Depuis presque dix ans, l’hôpital de jour pour les personnes handicapées, aménagé sur le site hospitalier de Châtellerault, offre à ces patients des soins curatifs et préventifs adaptés.
Un service pionnier en France
L’accès aux soins des personnes handicapés souffrant de troubles de comportements est un véritable parcours du combattant. Ce public se retrouve trop souvent encore face à des structures inadaptées, du personnel mal formé ou indisponible. Dans la plupart des cas, ils sont soignés en urgence, sous anesthésie générale, avec un accompagnement insuffisant. Face à ce constat, plusieurs associations de la Vienne se sont regroupées pour former Handisoins 86 et leur action a abouti à la création, en 2011, d’un hôpital de jour pour les personnes handicapées. Pionnier en France, ce service a alors été soutenu par l’hôpital de Châtellerault qui lui a réservé un espace de 100 m2 dans une aile de son bâtiment.
Une large offre de soins
L’hôpital de jour pour les personnes handicapées accueille les personnes qui de par leur handicap ne peuvent accéder aux filières de soins classiques. Ses missions sont d’identifier les problèmes de santé éventuels des patients pour ensuite coordonner les soins nécessaires. Son implantation au sein de l’hôpital permet aux patients d’accéder à l’ensemble du plateau technique de l’établissement. Si la majeure partie des consultations concerne des problèmes bucco-dentaires, les patients peuvent également bénéficier de consultations et de soins spécialisées en cardiologie, gastroentérologie, médecine interne, anesthésie, chirurgie, ORL, ophtalmologie, gynécologie et odontologie auprès des spécialistes de l’hôpital.
Une prise en charge adaptée
L’équipe est composée d’un médecin généraliste, le Dr Agnès Michon qui dirige le service, de deux infirmières et d’une secrétaire. Elle dispose d’un secrétariat, d’un bureau médical, d’une salle dentaire et d’une chambre pour deux patients.
La prise en charge du patient commence par un entretien avec le Dr Michon en présence des accompagnants. Le médecin procède ensuite à une consultation sommaire afin de déterminer les soins ou les examens à effectuer. Les soins bucco-dentaires, infirmiers, gynécologiques ou des vaccinations se font au sein même du service. Les autres sont assurés dans les différents services de l’hôpital, le patient étant alors toujours accompagné d’une infirmière de l’hôpital de jour formée.
Ainsi depuis près de dix ans, l’hôpital de jour permet aux personnes souffrant d’handicap d’accéder à des soins dans une structure adaptée avec une prise en charge sur mesure accompagnée par des personnes formées.
Interview du docteur Agnès Michon, responsable de l’hôpital de jour pour les personnes handicapées Comment se fait la prise en charge d’une personne handicapée dans le service ? Dans la majorité des cas, ces personnes ne peuvent pas verbaliser leurs problèmes de santé, leurs douleurs ou leurs symptômes. Pour certains, le toucher est compliqué et d’autres peuvent avoir des comportements inadaptés. Du coup, le patient n’est pas très coopérant. Il faut faire en sorte qu’une collaboration se mette en place entre le patient et l’équipe médicale. Dans le service, nous connaissons nos patients, leurs angoisses et leurs difficultés à rester en place. Il faut du temps et de la patience pour mettre en confiance des personnes qui sont d’un naturel craintif. Pour ces raisons, nous limitons le temps d’attente et nous prenons du temps lors de la consultation à laquelle participent aussi les accompagnants. Nous faisons en sorte qu’ils se retrouvent dans une ambiance apaisée ; qu’ils soient rassurés. Un quart d’heure de soins peut nécessiter une heure trente de préparation. Afin de ne pas multiplier les venues à l’hôpital, j’anticipe les besoins en soins et je programme le plus d’actes possibles sur une prise en charge. Cela est rendu possible grâce à la présence sur l’hôpital d’un bon nombre de spécialités. Les services de l’hôpital ont été sensibilisés à l’accueil de personnes handicapées. Une véritable solidarité existe avec les autres services qui essayent de ne pas trop faire attendre nos patients. Nous nous adaptons aux contraintes du handicap. Par exemple, nous ne pouvons pas toujours faire des points de sutures parce que le patient peut les arracher. Nous trouvons alors une autre solution qui bien que plus longue sera satisfaisante quand même. Lorsque nous sommes obligés de renoncer à un soin, nous allons proposer un accompagnement pour atténuer les symptômes de la maladie. Nous allons fournir des conseils d’adaptation à la pathologie aux personnes qui s’occupent de ces patients. La prise en charge de personnes handicapées nécessite-t-elle des formations particulières ? Effectivement, pour comprendre et bien prendre en charge ces patients, une formation est nécessaire. N’étant pas issue du milieu du handicap, je me suis formée sur le tard. J’ai suivi de nombreuses formations notamment sur la douleur somatique chez la personne polyhandicapée. En ce moment, je me forme aux troubles neuro-développementaux. Le personnel de l’unité a également dû suivre une formation qui n’est cependant pas très adéquate. Les membres de l’équipe apprennent surtout grâce à la pratique, chaque cas étant particulier. Ils sont toujours à l’écoute des conseils donnés. Nous sommes dans l’adaptation permanente. Lorsque nous devons emmener un patient au bloc opératoire par exemple, nous ne devons pas utiliser ces termes qui peuvent l’effrayer. Certains patients sont conduits debout au bloc ou en salle d’examen parce que cela les rassure. Pour d’autres, nous ne retirons pas les lunettes ou l’appareil auditif pour ne pas créer d’anxiété. Je sensibilise au quotidien l’équipe sur le fait qu’il n’y a pas de problème mais que des solutions. Mais les personnes handicapées sont beaucoup plus adaptables que ce que l’on veut bien croire. Et lorsque tout se passe bien, le patient a moins peur de revenir. Après presque dix ans d’existence, quel bilan faites-vous ? Nous avons de plus en plus de patients avec près de 1 500 consultations par an. Certains parcourent beaucoup de kilomètres parce qu’ils n’ont pas d’autres moyens pour accéder aux soins. Aujourd’hui, je dois assurer des consultations de plus en plus longues. Je me retrouve face à des situations beaucoup plus complexes. Nous avons réussi à instaurer une véritable coopération avec les médecins de ville qui ne savent pas toujours quelles attitudes avoir face à des patients handicapés souffrant de troubles du comportement. Ils n’hésitent pas à faire appel à nous pour un problème technique ou bien pour la réalisation d’un examen. |