Charentais d’origine, le Dr François-Charles Javaugue débute ses études à la faculté de Poitiers en 1998 avant de prendre la direction de Bordeaux pour son internat en biologie médicale. Il complète sa formation en microbiologie au CHU de Brest puis à Paris à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard. En mai, il intègre le service de bactériologie-hygiène du CHU de Poitiers dirigé par le Pr Christophe Burucoa. De sa thèse consacrée au virus du Sida (VIH) est né un ouvrage sans précédent de près de 1 500 pages intitulé : "VIH, les virus et le nouveau visage moléculaire de la pandémie".
De nombreux travaux de recherche sont menés sur le sujet, mais vous avez choisi de disséquer le Sida sous toutes ses formes : épidémiologique, mais aussi historique, géographique, sociale… Qu’apporte ce nouvel éclairage sur le virus ?
La quête des origines n’épargne pas les virologues… Les données virologiques (« phylogénétiques ») nous ont permis de retracer l’origine et la diffusion des différents sous-types VIH-1 à travers le monde, le VIH étant classé en plusieurs sous-types qui ont tous leur propre histoire. La pandémie est le résultat d’un unique événement de transmission zoonotique d’un virus ancestral du singe à l’Homme, en l’occurrence du chimpanzé à l’Homme, par la chasse et la consommation de viande de brousse, aux alentours de 1908, dans une région reculée du sud-est du Cameroun. Cette étape a écrit l’acte fondateur de la pandémie. La diversification chez l’Homme de ce virus simien a donné naissance aux différents sous-types VIH-1.
Les premières traces du virus sont ensuite documentées en 1959 à Kinshasa, en Haïti, dès 1966, avant d’émerger aux États-Unis en 1971, soit douze ans avant la découverte du virus à l’Institut Pasteur de Paris. Cette diffusion pandémique est le résultat d’une conjonction inédite au XXe siècle de facteurs démographiques, socio-économiques (développement des transports, exode rural, conflits et migrations de populations), culturels (changement des pratiques sexuelles) et médicaux (campagnes massives d’injection de pentamidine et de pénicilline dans les années 1950 en Afrique). Pour la première fois, cet ouvrage retrace la diffusion des virus du Sida dans le temps et l’espace, pour comprendre l’épidémie d’hier et d’aujourd’hui et ainsi mieux appréhender celle de demain, pour une riposte plus efficace.
Trentre ans après la découverte du virus, aucun vaccin préventif n’a encore été découvert. Quelles peuvent être les formes de cette « riposte » ?
La route est encore longue pour tordre le cou aux idées reçues sur le SIDA… Il faut poursuivre le travail d’information et de prévention. On recense 35 millions de personnes infectées dans le monde, 130 000 en France, dont 20% qui ignorent leur séropositivité. Malgré les progrès enregistrés dans de nombreux pays, seulement 37% des personnes vivant avec le VIH reçoivent un traitement antirétroviral. Doublé du bénéfice individuel direct, ce traitement réduit considérablement le risque de transmission virale. Des perspectives encourageantes (« test and treat ») ont fait germer l’idée de « zéro nouvelle infection à l’horizon 2020 », à condition de dépister et de traiter l’ensemble de la population séropositive. Vaccin efficace, prévention, dépistage et traitement précoce (voire préventif) sont les actions de lutte essentielles contre ce fléau.
Quelle est aujourd’hui votre activité médicale en bactériologie au CHU ?
Nous assurons le diagnostic microbiologique et le suivi des infections bactériennes, les missions d’enseignement et de recherche. Le laboratoire est doté de techniques performantes pour réaliser culture, identification et antibiogramme et répondre au mieux aux attentes de nos collègues cliniciens. C’est un partenaire dynamique et privilégié des services de soins. L’unité d’hygiène hospitalière assure les missions de surveillance et de prévention des infections nosocomiales. Des techniques nouvelles sont amenées à se développer. La veille scientifique et technologique exercée par l’ensemble de l’équipe, sous l’impulsion du Pr Burucoa, est particulièrement motivante pour rendre encore plus performant le diagnostic des maladies infectieuses.