Regard médical du Dr Arnaud Caupenne sur la gériatrie

Le docteur Arnaud Caupenne est médecin gériatre au CHU de Poitiers depuis six ans. Il a débuté son externat au CHU de Bordeaux. Interne en chirurgie générale, il change de spécialité et se tourne vers la médecine générale. Après un diplôme d’études spécialisées complémentaires de gériatrie, il devient chef de clinique pendant trois ans, à Poitiers, dans le service dirigé par le Pr Marc Paccalin (aujourd’hui, doyen de la Faculté de médecine et de pharmacie de Poitiers). Il a siégé comme représentant des chefs de clinique à la CME pendant 3 ans. Il est également porte-parole de l’Association des Jeunes Gériatres.

Pouvez-vous nous parler du service de gériatrie et de l’activité que vous y exercez ?

La gériatrie s’intéresse à la prise en charge médicale des patients poly-pathologiques âgés de plus de 75 ans. C’est la spécialité d’avenir ! Je tiens d’emblée à balayer certains préjugés : nos patients ne sont pas tous grabataires ou avec des troubles cognitifs. C’est loin d’être la réalité et beaucoup conservent une certaine autonomie. Le service de médecine gériatrique du CHU de Poitiers se compose de lits de médecine aigüe, de soins de suite et réadaptation, de long séjour et d’une équipe mobile permettant d’apporter un appui gériatrique aux autres services. Nous avons également une importante activité de consultations. J’exerce pour ma part en médecine aigüe, en soins de suite et au sein de l’équipe mobile.

Pourquoi vous être spécialisé en gériatrie ?

La gériatrie est une spécialité permettant d’exercer une médecine variée, technique, exigeante et humaine se basant sur une vision globale du patient. C’est ce qui a motivé mon changement de filière. Il faut mener une enquête approfondie qui fait travailler tant le côté « touche à tout » que la curiosité face à des situations complexes et des pathologies rares. Le gériatre est un peu le « Dr House du sujet âgé ». Aucun domaine d’intervention ne doit être négligé, aucun organe ne doit être oublié. La gériatrie permet ainsi de traiter des pathologies complexes en adaptant au mieux les thérapeutiques aux capacités des patients. Et pour arriver à cela, nous sommes aidés au quotidien par une équipe pluridisciplinaire (kinés, ergothérapeutes, diététiciennes, assistantes sociales etc…) dont le rôle est primordial.

Quelle a été votre activité pendant la première vague de la crise sanitaire ?

J’ai participé au fonctionnement d’une aile de gériatrie aigue au neuvième étage de Jean-Bernard. Nous y avons pris en charge des patients âgés atteints de la covid-19, avec un temps dédié paramédical et médical optimal. C’était une période complexe, avec une charge de travail importante et la création d’une nouvelle ligne d’astreinte. Mais à côté de cela nous y avons trouvé une vraie émulation. La localisation de ces lits nous a permis de travailler de façon rapprochée et optimale avec d’autres spécialités comme la maladie infectieuse, la pneumologie, la radiologie ou encore les soins palliatifs. De plus, nous ne connaissions pas la maladie et il a fallu créer des protocoles en urgence, trouver des soins adaptés pour nos patients comorbides.

Comment envisager la seconde vague pour ces patients les plus fragiles ?

Pour cette seconde vague, le choix a été fait avec notre chef de pôle, le Dr Seite, d’ouvrir des lits dédiés Covid dans l’un de nos secteurs habituels (Pavillon Rodin). Nous avons également essayé de tirer les leçons de la première vague en articulant au mieux les prises en charge des patients entre le CHU et les EHPAD. Le but est que chaque patient puisse recevoir un traitement adéquat dans un environnement adéquat. Ainsi, certains patients fragiles ne subiront pas les contraintes d’une hospitalisation (transport, temps d’attente, confusion due au changement de lieu…) et pourront recevoir des soins techniques directement à l’EHPAD grâce à l’intervention de l’HAD. Tout ceci se fait en concertation étroite avec le médecin traitant, le médecin coordinateur et l’équipe administrative de l’EHPAD. Un lien permanent est assuré par nos infirmières coordinatrices et si besoin un gériatre ou un membre de l’équipe de soins palliatifs peut se rendre sur place.

Par ailleurs, vous suivez un master en « gestion et politique de santé » à SciencesPo. Pourquoi cela ?

Les études de médecine ne nous offrent qu’une vision partielle du système de santé. En commençant à exercer comme médecin senior, j’ai très vite été confronté à de multiples interrogations sur l’environnement dans lequel j’exerçais et sur lequel j’ai eu le sentiment de n’avoir que très peu d’accroche. Comme jeune médecin, il n’est pas facile de se faire entendre et de développer des idées dans un système hospitalier au fonctionnement complexe et pyramidal. Or, pour préparer son avenir, l’hôpital doit également s’appuyer sur sa jeunesse. Il m’a semblé logique de m’inscrire à une formation me permettant de mieux appréhender l’organisation et les enjeux financiers, systémiques et humains de l’hôpital public et plus généralement de notre système de santé. L’objectif est d’aider à mieux porter les projets qui ont du sens sur le terrain.