Revenu depuis peu de la Martinique, le Dr Gwenaël Le Moal, médecin infectiologue au CHU, s’étonne de l’engouement positif qu’a suscité sa mission de renfort sur les personnes qui l’entourent. Pourtant, il a travaillé pendant quinze jours non-stop pour permettre aux médecins locaux de souffler un peu. Il revient sur cette expérience qui lui redonne foi en son métier.
« On se serait cru en période de guerre »
Ce n’est que dans l’avion que Gwenaël Le Moal a appris sa destination : CHU de Fort-de-France en Martinique. Après avoir été accueillis par le directeur de l’Agence régionale de la santé de Martinique, le directeur général et le président de la commission médicale d’établissement du CHU, les médecins venus en renfort ont été ventilés dans les unités en fonction de leurs compétences. Alors que le CHU de Poitiers a très peu été touché par le virus, la situation dans l’établissement hospitalier de Fort-de-France était catastrophique. « Nous avons commencé notre mission dans l’urgence. C’était quelque chose d’inimaginable. Nous connaissions la situation au travers des médias mais le voir en vrai, c’est autre chose. On se serait cru en période de guerre. C’était tellement impressionnant ». Les 4/5e de l’hôpital était dédié aux patients covid. Et parmi ceux-ci, près de 45% aurait dû être en réanimation mais ne le pouvaient pas par manque de lits. « Ce qui m’a choqué, c’est que nous n’étions pas en capacité de leur donner l’égalité de chance de survie. Non pas par manque de moyens ou d’effectifs mais à cause des quantités importantes de malades ». Le Dr Le Moal a vu trois générations d’une même famille se retrouver en réanimation. « Nous avons essayé de mettre des choses en place pour soulager les réanimations. Nous avons installé des lits de soins intensifs avec des systèmes d’oxygénation non invasive, Optiflow. Et nous avons mis en place des protocoles hors standards. Nous avons eu l’impression d’être efficaces et que les choses s’amélioraient un peu ».
« Des gens qui croient encore en la solidarité »
Sur la durée de son séjour, du 17 août au 1er septembre, Gwenaël Le Moal a travaillé tous les jours de 8h à 19h, sauf le dimanche où il finissait à 14h. « Je n’étais pas parti pour sauver la Martinique mais plutôt pour soulager mes collègues. J’ai travaillé tous les jours même les week-ends ce qui permettait aux médecins sur place de se reposer. J’ai vu des médecins pleurer d’épuisement et parce qu’ils n’en voient pas le bout. Une espèce de burn out. Et comme la vaccination ne prend pas, cela risque de durer. Je n’ai pas eu l’impression de faire des choses extraordinaires mais j’ai été grandement remercié ». Au-delà de l’expérience vécue, le Dr Le Moal a surtout constaté que les autres soignants venus également en renfort avaient la même foi et la même philosophie que lui. « Cela m’a fait du bien de voir des gens qui croient encore en la solidarité parce que nous sommes dans un monde qui est très égoïste même au sein d’un hôpital. Ici, nous sommes toujours dans une routine. Une expérience comme celle-ci cela secoue positivement. Je ne m’y attendais pas et cela est très agréable. Après on relativise beaucoup les problèmes qu’on a localement. Comme on se dit lorsque l’on revient de ses missions-là, l’essentiel est ailleurs ».
« J’ai fait ce pourquoi je suis médecin »
Le Dr Le Moal a déjà participé à des missions sanitaires en Afrique, soit avec des ONG, soit avec le CHU de Poitiers dans le cadre de coopérations internationales. Aussi, il n’a pas hésité lorsqu’on lui a proposé de partir en renfort dans les hôpitaux des Antilles. Il tenait à apporter son aide d’autant plus qu’il avait été fortement marqué lors de la première vague par les hôpitaux de l’est de la France en difficulté alors qu’à Poitiers, les services attendaient les premiers patients. Et puis, les activités au sein du service des maladies infectieuses étant plus calmes en cette fin d’été, c’était le moment le plus opportun pour partir. « On ne réfléchit pas trop sur le moment, c’est plutôt après. On pense alors aux implications que cela impose. Cela nous demande des sacrifices mais également des sacrifices aux gens dans notre vie professionnelle comme personnelle. Mes collègues ont tout de suite accepté ». Il est parti pendant quinze jours et, depuis, il a reçu beaucoup de messages de félicitation. « Je n’ai rien fait d’extraordinaire. Je fais ce métier pour cela. C’est ma raison d’être de médecin, que ce soit à Poitiers ou ailleurs. Je n’ai pas l’impression d’avoir fait quelque chose de différent. J’ai fait ce pourquoi je suis médecin : rendre service aux autres c’est tout ».