A l’heure où nous constatons une nouvelle hausse des cas de covid-19, le Pr Didier Pittet, qui a été nommé par Emmanuel Macron à la tête de la mission chargée d’évaluer la gestion de la crise covid-19 en France, a accepté de nous offrir son éclairage sur la situation, lors de sa visite au CHU de Poitiers le 18 novembre dernier en tant que membre du jury de soutenance d’habilitation à diriger des recherches (HDR) du Dr Matthieu Boisson.
Une 5e vague prévisible
Cette hausse des cas que nous constatons en ce moment, le Pr Pittet n’en est pas étonné : « la covid-19 est un virus qui est là pour rester ». Il précise d’ailleurs que nous vivons depuis des centaines d’années avec 4 grandes familles de coronavirus, contre lesquelles nous sommes désormais immunisés à 99%. La covid-19 compose la 5e famille de ces virus, avec laquelle il va falloir apprendre à vivre, et contre laquelle la population finira par développer une immunité, en contractant la maladie ou en se vaccinant. Cette immunité est la clé de la sortie de crise sanitaire : « au départ, on parlait d’environ 60% de personnes immunisées nécessaires pour freiner la propagation du virus, on parle maintenant davantage de 80 à 90%, si l’on fait des projections par rapport à ce que l’on sait des autres coronavirus ». Tant que l’on n’avoisinera pas les 100% d’immunité, le virus continuera à circuler.
Ce qui est problématique avec la covid-19, c’est qu’elle peut avoir de graves conséquences, notamment sur les personnes fragiles, âgées ou immuno-déprimées, mais malheureusement pas seulement. « On a vu des jeunes arriver en réanimation, des sportifs », raconte le Pr Pittet. Et c’est un virus qui peut laisser des séquelles, à long terme, avec ce que l’on appelle le covid long. Il y a des conséquences d’ordre psychologique, comme des dépressions par exemple, mais pas seulement. On rencontre des atteintes multiples : de la fatigue, des pertes d’odorat sur de longues périodes… A Genève, ce sont 40% des patients atteints de covid-19 qui présentent ensuite un covid long.
Éviter les hospitalisations
Pour éviter ces séquelles, l’objectif est d’éviter au maximum que la population soit contaminée, et de permettre ainsi de désengorger les hôpitaux, « malheureusement, il n’est pas possible d’éviter la totalité des infections naturelles ». Cependant, il est primordial d’éviter au maximum les hospitalisations, afin de soulager les équipes soignantes qui sont épuisées par cette longue crise, mais aussi pour éviter les retards de prise en charge des autres pathologies, comme par exemple dans le dépistage des cancers.
« Pour éviter les hospitalisations, ce qui fonctionne très bien, c’est le confinement. Or, personne n’en veut, car cela a de lourdes conséquences, à tous niveaux » : un coût sanitaire, avec des retards de prise en charge et une perte de chance pour certains patients, un coût économique pour l’Etat et les entreprises, un coût social, avec l’isolement et les obstacles à la scolarisation… L’enjeu est donc de trouver un juste milieu entre le confinement et le coût humain en terme de décès, si rien n’est fait.
La 3e dose : une nécessité
« L’outil principal dont on dispose aujourd’hui pour cela, c’est le vaccin », qui permet d’atténuer les effets du virus en cas de contamination, mais également d’en limiter la propagation. Seulement, l’immunité acquise grâce au vaccin baisse avec le temps. « Là encore, ce n’est pas une surprise », indique le Pr Pittet, et c’est pour cela que la 3e dose, « que l’on devrait plutôt nommer dose de rappel », est essentielle. En effet, les deux premières doses de vaccin auraient dû être administrées dans un laps de temps plus long, pour une efficacité optimale. Or, l’urgence de la situation sanitaire ne permettait pas de patienter davantage. « Cette 3e dose intervient cette fois-ci dans un délai optimal pour installer et solidifier la mémoire immunitaire face à ce virus, elle est essentielle ».
Un autre outil important face à la covid-19 est la vaccination des soignants, à la fois pour eux-mêmes, mais aussi pour leur entourage : familial bien sûr, mais également professionnel. En effet, avant la mise en place de la vaccination, on a constaté que parmi les cas de patients covid hospitalisés, 20% étaient ce que l’on appelle des covid nosocomiaux, c’est-à-dire des covid contractés à l’hôpital, par l’intermédiaire des soignants. Le vaccin du personnel agit alors comme une barrière pour limiter ces contaminations.
« Faire société » contre le virus
Rappelons cependant que le vaccin n’évite pas la contamination, il en atténue les effets. Cela signifie que même en étant vacciné, il faut continuer à respecter les gestes barrière. « La 5e vague est là », précise le Pr Pittet, liée tout d’abord à l’arrivée de l’automne, qui augmente de 30% le risque de contracter la covid, mais aussi liée au relâchement des gestes barrière. Ce sont ces éléments qui permettent d’expliquer la hausse des cas, malgré une bonne couverture vaccinale en France.
Pour limiter au maximum l’impact de cette vague, il faut veiller à la cohérence de nos comportements : tout d’abord être vacciné, mais aussi respecter les gestes barrière, et enfin effectuer un test de dépistage en cas de symptômes, même si l’on est vacciné. Il faut « faire société ». En effet, le comportement de chacun a un impact sur l’évolution du virus, et plus le virus circule, plus il a de chances de muter vers des formes encore plus virulentes.
Pour l’instant aucune mutation majeure n’a été constatée depuis le variant Delta, ce qui signifie que la vaccination est toujours efficace : « on observe une tendance de freinage des mutations, qui montre que l’on est probablement sur la bonne voie ». De plus, avec le travail des chercheurs et des laboratoires, nous serions maintenant capables de faire évoluer très rapidement le vaccin si le virus venait à muter de manière majeure.