Parce que le diabète a été rapidement présenté comme facteur de risque dans le développement d’une forme sévère de la covid-19, le service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition s’est organisé pour poursuivre la prise en charge et garantir la sécurité de ses patients. Le docteur Xavier Piguel, chef du service, revient sur cette période particulière et sur ses conséquences.
Comment avez-vous assuré la prise en charge des patients diabétiques pendant la crise sanitaire ?
Pendant le confinement, nous avons maintenu le suivi de nos patients diabétiques à distance soit sous forme de consultation téléphonique, soit sous forme de visio-consultation. Les moyens de contrôle de la glycémie connectés au système web avec lesquels sont équipés beaucoup de nos patients, nous ont permis de surveiller leur glycémie à distance et de les aider à adapter leur traitement par insuline. Des points réguliers étaient faits soit avec le médecin diabétologue référent, soit avec une infirmière de consultation de diabétologie.
Nous avons maintenu toutes les hospitalisations qui étaient justifiées pour les découvertes ou des déséquilibres de diabètes. Les hospitalisations programmées non urgentes ont été reportées à la période post-confinement. Notre part d’hospitalisation était extrêmement réduite pendant cette période par rapport à d’habitude.
Quelles étaient les consignes pour les personnes diabétiques ?
Progressivement, avec les études qui sont rapidement parues sur la population diabétique et la covid-19, nous avons pu affiner notre discours. Nous nous sommes rendus compte que le risque de développer des formes sévères concernait plus particulièrement les patients avec un diabète de type 2 et, parmi eux, d’avantage ceux ayant des complications cardiaques ou rénales liées à leur diabète. Les personnes diabétiques de type 1, c’est-à-dire celles qui sont traitées par insuline dès leur plus jeune âge et qui n’ont pas les complications rénales ou cardiaques, ne sont pas plus à risques de développer des formes sévères de la covid-19 que le reste de la population, ce d’autant que leur diabète est bien équilibré.
La covid-19, comme n’importe quel agent infectieux, va déséquilibrer le diabète. De la même façon qu’avec une grippe ou une gastroentérite, le virus, facteur de stress pour l’organisme, va provoquer une montée en flèche de la glycémie aggravant transitoirement le diabète, le temps de l’infection.
Comment les personnes diabétiques ont-elles vécu cette période de confinement ?
Les patients ont bien compris les messages ; ils ont respecté scrupuleusement le confinement. Mais comme la population générale, ils ont été en proie à beaucoup de difficultés. Cette période particulièrement stressante a renforcé, pour certains, l’isolement dont ils souffraient déjà. Le confinement a entrainé, chez certains, un déséquilibre de leur diabète pour deux facteurs essentiels : une activité physique réduite voire quasiment nulle et beaucoup de grignotage pour combler le stress ou l’ennui.
Les personnes diabétiques ont-elles repris une vie normale depuis le déconfinement ?
Comme pour le reste de la population, nous rencontrons une grande variété de profils. Il y a une catégorie non négligeable de diabétiques plutôt jeunes qui avait vraiment à cœur de reprendre leurs activités professionnelles. Ces patients ont repris une vie normale. Mais, nous avons également rencontré un nombre important de diabétiques qui sont dans la crainte. Ils redoutent une seconde vague épidémique. Beaucoup s’attendent à passer un automne et un hiver dans les mêmes conditions. Certains ont pris du recul et l’acceptent ; d’autres l’anticipent et sont encore dans l’angoisse. Mais ces patients ont, pour beaucoup, un environnement familial qui respecte les mesures sanitaires pour ne pas véhiculer le virus à la maison. Pendant la crise sanitaire, tout le foyer a été mis à contribution. L’entourage fait partie de la prise en charge de la pathologie.
Reviennent-elles à l’hôpital ?
Elles reviennent pour la plupart. Mais, il y a quelques jours encore, j’ai vu des patients qui sortaient de leur domicile pour la première fois depuis la levée du confinement. Les secrétaires ont contacté et recontacté les patients pour leur confirmer leur rendez-vous. Elles leur précisent que l’hôpital s’est organisé pour qu’ils soient accueillis dans de bonnes conditions sanitaires : des plages de consultations plus longues pour qu’ils n’attendent pas en salle d’attente et ne rencontrent pas d’autres personnes, des salles de consultations désinfectées, etc. Nous essayons de les rassurer ce qui est très chronophage. Très peu de patients refusent de revenir.
Depuis la levée du confinement, surtout depuis le mois de juin, nous avons affaire à un afflux de patients pour une découverte de diabète. Beaucoup s’étaient vus prescrire par leur médecin traitant des bilans avant la crise mais ils n’ont pas fait le prélèvement par crainte du virus. Ils ont même eu peur de se faire faire une prise de sang par une infirmière à leur domicile. Aussi aujourd’hui, nous gérons des situations qui nécessitent des hospitalisations alors qu’en temps normal, elles sont traitées en ambulatoire. A cela, s’ajoute des hospitalisations de patients en hyperglycémie dont le diabète s’est dégradé pendant le confinement.
Une étude[1] a montré que le confinement a permis à certains d’améliorer leur diabète ?
Si comme je le disais plus tôt, certains ont vus leur diabète se déséquilibrer avec le manque d’activité physique et le grignotage, d’autres, grâce au temps laissé par le confinement ou le chômage partiel, se sont mis à faire de l’activité physique quand habituellement ils ne le pouvaient pas. Ils ont une vie active qui leur laisse peu de temps à consacrer à leur diabète. Ils ont pu mieux contrôler leur glycémie.
[1] Etude menée par CSA pour Roche diabetes care France auprès de 504 patients diabétiques.