La pharmacovigilance : un service essentiel dans la campagne de vaccination

Marie-Christine Perault-Pochat est professeur des universités et praticien hospitalier en pharmacologie clinique au CHU de Poitiers depuis 20 ans. En cette période de vaccination massive, le centre régional de pharmacovigilance (CRPV) dont elle est responsable joue un rôle essentiel dans l’évaluation d’un éventuel lien de causalité entre les vaccins et la survenue d’effets indésirables.

Qu’est-ce que la pharmacovigilance ?

Dans le code de la santé publique, la pharmacovigilance a pour objet la surveillance du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain dans différentes conditions : conditions normales, mésusages, erreurs médicamenteuses, surdosages, abus… Notre vigilance est très vaste puisqu’elle intègre également le recueil des effets indésirables suite à une exposition aux médicaments dans le cadre de l’activité professionnelle.

Votre service fait partie des 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV)

Il y a un centre régional de pharmacovigilance quasiment dans chaque CHU. Celui du CHU de Poitiers traite de la pharmacovigilance sur les départements de la Charente, des Charentes Maritimes, des Deux-Sèvres et de la Vienne.

Quel est le rôle de votre service dans le cadre de la vaccination

Nous avons été sollicités très tôt parce qu’il s’agissait de la mise à disposition de médicaments à une population très large avec des études cliniques faites sur un nombre restreint de patients. Dès le début, il fallait savoir quels étaient les effets indésirables non connus liés à l’utilisation de ces vaccins à grande échelle. Ici au CHU, par exemple, le Pr France Cazenave-Roblot – infectiologue – a déclaré très rapidement des syndromes grippaux inattendus par leur sévérité survenant 24 à 48h après vaccination par covid-19 vaccine AstraZeneca®. Dès que nous avons eu cette information, nous l’avons transmise à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Celle-ci a étudié les cas que nous avions déclarés et elle a validé les syndromes grippaux comme effets indésirables. Notre rôle est vraiment de détecter le plus rapidement possible les effets indésirables pour procéder à ce que nous appelons la validation d’un signal. Cette validation se fait de façon collégiale lors des réunions de travail régulières de l’ensemble des CRPV. La finalité est de prendre les bonnes décisions en matière de santé publique.

L’ANSM présente les CRPV comme « clé de voute de la vaccination »

L’utilisation des vaccins en toute sécurité repose pour beaucoup sur la pharmacovigilance. Cette vigilance doit se faire en temps réel. Pour cela, nous devons travailler en étroite collaboration avec nos confrères qui nous déclarent rapidement tout effet indésirable. Puis en fonction de la gravité – la gravité étant soumise à cotation – des effets, nous les enregistrons dans la base nationale de pharmacovigilance, les communiquant ainsi à l’ANSM. Selon les cas, nous informons également la direction usagers, risques, qualité du CHU et l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine.

Quelle part de votre activité occupe la gestion des effets indésirables liés aux vaccins ?

Elle prend actuellement une part non négligeable de notre activité. Cela nous ennuie un peu parce que les autres médicaments continuent à être administrés. Il y a des effets indésirables graves avec d’autres produits que les vaccins. Nous y restons tout de même très attentifs.  Nous sommes vraiment mobilisés sur la vaccination. Nous recevons plus de 200 dossiers par semaine. Nous traitons en priorité tous les cas graves. Nous devons le faire dans les 8 jours qui suivent la déclaration, samedi et dimanche inclus. Nous essayons de traiter les cas non graves au cours du mois, les délais de transmission étant alors plus longs.

Les délais sont-ils tenus ?

Nous y parvenons mais il est vrai que c’est très difficile pour nous. C’est la première fois que nous sommes confrontés à une telle situation. Nous sommes 3,6 équivalents temps plein – médecins et pharmaciens. Heureusement, nous bénéficions depuis le 17 mai d’une personne faisant fonction d’interne pour nous aider jusqu’à la fin du mois d’août.

Nous traitons les déclarations faites par nos confrères, celles faites par des patients – des  quatre départements dont nous avons la charge – directement sur le portail du ministère de la Santé. Nous les recevons au fil de l’eau et nous essayons de les analyser rapidement. Je lis tous les signalements, au jour le jour, en priorisant les cas graves. Et puis nous avons reçu et continuons de recevoir énormément d’appels de personnes pour des renseignements sur la vaccination : doivent-ils faire la deuxième injection après des effets indésirables ; après une vaccination par covid-19 vaccine AstraZeneca®, peuvent-ils se faire vacciner par le vaccin Pfizer, etc. Ces appels représentent un volume important notre travail. Il nous faut rassurer les patients après des effets indésirables, répondre à leurs questions et également leur réexpliquer les bénéfices de la vaccination. Nous les incitons à contacter leur médecin traitant. Grâce à l’implication forte de mes collègues, nous maintenons un haut niveau d’activité.

Comment déclarer des effets indésirables ?

Le plus simple est de nous téléphoner pour nous les déclarer directement. Les personnes peuvent également se rendre sur le portail du ministère de la Santé où ils seront guidés pas à pas dans leurs déclarations. Ils devront indiquer leur département. Leurs déclarations nous sont ensuite transmises.

Quel message voulez-vous adresser aux personnes qui se font vacciner ?

La loi stipule que tout effet indésirable doit être déclaré. Il est vrai que doivent être déclarés les effets indésirables graves qui sont invalidants pour les personnes dans leur vie quotidienne. Certaines personnes nous ont déclaré des effets qui ne sont pas graves en soi comme de la fièvre ou des diarrhées. Mais ces effets les ont quand même gênés dans leur activité professionnelle. Je préfère que les patients déclarent tout effet indésirable et qu’ensuite je fasse mon travail d’analyse plutôt que de passer à côté d’un effet indésirable grave qui n’aurait pas été déclaré. L’expertise est l’essence de notre travail. La loi dit de tout déclarer et je pense effectivement qu’il faut tout déclarer.