LA CHIRURGIE DU NEURINOME DE L’ACOUSTIQUE

Qu’est-ce qu’un neurinome de l’acoustique ?

Le neurinome de l’acoustique, également appelé schwannome vestibulaire, est une tumeur bénigne (non cancéreuse), développée aux dépens de la 8ème paire crânienne ou nerf acoustique. La 8ème paire crânienne, nerf de l’audition et de l’équilibre, est en fait constituée de 2 contingents nerveux : le nerf cochléaire pour l’audition et le nerf vestibulaire pour l’équilibre. Dans la majorité des cas, c’est à partir du nerf vestibulaire que se développe le neurinome. Le neurinome de l’acoustique est habituellement unilatéral, isolé et non héréditaire, sauf lorsqu’il s’intègre dans le cadre d’une maladie génétique rare appelée maladie de Recklinghausen ou neurofibromatose.

Quels sont les signes d’un neurinome de l’acoustique ?

La baisse d’audition est le signe révélateur d’un neurinome de l’acoustique le plus fréquemment observé. Il s’agit d’une surdité de perception, unilatérale, dont l’évolution est le plus souvent très progressive (mais certains neurinomes peuvent se révéler par une surdité d’installation brutale). Des acouphènes (bruits dans l’oreille) peuvent accompagner la surdité ou être isolés et révélateurs du neurinome. Bien que l’origine du neurinome soit située au niveau du nerf vestibulaire, les grands vertiges sont rares, en raison de la croissance habituellement très lente de la tumeur. On observe plus volontiers des sensations vertigineuses ou des troubles de l’équilibre (en particulier quand le patient est dans la pénombre). Du fait de la proximité anatomique du nerf acoustique et du nerf facial, le neurinome de l’acoustique peut être responsable d’une paralysie faciale. D’autres symptômes neurologiques ou neurochirurgicaux peuvent plus rarement être observés (anesthésie de la face, troubles de la déglutition, maux de tête&), témoignant souvent d’une tumeur volumineuse.

L’audiogramme montre habituellement une surdité ou hypoacousie (baisse de l’audition) unilatérale (ou plus marquée d’un côté chez les patients présentant déjà une baisse d’audition bilatérale). Pour compléter le bilan, on peut avoir recours à d’autres explorations cochléo-vestibulaires (potentiels évoqués auditifs pour étudier l’activité électrique du nerf auditif, vidéonystagmographie pour explorer les troubles de l’équilibre). Le diagnostic repose essentiellement sur l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM). L’IRM est l’examen le plus fiable et le plus sensible pour le diagnostic de neurinome. Elle permet également d’évaluer de façon précise la taille, la localisation, l’extension et le retentissement sur les structures de voisinage du neurinome. Le scanner est beaucoup moins fiable et sensible que l’IRM pour le diagnostic, mais il peut apporter des renseignements utiles aux chirurgiens (ORL et neurochirurgien) lors de l’élaboration de la stratégie thérapeutique.

Quels sont les risques d’un neurinome de l’acoustique ?

Le neurinome de l’acoustique est responsable d’une surdité qu’il est d’ailleurs souvent difficile à appareiller. Les troubles de l’équilibre peuvent être responsables de chutes. La compression d’autres nerfs crâniens de voisinage peut provoquer : paralysie faciale, névralgies faciales, anesthésie de la face, troubles de la déglutition. Certaines tumeurs volumineuses peuvent engager le pronostic vital en comprimant les structures cérébrales.

Dans la majorité des cas, la croissance tumorale est extrêmement lente et on peut même observer dans une proportion non négligeable de cas, des tumeurs qui vont rester parfaitement stables, pendant des mois ou des années. Ceci explique pourquoi certains neurinomes sont simplement surveillés de façon régulière, sans aucune intervention thérapeutique.

Quel traitement faut-il envisager ?

La prise en charge des neurinomes de l’acoustique dépend de nombreux paramètres : âge et état de santé du patient, taille du neurinome et rapports avec les structures cérébrales, état de l’audition…

En fonction de ces différents paramètres plusieurs attitudes peuvent être adoptées :

  • abstention et surveillance régulière (clinique, audiométrique et radiologique par IRM) : cette attitude est habituellement préconisée chez les sujets âgés ou présentant un état de santé fragile, et si, bien sûr, le neurinome ne risque pas d’entrainer des complications graves ;
  • ablation chirurgicale de la tumeur : plusieurs types  d’interventions chirurgicales permettent de retirer la tumeur (quelle que soit sa taille). Certaines interventions sont effectuées par une double équipe chirurgicale (associant un ORL et un neurochirurgien), raison pour laquelle on qualifie volontiers ces opérations d’interventions otoneurochirurgicales. Bien que certaines interventions soient susceptibles de préserver l’audition restante, la perte complète et définitive de l’audition du côté opéré est fréquente. L’autre risque principal de la chirurgie est la survenue en postopératoire d’une paralysie faciale. La fréquence de survenue de cette complication varie en fonction de la taille de la tumeur et de son caractère plus ou moins adhérent au nerf facial. Toutes ces interventions sont réalisées en utilisant un neuromonitoring du nerf facial, c’est-à-dire un système permettant de localiser et de surveiller l’activité du nerf facial pendant toute la durée de l’intervention ;
  • radiothérapie : la radiothérapie a pour but de bloquer la croissance tumorale et de stabiliser la lésion (il faut donc bien comprendre que la tumeur ne va pas disparaître). L’irradiation tumorale peut être délivrée selon différentes modalités en une ou plusieurs séances en fonction du système utilisé et de la taille de la tumeur (gamma-unit, radiothérapie fractionnée conformationnelle). La radiothérapie s’adresse habituellement aux tumeurs de petit et moyen volumes. Les complications de la radiothérapie sont globalement identiques à celles de la chirurgie, mais surviennent dans une moindre proportion. La tumeur n’ayant pas été retirée la surveillance évolutive devra être beaucoup plus prolongée qu’après chirurgie. Les risques de transformation d’une tumeur bénigne en tumeur maligne liés aux effets des rayonnements semblent très rares d’après les données récentes.

