nanomètres (10-9 mètre). Ces variations enregistrées par le MinION sont caractéristiques de chacune des bases nucléotidiques A, T, C et G, constitutives du génome de tout être vivant, permettant au MinION d’en reconstituer la séquence. Le MinION, qui se branche directement sur un ordinateur, offre plusieurs avantages : sa taille, son poids, sa maniabilité et son prix très bas pour un séquenceur car d’environ 4 500 euros.
La procédure de séquençage du génome complet reste néanmoins longue. Il faut ainsi compter deux jours de préparations des échantillons, un jour de séquençage puis un à deux jours d’analyse bio-informatique des données soit une petite semaine pour obtenir une cartographie génétique complète d’une souche de SARS-CoV-2. De plus, la capacité du séquenceur est de 96 échantillons par expérimentation. Le temps nécessaire au séquençage et une capacité limitée ont donc obligé le laboratoire à restreindre les indications du séquençage aux cas d’infection survenant chez des personnes vaccinées, réinfectées, immunodéprimées, de retour de voyage hors UE, et traitées par anticorps monoclonaux. Le Pr Lévêque souligne en effet que : « L’activité est tellement fluctuante. Il y a encore quelques semaines nous n’avions rien à séquencer et là nous sommes débordés. MinION offre une plus grande souplesse dans le volume à traiter. Lorsque la demande est supérieure à nos capacités, certains prélèvements sont envoyés pour analyse au centre national de référence pour les virus respiratoires basé à Lyon. Avec l’aide de la région Poitou-Charentes et du CHU Poitiers, nous allons compléter notre matériel de séquençage haut débit en achetant un deuxième MinION. Avec deux séquenceurs et deux personnes dédiées à cette activité, Manon Prat et Jean-Philippe Da Mota, nous aurons alors une capacité de séquençage qui sera très conséquente».