Infirmier anesthésiste diplômé d’Etat (IADE) au CHU de Poitiers depuis 2018, Nicolas Gillier n’a pas hésité une seule seconde à se porter volontaire sur des missions de transfert de patients covid en train médicalisé, les missions Chardons. Il revient pour nous sur cette expérience extraordinaire.
Partir vers l’inconnu
Diplômé de l’institut de formation en soins infirmiers du Blanc en 2008, Nicolas Gillier est arrivé dans le service de réanimation cardio-thoracique du CHU de Poitiers en 2009. Après quelques années, il choisit de devenir infirmier anesthésiste non seulement pour le côté technique de la profession mais également pour avoir plus d’autonomie.
En mars 2020, le CHU de Poitiers s’organise pour faire face à la première vague qui touche déjà fortement les hôpitaux du Grand Est et d’Ile-de-France. Mais fort heureusement, le virus ne circule pas beaucoup dans le département de la Vienne. L’établissement poitevin se porte alors volontaire pour accueillir des patients covid des hôpitaux saturés. Plusieurs transferts héliportés et en train médicalisé sont organisés. Nicolas Gillier a eu « la chance », comme il le dit lui-même, de faire partie de deux des trois missions Chardon auxquelles a participé le CHU de Poitiers. Dans le cadre des missions Chardon, des équipes soignantes des hôpitaux accueillant sont chargées d’aller récupérer les patients covid dans les établissements où ceux-ci sont hospitalisés. Pour cela, ils emportent tous les équipements nécessaires pour constituer des petites unités de réanimation dans le train. Il n’a pas hésité une seconde lorsqu’un vendredi soir, à 23 h, on lui demande s’il veut prendre part au transfert de patients depuis Mulhouse le lendemain matin. Il aime les imprévus : « Partir vers l’inconnu, sans savoir ce qui nous attend, avec qui l’on part. On sait que cela va demander de l’adaptation. Et c’est ce qui motive aussi, ce petit côté adrénaline ».
Mission Mulhouse
Pour cette première mission, les équipes soignantes de Poitiers à l’instar des équipes des autres hôpitaux, ont vraiment du faire preuve d’une grande adaptation. Un premier train les a emmenés jusqu’à la gare Montparnasse. De là, ils ont pris un car direction gare de l’Est. Mais avant, il leur a fallu transbahuter tout le matériel, du matériel fragile, jusqu’à un camion qui a pris la même direction que le car. Pendant le trajet Paris-Mulhouse, le matériel a été installé. « Des équipes qui avaient déjà participé aux premières missions chardons nous ont donné des astuces pour organiser au mieux le matériel », explique Nicolas Gillier. Arrivée à Mulhouse ; tout est prêt dans le train pour faire le voyage de retour avec le patient.
Après une nuit à l’hôtel, rendez-vous à 5 heures du matin pour aller chercher les patients. L’équipe de Nicolas Gillier devait récupérer son patient à l’hôpital militaire dont ont tant parlé les médias. « Il faisait nuit, on ne se rendait pas vraiment compte. Mais c’était impressionnant. A l’entrée, des militaires étaient positionnés. Après on entre dans ces toiles de tentes et l’on découvre les rangées de malades. On se serait cru en temps de guerre », se souvient ce dernier.
Le voyage de retour dans le train n’a pas été des plus faciles pour les soignants. En effet, les brancards étaient installés sur les appuis-tête, les patients au niveau de la tête des soignants. Ils étaient placés trop haut, ce qui ne permettait pas aux soignants d’avoir accès à eux comme ils l’auraient souhaité. Ils devaient monter sur les sièges et se tenir en équilibre pour avoir vue sur les malades. Tous les soignants étant habillés de la même tenue, il leur a fallu écrire leur nom, leur métier et leur ville sur leur dos pour être identifiable le plus rapidement possible.
Nicolas Gillier a surtout appréhendé les moments de transfert – de l’hôpital vers l’ambulance, de l’ambulance vers le train, etc. – durant lesquels les équipements de réanimation pouvaient se débrancher : « Cela créée une sacrée pression. On vérifie tout deux à trois fois. On a envie que tout se passe bien ». Le trajet de retour dans le train vers Poitiers s’est déroulé sans aucune anicroche entre surveillance constante et grosse chaleur sous les tenues de protection. C’était intense : « A l’arrivée, on se sent rincé, très fatigué mais content d’avoir fait ce que l’on avait à faire ».
Mission Strasbourg
Nicolas Gillier s’est à nouveau porté volontaire lors de la mission Chardon durant laquelle des patients des hôpitaux de Strasbourg ont été rapatriés vers des hôpitaux du Grand-Ouest. « Je savais ce qui m’attendait », dit-il. Bien des choses ont été simplifiées par rapport à la première mission : le train vers Strasbourg était direct. De plus, la SNCF avait retiré les appuis-tête des fauteuils ce qui a facilité grandement la prise en charge des patients dans les wagons. Cette fois encore, le voyage de retour c’est passé sans aucun problème.
C’est lors de ces missions que Nicolas Gillier s’est rendu compte de la gravité de la crise sanitaire. Il y avait beaucoup de malades dans les services de réanimation où ils se sont rendus. « Lorsque le personnel des hôpitaux nous racontent qu’ils doivent intuber près de 100 patients par jour, on n’arrive même pas à imaginer. A Poitiers, nous n’avions pas d’arrivées massives de patients covid. On se rend compte que la situation est catastrophique ». Jusqu’alors, Nicolas Gillier n’avait pas été soumis à des patients faisant des formes sévères de la covid-19. Il a été particulièrement frappé d’y voir un patient jeune en position de décubitus ventral placé sous oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO) : « j’avais déjà vu en chirurgie cardiaque des patients placés sous ECMO sur le ventre. Sur le dos, je n’avais jamais vu cela. C’était la dernière chance pour la personne ». Et que dire du manque de matériel et d’équipements auquel était confronté les hôpitaux du Grand Est.
Nicolas Gillier aurait bien participé à la troisième mission Chardon mais il a dû laisser sa place à d’autres IADE volontaires. Il est ensuite intervenu dans l’unité covid 3 du CHU de Poitiers. Plus récemment, il est allé porter son aide sur un jour de repos ce que font également certains de ces collègues IADE qui se portent volontaires tous les week-ends et leurs jours de repos.
Ce qu’il retiendra de ces missions hors-normes ? La COLLABORATION. Collaboration avec les médecins, les infirmiers et tous les intervenants quel qu’il soit. « On ne se connaissait pas. Il y a eu beaucoup d’échanges dans les deux sens. C’était très riche. Nous sommes tous arrivés à collaborer pour le bien du patient. Cela faisait plaisir à voir que malgré tout, il y a cette solidarité. De se dire qu’on est là et que le patient reste le socle commun de tous. Tout le monde était complémentaire. Cela permet de changer du quotidien ».
Nicolas Gillier a tenu à remercier sa responsable, Frédérique Chevereau, cadre de santé : « C’est une cheffe en or. Elle est toujours présente pour nous, et lorsqu’elle a besoin, elle peut compter sur nous ».