Mis en place dans les années 70, le dépistage de la trisomie 21 chez le fœtus a énormément évolué depuis. Non obligatoire, il est aujourd’hui proposé à toutes les femmes enceintes. Il peut être réalisé par une simple prise de sang associée au suivi échographique, un geste bien moins invasif que les amniocentèses qui étaient proposées systématiquement auparavant. Au CHU de Poitiers, ce sont près de 400 dépistages prénataux non invasifs qui sont réalisés chaque année. Le Dr Caroline Schenk, biologiste généticienne au sein du laboratoire de génétique biologique du service de génétique médicale du Dr Frédéric Bilan, au CHU de Poitiers, et membre du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, nous en explique le fonctionnement.
Un peu d’histoire
Dans les années 70, le dépistage prénatal par amniocentèse n’était proposé à la mère que si elle était âgée de plus de 38 ans. Le dépistage d’anomalie génétique fœtal comme la trisomie 21 était donc très limité. Ce n’est que dans les années 90 que le protocole évolue, avec la mise au point du dépistage séquentiel grâce aux marqueurs sériques maternels et l’élargissement des critères de l’amniocentèse : toujours un âge supérieur à 38 ans pour la mère, mais de nouveaux critères apparaissent : une clarté nucale de plus de trois mm ou des marqueurs sériques avec risque élevé. Cependant, ce protocole entraine toujours trop de gestes invasifs, et un nombre de fausses couches non négligeable. A partir de 2009, c’est le dépistage combiné associant plusieurs facteurs de risque, qui est mis en place, afin de donner un résultat unique qui sera classé en trois catégories : un risque élevé, intermédiaire ou faible. Un geste invasif sera proposé aux femmes avec un risque élevé. Ce dépistage combiné diminue de moitié le nombre de gestes invasifs, mais il entraîne un nombre non négligeable de faux positifs et de faux négatifs. Depuis 2013, le dépistage prénatal non invasif est intégré au dépistage. Il sera proposé en cas de risque intermédiaire ou élevé, ce qui génère encore moins de gestes invasifs et améliore la fiabilité du dépistage.
En quoi consiste le dépistage prénatal non invasif ?
C’est un test de dépistage de certaines anomalies chromosomiques fœtales, comme notamment la trisomie 21. « Pour le moment, les recommandations de dépistage prénatal de la Haute Autorité de santé (HAS) ne concerne que la trisomie 21. Néanmoins, un dépistage des trisomies 13 et 18 est aussi réalisé. Le dépistage des autres anomalies chromosomiques est soumis au consentement de la maman », précise le Dr Schenk. Après accord de la patiente, un dépistage étendu « Whole Genome » peut donc être réalisé afin de détecter d’autres trisomies que la trisomie 21 ou certaines petites anomalies chromosomiques.
Le test se base sur la présence de l’ADN libre issu du placenta dans le sang maternel. « L’ADN extrait du sang maternel contient un mélange de très petits fragments de chromosomes maternel et fœtal », explique le Dr Schenk, « il peut donc révéler, dans des cas exceptionnels, des problèmes de santé pour la mère, comme par exemple certains cancers ».
Comment ça marche ?
On réalise un prélèvement maternel, dont on extrait et prépare l’ADN grâce à un automate Hamilton, acquis par le CHU fin 2021. « On peut avoir l’impression que tout est automatisé, mais en réalité, il y a de nombreuses interventions de techniciens à chaque étape », précise le Dr Caroline Schenk. En effet, les techniciens ont pour mission de préparer les échantillons sanguins avant leur passage dans l’automate. Pendant le travail de l’automate, ils doivent surveiller et réaliser plusieurs gestes. « L’automate n’est pas totalement autonome, il faut une intervention humaine à chaque étape », indique le Dr Schenk. Enfin, les techniciens sont chargés d’acheminer les tubes pour l’étape du séquençage, qui n’est pas réalisée dans le même bâtiment que l’extraction et la préparation de l’ADN. Cette étape est réalisée grâce à un séquenceur haut débit, puis le génome est analysé par un logiciel bio-informatique spécifique qui est capable de détecter toute anomalie chromosomique, et d’indiquer de quelle anomalie il s’agit et quel chromosome est impacté. Tout ce parcours dure environ 24h.
Protocole de dépistage actuel
Au cours du premier trimestre de la grossesse, on propose aux futurs parents de réaliser un dépistage de la trisomie 21, qui consiste à calculer un risque à partir d’une échographie, d’une prise de sang pour réaliser les marqueurs sériques maternels et de l’âge de la maman.
Si le risque calculé est inférieur à 1/1 000, le suivi de grossesse se poursuit normalement. Si le risque est compris entre 1/1 000 et 1/51, on propose aux parents de réaliser un dépistage plus précis par dépistage prénatal non invasif à partir d’une prise de sang. Si ce test s’avère positif, il faudra en confirmer le résultat avec un examen invasif, comme une amniocentèse.
Enfin si le risque est supérieur ou égal à 1/50, on propose directement à la patiente de réaliser une amniocentèse ou une choriocentèse. Elle pourra tout de même bénéficier d’un dépistage prénatal non invasif en cas de refus du geste invasif.
En France, le dépistage prénatal est en constante évolution. Avec l’évolution des techniques, il sera sûrement possible, dans quelques années, de détecter d’autres anomalies chromosomiques, et peut-être de proposer la technique du dépistage prénatal non invasif en première intention aux femmes, pour le dépistage prénatal.