Les résultats d’une recherche clinique portée par le Pr Claire Dahyot-Fizelier, médecin en neuro-réanimation du CHU de Poitiers, viennent d’être publiés dans The Lancet Respiratory Medicine. En plus d’être intégrée dans la prestigieuse revue internationale, l’étude a été désignée pour une présentation lors de la session de « Thought leader : Late-breaking studies that will change your practice » au congrès de la Society of Critical Care Medicine le lendemain de sa publication en ligne. Une magnifique reconnaissance.
Intitulée « Ceftriaxone to prevent early ventilator-associated pneumonia in patients with acute brain injury: a multicentre, randomised, double-blind, placebo-controlled, assessor-masked superiority trial », l’étude PROPHY-VAP du Pr Claire Dahyot-Fizelier a été soutenue par le ministère de la Santé dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique interrégional. L’objectif principal de l’étude était de diminuer l’incidence des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique (PAVM) précoces, première cause d’infection associée aux soins en réanimation, chez des patients cérébro-lésés. Les PAVM précoces touchent davantage encore les patients dans le coma, qui selon les études, toucheraient entre 1/3 à 2/3 des cérébrolésés nécessitant la ventilation artificielle. Ces infections allongent la durée de ventilation mécanique, la durée d’hospitalisation, et aggravent le pronostic de ces patients. Les recommandations nationales et internationales pour prévenir les PAVM proposent de faire une antibioprophylaxie intra-veineuse de deux à cinq jours, associée à une décontamination orale et/ou digestive par d’autres anti-infectieux. « Ces recommandations sont peu appliquées dans nos services de réanimation tout d’abord du fait du niveau de preuve, mais aussi parce qu’elles sont difficiles à appliquer, et surtout par crainte du risque d’antibiorésistance », précise le Pr Claire Dahyot-Fizelier.
La recherche du Pr Claire Dahyot-Fizelier a consisté à vérifier si l’administration de 2g de ceftriaxone, antibiotique, à des patients cérébrolésés dans les 12 heures qui suivent l’intubation trachéale, permet de diminuer l’apparition de PAVM précoces. Pour cela, les investigateurs ont réalisé une étude randomisée en double aveugle, contre placebo, avec comité de relecture des pneumopathies en aveugle. Les patients, victimes d’un traumatisme crânien, d’un accident cardio-vasculaire ischémique ou hémorragique, ou d’hémorragie méningée, ont été répartis, de façon aléatoire, en deux groupes : l’un recevant l’antibiotique, l’autre le placebo. Les soignants ne savaient pas s’ils administraient le traitement ou le placebo. « Personne ne savait dans quel groupe se trouvait le patient. Ce sont, en général, les études les plus rigoureuses puisque personne n’est au courant du traitement reçu par le patient. Personne ne peut donc être influencé lors du diagnostic ultérieur de pneumopathie. Cependant, ces études sont plus difficiles à organiser, d’autant plus que celle-ci était multicentrique ». En effet, huit centres du réseau de recherche AtlantaRéa ont participé et ont permis l’inclusion de 345 patients. L’étude a démontré que l’administration de l’antibiotique limite le développement des infections pulmonaires et, par conséquent, diminue l’exposition aux antibiotiques et possiblement les risques d’antibiorésistance. « Ces résultats s’intègrent parfaitement dans la philosophie de l’unité de recherche Pharmacology of antimicrobial agents and antibioresistance (PHAR2 – Inserm U1070) dirigée par le Pr Sandrine Marchand, au sein de laquelle je travaille depuis bientôt vingt ans ». Les résultats de sa recherche, récemment publiés dans The Lancet Respiratory Medecine, avaient déjà été récompensés lors du congrès de l’European Congress of Clinical Microbiology and infectious diseases (ECCMID) de Copenhague en avril 2023. Le Pr Claire Dahyot-Fizelier s’est vu décerner l’ISF-ESCMID Sepsis Award qui récompense le meilleur abstract relatif au sepsis. Dernière consécration, et non des moindres, le Pr Claire Dahyot-Fizelier a été invitée par l’éditrice en chef de The Lancet Respiratory Medicine à participer, en janvier 2024, au congrès international de réanimation organisé par la Society of Critical Care Medicine’s, à Phoenix. Tout comme deux autres chercheurs anglophones, elle a présenté les résultats de l’étude lors d’une session intitulée « Les études qui vont changer nos pratiques ». Le Pr Claire Dahyot-Fizelier se réjouit de cette reconnaissance : « je suis heureuse de voir les résultats incroyables que cette étude a permis de démontrer et ce qu’elle va apporter aux patients. J’espère vraiment que cela va changer les pratiques et améliorer la prise en charge. J’étais très fière de présenter nos résultats auprès de nos pairs. C’est une grande reconnaissance pour tous les chercheurs qui ont participé au projet parce que c’était vraiment un travail collectif, un énorme travail d’inclusion, de vérification et d’analyses de données, de coordination, etc. C’est vraiment le fruit d’une collaboration, notamment avec le Pr Olivier Mimoz, chef du service des urgences du CHU de Poitiers, qui m’a envoyé en 2013 la publication qui est à l’origine du sujet de recherche et avec lequel nous avons travaillé étroitement pendant toute l’étude ».