François Batiot a déjà effectué plusieurs missions humanitaires. Il n’a pas hésité une seule seconde lorsque le ministère de la Santé a sollicité des praticiens hospitaliers volontaires pour des missions de renfort contre la covid-19 en Guyane. Il est parti près d’un mois. Il a vécu « une expérience incroyable » sur laquelle il revient ici.
Médecin généraliste de formation[1], François Batiot a travaillé en médecine libérale pendant 14 ans avant d’accepter en 2018 un poste de médecin au Relais Georges-Charbonnier où est installé la permanence d’accès aux soins de santé du Relais Georges-Charbonnier (PASS). C’est un service qu’il connait bien puisqu’il lui a consacré sa thèse de médecine et avec lequel il a gardé des liens. « Ce poste était pour moi l’occasion de faire vraiment de la médecine générale dans le sens où l’on s’occupe d’une personne qui évolue au sein d’un environnement influant sur son état de santé. C’est un secteur dans lequel on pratique vraiment la médecine globale. Il s’agit d’un travail multi-partenarial très riche ; un travail d’équipe fantastique avec plein de perspectives possibles » souligne François Batiot.
Avec l’accord du Pr Virginie Migeot, responsable de la PASS, le docteur Batiot est donc parti le 12 août en Guyane. « Assurer des missions humanitaires est quelque chose qui m’anime. On retrouve également un peu cet aspect de façon indirecte à la PASS. J’ai toujours eu cette petite appétence pour des missions sanitaires courtes » se justifie le praticien. Il en a effectué au Cambodge, au Burkina Faso et au Bénin. Il est membre fondateur de l’association Ya Tchegbo dont l’objectif est de créer une ferme d’insertion au Bénin pour les femmes victimes de violences.
Son expérience auprès des personnes en situation de précarité pendant la crise sanitaire lui a permis de se sentir « armé » pour assurer cette mission en Guyane. « La PASS a pris en charge 30% des cas covid dans la Vienne. On a beaucoup parlé des gens âgés qui sont bien évidemment des personnes à risques. Mais les personnes en situation de précarité ont été un peu oubliées alors qu’elles constituent également une population à risques particulièrement impactée dans notre département. L’équipe de la PASS a été très sollicitée. Mais paradoxalement, au niveau médical, j’ai aimé travailler pendant cette crise. Nous travaillions en équipe. Les choses étaient plus faciles, les décisions pouvaient être plus rapides et plus simples. Le travail avec nos partenaires s’est fait naturellement. C’est une période que j’ai trouvé intéressante. Me confronter de nouveau à ce genre de pathologie dans un esprit un peu humanitaire, constituaient plusieurs raisons pour que je parte» souligne François Batiot.
Prévu initialement sur des missions de mobilité sur Saint-Laurent-du-Maroni, François Batiot a finalement eu « la chance » d’être affecté au centre délocalisé de prévention et de soins[2] de Talhuen situé sur la commune de Maripasoula en pleine forêt amazonienne. Pour y parvenir, deux heures d’avion puis une après-midi de pirogue parce qu’il n’existe aucune route desservant le centre. Et au cœur de la plus grande forêt tropicale du monde, le docteur Batiot a assuré ses missions de soins auprès de l’un des peuples amérindiens guyanais, les Wayana. « Les Wanaya sont à peu près 10 000. Ils vivent en communauté dans des petits villages dans des conditions de grande précarité. Ils n’ont pas grand-chose et notamment pas d’eau potable » explique le Dr Batiot. Toute la durée de son séjour, il a travaillé 24h/24 avec l’aide d’un infirmier prenant en charge non seulement les patients covid mais également tous les autres types de pathologies. La population n’a pas le même rapport à la médecine. Elle ne bénéficie pas d’un suivi médical comme en métropole.
Et pour ce qui est de la covid dans cette partie de la Guyane ? « Contrairement à ce qui se passe en France, presque toutes les personnes ont eu la covid. Aujourd’hui, il n’y a plus la même appréhension puisque tout le monde l’a déjà eu. Beaucoup ont été touchés avec des périodes difficiles dans les stades de la maladie mais finalement assez peu en sont décédés. Le spécialiste des maladies infectieuses de l’hôpital de Cayenne avec lequel j’ai échangé a avancé deux hypothèses. La première est que la population est jeune. Il y a très peu de personnes de plus de 60 ans, tranche d’âge la plus à risques face à la covid. La seconde hypothèse serait liée à l’environnement même dans lequel vivent ces populations. Vivre en forêt leur permettrait d’avoir un système immunitaire particulier » précise le Dr Batiot.
Après près de 4 semaines en Guyane, François Batiot est rentré en France début septembre alors que les files d’attente pour une PCR s’allongeaient devant les laboratoires. Même pas le temps de repenser tranquillement à cette incroyable expérience. Il a repris ses activités professionnelles auprès des personnes en situation de précarité. « Je n’aurai jamais cru vivre un jour cette expérience professionnelle. J’en garde un excellent souvenir. J’ai pu faire mon métier avec une équipe fantastique, dans des relations simples et facilitées » conclut François Batiot.
[1] Le Dr François Batiot a suivi sa formation en médecine générale à la faculté de médecine de Poitiers.
[2] Ce centre de soins est rattaché à l’hôpital de Cayenne.