La décision thérapeutique dépend donc de nombreux facteurs, pouvant faire appel aux compétences de différents spécialistes (ORL, neurochirurgiens, anesthésistes, neuroradiologues…). Le CHU de Poitiers a mis sur pied une équipes «otoneurochirurgicale» réunissant différents spécialistes permettant la prise de décisions multidisciplinaires afin de proposer des traitements adaptés à chaque cas.

Fiche information-chirurgie du neurinome de l’acoustique

Afin que vous soyez clairement informé du déroulement de l’intervention chirurgicale, si cette option a été retenue, nous vous demandons de lire attentivement ce document d’information. Votre chirurgien est à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

But de l’intervention

Une intervention chirurgicale vous est proposée après avoir analysé les caractères de votre tumeur, en particulier sa taille et sa rapidité de croissance, ainsi que votre age, votre état général. Ainsi la chirurgie est apparue nécessaire plutôt que les autres alternatives (surveillance ou radiochirurgie) qui ont été discutées.

Le but de l’intervention est de retirer la tumeur dans sa totalité, tout en préservant l’ensemble des structures cérébrales et les nerfs au contact de la tumeur.

Réalisation de l’intervention

L’intervention se fait soit par le neurochirurgien, soit en double équipe par le neurochirurgien et l’oto-rhino-laryngologiste en fonction des caractéristiques de la tumeur. Plusieurs voies d’abord peuvent être utilisées ; elles ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients.

Le choix est essentiellement fonction du volume de la tumeur, de l’importance de la surdité et de la possibilité de conserver une audition.

L’intervention s’effectue sous anesthésie générale et sera suivie d’une phase de surveillance post-opératoire sous la compétence du médecin anesthésiste-réanimateur, que vous verrez en consultation préalable à l’intervention.

Quelle que soit la voie d’abord, l’intervention comporte une incision cutanée dans le cuir chevelu, au dessus et en arrière de l’oreille suivie d’une ouverture de l’os et des méninges. Elle est réalisée sous microscope opératoire, qui permet une dissection très fine pour libérer la tumeur du cervelet et des autres nerfs crâniens, en particulier le nerf facial qui est toujours accolé à la tumeur. Une surveillance électrique de votre nerf facial est effectuée pendant l’intervention.

Dans certains cas, le comblement de la cavité opératoire est réalisé par du tissu graisseux ou musculaire pris sur la paroi abdominale ou sur la cuisse.

Les soins post-opératoires et la durée d’hospitalisation vous seront précisés par votre chirurgien.

Risques post-opératoires

Une paralysie faciale peut apparaître après l’intervention. Elle peut être partielle ou totale. Elle est due à la libération du nerf facial intimement accolé à la tumeur, le fragilisant par refoulement et étalement. Elle régresse progressivement en quelques semaines ou quelques mois. Quand elle persiste totalement au delà d’un an, une intervention peut être proposée pour récupérer une mobilité de votre face.

Des troubles de l’équilibre peuvent être observés dans les premières semaines post-opératoires. Ils sont liés au développement de la tumeur à partir du nerf vestibulaire responsable de l’équilibre. Ils seront corrigés par une rééducation spécialisée.

La surdité, du coté opéré, est totale, définitive, lorsque la voie d’abord passe au travers du rocher ; cette voie d’abord est souvent choisie pour les tumeurs de gros volume responsables d’une altération importante de l’audition. La surdité est souvent aggravée lorsque la voie d’abord passe en arrière du rocher ou au dessus ; cette dernière est choisie pour tenter de préserver une audition encore correcte.

D’autres problèmes peuvent s’avérer gênants : acouphènes à type de bourdonnements ou de sifflements perçus dans l’oreille, douleur de la cicatrice, troubles de la sensibilité de la face.

Enfin, comme dans toute tumeur, la récidive est possible liée à un résidu tumoral parfois inévitable en particulier au niveau du conduit auditif interne.

Complications graves et/ou exceptionnelles

Tout acte médical, investigation ou intervention sur le corps humain, même conduit dans des conditions de sécurité conformes aux données actuelles de la science et de la réglementation en vigueur, recèle un risque de complication.

Un hématome post-opératoire est rare, mais peut entraîner le décès ou des séquelles graves. Il peut nécessiter une réintervention d’urgence.

Une lésion ischémique du tronc cérébral est également rare avec risque de décès ou de séquelles importantes.

Les risques infectieux correspondent à la survenue d’une méningite parfois liée à un écoulement de liquide céphalo-rachidien par la cicatrice opératoire ou par une narine. Dans ce cas, elle pourra nécessiter, outre un traitement antibiotique, la mise en place d’un drain lombaire, voire une réintervention pour comblement de la cavité opératoire.

D’une manière générale les risques opératoires sont proportionnels au volume de la tumeur.

Enfin, comme pour toute intervention, il existe un risque anesthésique qui vous sera expliqué par nos collègues, des risques infectieux urinaires et pulmonaires, ainsi qu’un risque de phlébite et d’embolie. Ces complications font l’objet d’une démarche de prévention à tous les niveaux.