Elles sont parties treize jours aux Antilles pour contribuer au renfort des équipes paramédicales durement touchées, sur place, par la crise sanitaire. Christelle, infirmière au SMUR, est allée en service de réanimation covid à Basse-Terre en Guadeloupe et Karine, aide-soignante en maladies infectieuses, a été envoyée en médecine covid au CHU de Martinique.
Elles ne sont pas tout à fait remises. Elles sont fatiguées, mais c’est avec le sourire, derrière le masque, que Christelle et Karine ont bien voulu nous faire partager leur expérience.
Elles repensent à tout ce qu’elles ont pu vivre… Tout était tellement intense.
Christelle ne savait pas encore le samedi qu’elle allait partir en renfort aux Antilles. Alors qu’elle travaillait, sa cadre lui a demandé si elle serait prête à le faire. Dès qu’elle a accepté, tout s’est enchaîné. Karine, elle, s’était portée volontaire. Tout est allé très vite pour toutes les deux. L’ARS a pris contact avec chacune d’elles le lundi, sans trop donner de réponses précises à leurs multiples questions. Le mardi, elles partaient, avec un certain sentiment d’excitation.
Dans leur service d’affectation, ce qui a été le plus compliqué à gérer était l’organisation, tellement différente de celle qu’elles connaissent au CHU de Poitiers.
La montée en charge de l’armement des lits de réanimation a été effectuée rapidement, permettant le passage de 5 à 28 lits de réanimation. Cette augmentation significative du nombre de lits a permis de prendre en charge la majorité des patients nécessitant l’accès au service de réanimation, avant qu’une priorisation du fait de la saturation des lits ait dû être mise en place.
En parallèle, le nombre de lits de médecine covid a augmenté, et une zone tampon entre les urgences et les services d’aval a été mise en place.
Le manque de moyens et de personnel a été le plus marquant dans cette mission et la question de tri de patients a été une question malheureusement récurrente.
« La population malade est de plus en plus jeune » soulignent les deux femmes, et « de très nombreux patients n’avaient pas de place en réanimation, par manque de lits ».
Que ce soit à Basse-Terre ou en Martinique, la priorité était de maintenir le patient en vie, coûte que coûte, avec de petits moyens, ne laissant aucune place aux soins de confort. « Les patients n’étaient pas lavés ; les familles venaient s’occuper de leurs proches, les nourrir, leur donner à boire, ce qui ne facilitait pas les gestes barrières. Les toilettes n’étaient pas toujours faites par manque de temps », nous explique Karine.
A l’hôtel, tous les membres de la mission étaient réunis. Christelle et Karine étaient avec des infirmiers, des aides-soignants, des médecins, des manipulateurs radios, des kinésithérapeutes… Tous venaient de métropole : Toulouse, Nancy, Strasbourg, Nantes, Rennes, Rouen et Paris notamment. Une quarantaine ont été envoyés à Basse-Terre, plus d’une centaine en Martinique, et autant à Pointe-à-Pitre. Après leur journée de travail, ils pouvaient alors échanger, partager leurs expériences, leurs doutes, mais aussi leurs joies. « Nous avons ressenti tout de suite un véritable sentiment de solidarité, d’entraide, une belle cohésion, riche d’enseignement ».
Sur place, elles ont été plutôt bien prises en charge. Le nombre de personnels soignants en renfort et la réorganisation des services ont forcément chamboulé les professionnels sur place, qui se sont très vite adaptés au changement et ont participé à l’accueil plutôt réussi des renforts soignants.
Toutes deux avaient un « référent/coordinateur », membre de l’équipe venue de métropole, qui pouvait gérer les problèmes, les demandes, que ce soit au sein de l’hôpital ou à l’hôtel.
Elles ont été marquées par la reconnaissance exceptionnelle des patients et de leurs familles, ainsi que des autochtones qui, au début, pouvaient ne pas comprendre la venue d’autant de soignants de métropole. La confiance s’est ensuite installée. « Ils étaient tellement noyés qu’ils ne se rendaient pas forcément compte de la gravité de la situation », nous relatent-elles. « Ils n’avaient pas pris conscience de la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvaient ».
Après cette expérience stressante, inhabituelle, mais tout aussi motivante et riche de rencontres, elles se disent toutes les deux prêtes à repartir pour une autre mission. La cohésion, la solidarité et « l’adaptabilité » ont été les maîtres mots de cette mission.
Christelle et Karine n’oublient pas de souligner que c’était une chance d’avoir pu accomplir cette mission. Elles n’auraient jamais pu vivre cette expérience et être autorisées à partir, sans le soutien de leurs collègues au CHU de Poitiers qui ont pu prendre le relais pendant ces treize jours. « La réussite de cette mission est un ensemble : il y a ce qu’il s’est passé là-bas et, pendant ce temps-là, il y a eu nos collègues qui ont pris le relais ici » souligne Christelle.