Radiothérapie : une rénovation complète de l’offre

Dans l’un des bunkers de radiothérapie, la face cachée de l’accélérateur de particules.

Plus de la moitié des patients atteints d’un cancer sont traités par radiothérapie à une étape de leur parcours de soins. Au sein du pôle régional de cancérologie, le service d’oncologie radiothérapique dispose d’équipements de pointe qui viennent d’être largement renouvelés. L’ouverture d’un cinquième bunker de radiothérapie en 2017, dédié à la stéréotaxie intra et extra crânienne, viendra compléter ce plateau de haute technologie et conforter le rôle de recours du CHU de Poitiers. L’objectif : augmenter l’offre de soins, avec une montée en charge progressive et contrôlée du nombre de patients traités.

Traitement local et locorégional du cancer, délivré à visée curatrice mais aussi palliative, la radiothérapie est la seconde technique la plus utilisée, après la chirurgie, dans le traitement du cancer. “La radiothérapie peut être réalisée pour un patient atteint d’une tumeur localisée non opérable. Dans certains cas, la radiothérapie, qui permet aujourd’hui de délivrer des doses plus fortes sur une zone précise en limitant les morbidités, sera équivalente à la chirurgie pour détruire la tumeur. Avec l’évolution des techniques, les indications de chirurgie vont être de plus en plus concurrencées par celle de radiothérapie. Un exemple fort est le traitement du cancer de la prostate : aujourd’hui, dans certains stades, les chances de survie sont identiques, que la prise en charge soit chirurgicale ou par radiothérapie. La radiothérapie peut également être délivrée en traitement complémentaire adjuvant, après le geste chirurgical, pour détruire d’éventuelles cellules tumorales résiduelles dans l’objectif de réduire le risque de rechute et augmenter la survie. Enfin, elle peut être réalisée de manière séquentielle avec la chimiothérapie, notamment dans la prise en charge de situation palliative : prise en charge de la douleur, de compressions et événements à visée hémostatique “, rappelle le Pr Jean-Marc Tourani, chef du pôle hospitalo-universitaire régional de cancérologie (PRC).

Le service d’oncologie radiothérapique du CHU de Poitiers possède toutes les techniques : radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité, radiothérapie stéréotaxique et curiethérapie. “Aujourd’hui, le service, qui assure plus de 15 000 séances de radiothérapie chaque année, n’a pas d’équivalent à l’échelle départementale”, signale le Dr Antoine Berger, chef du service d’oncologie radiothérapique du PRC.

Afin de maintenir et de conforter son rôle de recours régional, mais aussi d’accompagner l’évolution des techniques de radiothérapie, le CHU de Poitiers procède actuellement à une rénovation complète de l’offre en radiothérapie.

Élargissement des indications
Le pôle régional de cancérologie dispose de trois accélérateurs de particules permettant la réalisation de radiologie conformationnelle par modulation d’intensité (RCMI) intégrant les dernières technologies d’IGRT (Image guided radiation therapy ou radiographie guidée par l’image). Cette technologie permet de localiser la tumeur sous l’accélérateur au moment de la séance d’irradiation et de vérifier qu’elle correspond à la position de référence, “dans une dynamique de réduction des marges et des erreurs statistiques”.

“Jusque-là, pour des raisons logicielles, nous n’avions pas la possibilité de pouvoir implémenter la RCMI pour tous les patients. La stéréotaxie intracranienne est strictement réservée à la pathologie tumorale maligne (tumeur primitive cérébrale ou métastases cérébrales secondaires). Pour des raisons techniques, nous ne pouvions pas faire de la stéréotaxie pour des tumeurs bénignes”, rappelle le Dr Berger. Le changement du logiciel de planification de doses va permettre d’étendre les indications de RCMI à l’intégralité des patients qui présentent un bénéfice à cette technique. “Cet algorithme de calcul puissant peut délivrer des plans de traitement rapidement et donc compatibles avec une routine clinique. A terme, 60 à 70 % des traitements de radiothérapie seront désormais réalisés dans des conditions de haute technicité”, souligne le Dr Antoine Berger, précisant que la montée en charge du nombre de patients sera “progressive, raisonnée et contrôlée”.

A moyen terme, le pôle régional de cancérologie du CHU de Poitiers disposera d’une flotte de trois accélérateurs “grand champs” identiques – avec une capacité maximale de taille de champs de 40 par 40 –, avec un service à même de répondre de manière efficace et coordonnée. “Pour les trois accélérateurs, les paramétrages seront les mêmes. Cette interchangeabilité est un gage de confort pour le patient et l’équipe médicale, en termes de réduction des délais, avec une gestion des pannes et de l’attente en temps réel et pour l’intégralité des patients.”

Cyberknife, un robot de haute technologie
Ce plateau de haute technologie sera complété par un robot. Le cinquième bunker de radiothérapie accueillera, dans le courant du second semestre 2017, un cinquième accélérateur de particules dédié à la stéréotaxique intra et extracranienne. Cet équipement de pointe, nommé Cyberknife, permet une irradiation ultra précise de la tumeur et peut intervenir sur des tumeurs de moins de 6 cm. “L’appareil suit la cible en temps réel, de manière synchronisée, en multipliant les portes d’entrée qui convergent vers le centre de la tumeur”, détaille le Dr Berger. Les tissus sains sont préservés grâce à une précision millimétrique exceptionnelle par rapport à la position de référence. Au moindre décalage, dû notamment aux mouvements respiratoires du patient, le bras robotisé sur lequel est monté l’accélérateur va se déplacer pour corriger en temps réel le positionnement du faisceau. “Le Cyberknife permet de délivrer des irradiations extrêmement précises, de s’affranchir au maximum des marges que l’on est obligé d’appliquer aujourd’hui, notamment dans le cas de cible mobile par exemple. On réduit donc l’irradiation du tissu sain. On peut aussi s’affranchir de la présence d’organe à proximité et on augmente l’épargne, ce qui est très intéressant dans le cas de ré-irradiations, de proximité d’une tumeur avec un organe sain à risque. Ce robot permet de résoudre des problématiques que l’on ne peut pas résoudre aujourd’hui en radiothérapie classique. Cette technique permet donc d’augmenter l’arsenal thérapeutique pour les patients déjà connus et rendre traitables des patients qui ne seraient pas éligibles à d’autres traitements. Cet investissement assure un vrai rôle de recours sur le territoire.”

Un exemple : dans le cas d’un cancer du poumon localisé inopérable, un traitement en radiothérapie extra-crânienne peut aujourd’hui être équivalent à une chirurgie, illustre le Dr Berger. Le Cyberknife présente un intérêt dans les pathologies pulmonaires, rachidiennes, dans le cas des récidives localisées et des tumeurs mobiles (foie, poumon). “Si les indications de radiothérapie classique sont toujours maintenues dans le cas d’éradications prophylactiques, on va tendre désormais à y ajouter des traitements de radiothérapie à moindres fractions par la stéréotaxie intra et extra-crânienne, qui permet une irradiation précise et ultra focale. Les indications vont donc grimper dans le cadre aussi de maladies métastatiques ou paucimétastatiques.”

A noter : dans le cadre de la stéréotaxie intra et extra-crânienne, un projet institutionnel fort et multidisciplinaire sera conduit en partenariat avec le service de neurochirurgie pour la gestion des pathologies bénignes non couvertes par l’offre de soins : névralgie du trijumeau, neurinomes, méningiomes, malformations artério-veineuses…