Regard médical : Jérôme Cochereau, neurochirurgien

Le docteur Jérôme Cochereau est chef de clinique dans le service de neurochirurgie au centre hospitalier universitaire de Poitiers. Il débute ses études de médecine à Tours entre 2004 et 2010. Il part ensuite à Montpellier pour son internat et son année recherche. En novembre 2018, le Dr Jérôme Cochereau rejoint le service du Pr Michel Wager, qui développe la chirurgie éveillée des gliomes à Poitiers depuis plus de dix ans, afin de poursuivre et renforcer cette activité.

Dr Cochereau, votre travail porte sur la chirurgie des gliomes, des tumeurs cérébrales infiltrantes qui touchent les sujets jeunes. Quels sont les moyens dont nous disposons pour traiter cette pathologie ?

La chirurgie est le premier traitement et permet de différer au maximum la chimiothérapie et la radiothérapie. Tout dépend du grade de la tumeur et du volume restant après la chirurgie, notre objectif étant d’en enlever le maximum. Mais dans le cas des gliomes, cela revient à réséquer une partie du cerveau car celui-ci est infiltré par les cellules tumorales, d’où l’intérêt de la chirurgie en condition éveillée qui permet de vérifier en permanence que notre geste n’altère pas  définitivement les capacités neurologiques du patient.

En quoi consiste la chirurgie éveillée ?

C’est une méthode que j’ai apprise à Montpellier auprès du Pr Hugues Duffau qui en a fait une technique de référence . Elle a révolutionné la prise en charge des gliomes en augmentant l’étendue de résection, limitant ainsi leur progression, tout en diminuant largement le risque de séquelles. Pour cela, nous ouvrons la boîte crânienne alors que le patient est endormi, puis nous le réveillons lorsque le cerveau est exposé. La surface du crâne aura été anesthésiée au préalable rendant la chirurgie indolore car le cerveau quant à lui ne ressent pas la douleur. Nous demandons au patient d’effectuer des exercices, qui dépendent de la zone touchée ( langage, motricité…), en même temps que l’on retire la tumeur. Nous stimulons le cerveau au moyen d’une électrode qui va mimer l’effet produit par la résection et c’est le patient nous indiquera si nous pouvons enlever la zone testée sans danger. Cela demande aux patients des efforts importants mais grâce à leur participation, dans les meilleurs cas, certains patients opérés depuis 20 ans n’ont toujours pas eu besoin de traitement complémentaire et mènent une vie parfaitement normale.

Le fait d’enlever une partie du cerveau ne détériore-t-il pas les capacités des patients ?

Non ! Et c’est d’ailleurs un sujet sur lequel je travaille grâce à ma thèse de sciences qui porte sur la plasticité cérébrale. À l’image du cerveau de l’enfant, notre cerveau d’adulte conserve d’importantes capacités à s’adapter et à se reconfigurer. En présence d’une tumeur qui va progressivement l’infiltrer et gêner une partie de son fonctionnement, des zones saines vont prendre le relai et permettre de maintenir une activité normale. De ce fait, même pour des tumeurs diagnostiquées tardivement dont le volume est parfois très important, la plasticité rend possible la résection de plusieurs zones sans entraîner de détérioration neurologique. Elle permet également aux patients, qui ont régulièrement une aggravation de leurs troubles en post-opératoire, de récupérer intégralement au moyen d’une rééducation bien conduite.  

Quelles sont vos ambitions pour l’avenir ?

Nous voudrions développer des outils nous permettant d’évaluer de façon précise les capacités de plasticité de chaque patient afin de déterminer les marges de résection que nous pouvons espérer et ainsi retirer plus de tumeur, tout en permettant aux patients de continuer à mener une vie normale.