Depuis mi-octobre 2022, à l’initiative des docteurs Victor Dumas et Guillaume Herpe, radiologues, l’ensemble des IRM du CHU de Poitiers, sites de la Milétrie et de Châtellerault, ont intégré le projet MeGaDore. Ce projet est une première mondiale, dont le but est de récupérer les fonds de seringue de produit de contraste gadoliné non injectés au patient et les introduire dans un processus de retraitement. Explication.
Qu’est-ce que le projet Megadore ?
Le projet MeGadoRe, pour Medical Gadolinium Recycling, est né à Brest en 2021 sous l’impulsion des professeurs Douraied Ben Salem, neuroradiologue, Jean-Alix Barrat, géochimiste et chercheur au laboratoire des sciences de l’environnement marin (Lemar) et Raphael Tripier, chimiste et chercheur au laboratoire de chimie, électrochimie moléculaire et chimie analytique. Ce projet prend son origine dans la découverte de la pollution de la faune marine par du gadolinium d’origine médicale, entraînant ainsi une pollution, puisqu’il n’est pas filtré par les moyens conventionnels de traitement des eaux usées. Le gadolinium est un métal faisant partie de ce qu’on appelle les terres rares, c’est-à-dire un métal rare extrait du sol pour une application industrielle. L’extraction et le traitement du gadolinium se fait essentiellement en Chine avant d’être importé en France. Il est notamment utilisé pour fabriquer le produit de contraste utilisé en IRM depuis les années 1990. En France, trois millions de doses sont consommées tous les ans et ce nombre est en constante augmentation. Ainsi, ce projet vise à créer un réseau d’IRM verte pour récupérer les fonds de seringue de produit de contraste non injectés au patient. Selon l’étude du professeur Ben Salem, 15 % du produit de contraste serait non injecté au patient, 85 % métabolisé par lui. Début octobre 2022, après un an d’existence, le projet MeGadoRe compte déjà dans son réseau 150 IRM en France.
Mise en place du projet IRM verte au CHU de Poitiers
Sous l’impulsion des docteurs Victor Dumas et Guillaume Herpe, c’est lors des journées francophones de radiologie (JFR), du 7 au 10 octobre 2022, que le CHU de Poitiers s’est rapproché du CHU de Brest pour récupérer les éléments nécessaires à la mise en place de ce projet (flacon, plaque avec logo, etc.). Dans la pratique, les patients externes qui viennent passer une IRM au CHU apportent un produit de contraste pris en pharmacie qui n’est pas toujours injecté ou pas entièrement. « L’injection de produit de contraste n’est pas automatique », précise le docteur Victor Dumas. « Il se fait selon l’indication de l’examen, sur demande du radiologue et non du prescripteur, en fonction de la façon se déroule l’examen mais également du poids du patient ». De plus, le conditionnement du produit est fixe : 5, 10, 15 ou 20 ml, mais la dose injectée au patient va dépendre de plusieurs facteurs dont son poids. « On ne peut injecter par exemple que 17 ml sur un flacon de 20 ml. » indique Angèle Vratny, manipulatrice en électroradiologie médicale « Avant la mise en place du projet MeGadoRe au CHU de Poitiers, les 3 ml restant étaient tout simplement jetés ».
Dans les faits, chaque IRM dispose d’un flacon « IRM verte » dans lequel sont versés les résidus de gadolinium de toutes marques confondues, puis, une fois remplis, les flacons sont renvoyés à Brest où le produit est stocké dans des cuves de 1 000 litres chacune. Une fois les cuves pleines, la société Guerbet les récupère pour traitement. Le gadolinium sera retraité pour être utilisé en circuit industriel et non plus médical. En un mois, l’ensemble des IRM du CHU a pu récolter 1 litre de gadolinium dans les flacons prévus à cet effet. « Nous pensions que cela nous prendrait entre 6 mois et 1 an avant de remplir un flacon » réagit le docteur Dumas. « Nous sommes à la fois très étonnés mais très contents de pouvoir agir autant avec de simples gestes du quotidien » ajoute Angèle Vratny. En effet, le projet a tout de suite été adopté et apprécié des manipulateurs de l’ensemble des services d’IRM du CHU, en première ligne de la démarche. Malgré une procédure stricte à respecter afin d’être sûr de la possibilité de retraiter le produit, en s’assurant notamment de la non contamination sanguine, la démarche est devenue presque un automatisme pour l’ensemble des équipes. Il s’agit simplement de remplir le bidon avec les résidus de seringue au lieu de les jeter, cela n’implique donc pas de temps supplémentaires pour les équipes. « Nous sommes tous ravis d’être acteur de cette initiative » poursuit-elle « cela donne du sens à ce que l’on fait au quotidien et limite l’impact de notre activité sur notre environnement ».
Cette première expérience, qui est d’ores et déjà un succès, n’est que le commencement d’un plus grand projet sur le pôle imagerie. Les docteurs Dumas et Herpe, soutenus et accompagnés par l’ensemble des équipes – cadres, manipulateurs, secrétaires, etc. – souhaitent impulser un projet « green radio » en réfléchissant également aux économies d’énergie ou au recyclage de manière globale. « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ». Cette célèbre citation d’Antoine de St Exupéry, est le mantra d’Angèle Vratny. Il la suit dans son quotidien, et résumera désormais la volonté du pôle imagerie d’intégrer la transition écologique comme élément de premier plan de son développement.